Études culturellesLes études culturelles (en anglais cultural studies), ou sciences de la culture, sont un courant de recherche d'origine anglophone à la croisée de la sociologie, de l'anthropologie culturelle, de la philosophie, de l’ethnologie, de la littérature, de la médiologie, des arts, etc. D'une visée transdisciplinaire, elles se présentent comme une « anti-discipline » à forte dimension critique, notamment en ce qui concerne les relations entre cultures et pouvoir. Revisitant et déconstruisant les canons universitaires classiques, les études culturelles proposent une approche « transversale » des cultures populaires, minoritaires, contestataires, etc. GenèseCe courant de recherche est apparu en Grande-Bretagne dans les années 1960 : à Birmingham, en 1964, Richard Hoggart fonde le Centre for Contemporary Cultural Studies (en) (CCCS). Outre son fondateur, on associe généralement à ce courant Stuart Hall (successeur de Richard Hoggart à la tête du CCCS), Charlotte Brunsdon, Phil Cohen, Angela McRobbie, David Morley, Edward Thompson et Raymond Williams. Dans les années 1970, les cultural studies sont introduites aux États-Unis où elles sont mises en relation avec la French Theory, expression servant à désigner les travaux de philosophes comme Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Michel Foucault, Jean Baudrillard, entre autres, et plus précisément avec le structuralisme et les concepts de postmodernité et de déconstruction[1]. Depuis les années 1990, les études culturelles s'internationalisent. De nombreux courants apparaissent en Europe : la Kulturwissenschaft en Allemagne, la cultural analysis (en) aux Pays-Bas, etc. Jean-Claude Passeron est l'un des premiers à avoir introduit les travaux des études culturelles en France : il a traduit et préfacé l'ouvrage La Culture du pauvre (The Uses of Literacy) de Richard Hoggart. Ces études ont aussi été développées dans les années 1990 à Lille par Noël Burch (Lille III), dans le cadre d'étude sur le cinéma. Mais à l'époque, elles étaient très décriées en France, voire écartées des universités. Le problème étant qu'elles remettaient en question la culture dominante en révélant le racisme, la misogynie et le dédain de classe de nombreux auteurs et penseurs classiques (dont, paradoxalement, les philosophes de la French Theory eux-mêmes).[style à revoir] MéthodologieLes cultural studies sont nées d'un refus des hiérarchies culturelles académiques, d'une hiérarchisation entre la « bonne » et la « mauvaise » culture. Le mot culture est ainsi entendu dans son sens anthropologique[2] : elle est une culture du quotidien. Les objets d'études sont divers : publicités, séries télévisées, manières de parler et d'agir, sports, sociabilités, etc. Le choix de ces sujets implique pour les chercheurs d'adopter une méthode spécifique centrée sur un travail de terrain : histoire orale, entretiens sociologiques, analyse d'écrits de l'intime ou analyse d'archives donnant à voir l'histoire de minorités ou de classes dominées[3]. L'objet culturel est ainsi pensé sous l'angle de l'approche du pouvoir : comment les cultures minoritaires résistent-elles ou s'adaptent-elles face à la domination ? Dans leur Introduction aux Cultural Studies, Armand Mattelart et Erik Neveu distinguent quatre ensembles d'interrogations présentes dans le champ de recherche des cultural studies :
Loin de constituer une école, les études culturelles sont un champ de réflexion qui permet de repenser l'ensemble des vécus et des produits culturels sous l'angle de la réception et de la remise en question des formes de domination. Elles permettent de déconstruire les savoirs et de décentrer le regard en ne partant plus seulement de l'objet culturel (tel qu'il a été construit) mais aussi de la manière avec laquelle il a influencé les personnes qui l'ont reçu et éventuellement intégré. Les cultural studies ont donc eu un impact important sur les media studies, en introduisant la notion d'usage des publics[4]. Élargissement du champRichard Hoggart étudie la vie des classes « populaires » qui est dense et concrète : l'accent est mis sur le sens de l'intimité, la valeur du groupe domestique et le goût des plaisirs immédiats. Il est question dans ces travaux notamment des difficultés liées à l'affranchissement des modèles imposés par la société. Si les premières recherches des études culturelles sont liées avant tout aux cultures populaires, dans les années 1990, ce champ de recherche s'élargit aux performance studies (en), aux visual studies (en), aux études post-coloniales, aux études de genre…, domaines qui se sont développés à la suite d'un ensemble de tournants culturels (« cultural turns ») dans les humanités[5]. Selon les tenants de cette approche, cet élargissement ne devrait pas surprendre, puisque les études culturelles sont avant tout un rejet de ce que les disciplines ont de disciplinaire :
Dans une étude sur les cultural studies et ses équivalents allemand (Kulturwissenschaften) et français (études culturelles), Anne Chalard-Fillaudeau souligne en 2015 que les cultural studies « ne sont ni une discipline, ni une non-discipline qui disqualifierait toute approche disciplinaire, ni un cadre institutionnel, ni un champ de recherches fédéré. Elles signent […] une rénovation des formats et contenus scientifiques en vue d'une réflexion sur les formes et pratiques culturelles[7]. » Des auteurs ont réuni les préoccupations des études culturelles, études des médias, études de genre. Nathalie Magnan par exemple, autour de son concept du hacktivisme, montre comment le hack « décode les rapports de force » et reconfigure les codes[8]. Les sociologues Érik Neveu et Armand Mattelart critiquent la prétention de plus en plus globalisante des chercheurs de cette discipline :
Notes et références
Voir aussiBibliographieEn langue française
En langue anglaise
En langue allemande
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