Adélaïde d'Anjou[1], surnommée Blanche, née vers 947/950 et morte en 1026, est une dame de la très haute aristocratie de Francie occidentale.
Elle est la fille d'un des puissants comtes d'Anjou, qui a joué un rôle politique de premier plan au tournant des Xe et XIe siècles en Aquitaine, en Provence et dans ce qui plus tard allait devenir le Languedoc, par ses mariages, ses alliances et sa politique matrimoniale.
Lorsqu'elle épouse en 982 le jeune Louis V (le futur roi des Francs) à Vieille-Brioude, elle est déjà deux fois veuve du seigneur Étienne de Gévaudan (mort vers 970) dont elle a eu des enfants, et du comte Raymond de Toulouse (mort en 978). La trop grande différence d’âge et les débauches du jeune époux vont être la cause de son divorce en 984[2]. D’après Raoul Glaber, les manœuvres d'Adélaïde, déçue des capacités de Louis, pour l’abandonner et s'enfuir chez les siens[3]« en Provence, fit dissoudre son mariage (en 983) avec le futur roi de France »[4].
Adélaïde avec ses fils, Pons et Etienne de Gévaudan soutiennent son frère Guy d'Anjou dans ses actions lors des plaids comme à laprade ou par exemple lors de la fondation de Saint Pierre le monastier en 993 au Puy en Velay[6], ce qui montre une certaine implication dans les affaires familiales
C'est par Adélaïde que les deux prénoms dynastiques de la famille comtale d'Anjou, Foulques et Geoffroi, passent dans le stock anthroponymique de la famille comtale provençale, étant portés par deux de ses petits-fils, les comtes Foulques (plus tard surnommé Bertrand) et Geoffroi Ier. Si le nom de Foulques disparaît rapidement, celui de Geoffroi se perpétue chez les comtes de Provence. Florian Mazel y voit la « perpétuation ... du souvenir de l'alliance angevine, certainement perçue comme la plus prestigieuse de celles que les comtes nouent au tournant de l'an mil »[7].
Régence du comté de Provence
À la mort de Guillaume en 993, elle assure une longue régence qui fournit à la nouvelle noblesse l'occasion de se soulever à plusieurs reprises contre la dynastie comtale. Il y a un premier soulèvement en 1008, celui des fils de Nivelon de Signes, vicomte de Guillaume, puis en 1009, c'est le tour d'Audibert et Rainaud de Châteaurenard. Cette nouvelle génération nobiliaire conteste avec violence les donations religieuses faites par le Marquis et les membres de son entourage[8]. Elle doit également intervenir après la mort du nouveau comte Guillaume II tué au siège du château de Fos en 1018. La situation devient en effet plus critique quand la famille des Fos se soulève dans une rébellion qui entraîne la mort de comte et qui oblige Adélaïde à solliciter une aide externe, notamment celle de son fils issu d'un mariage précédent, Guillaume IIITaillefer, comte de Toulouse[9].
Un cinquième mariage ?
L'hypothèse d'une cinquième union d'Adélaïde d'Anjou, veuve du comte de Provence, avec Othon Guillaume, comte de Bourgogne et de Mâcon, a été proposée en 1907 par René Poupardin[10] et reprise par d'autres historiens à sa suite. Cette hypothèse repose uniquement sur trois chartes[11] attestant simplement l'existence d'une seconde épouse d'Othon Guillaume du nom d'Adélaïde et une bulle du pape Benoît VIII adressée, entre autres, aux dirigeants séculiers de Bourgogne et de Provence, parmi lesquels Othon Guillaume et Adélaïde, sans faire mention d'une union entre eux. Cette hypothèse, qui ne repose sur aucune preuve décisive, est donc à considérer avec prudence[12].
Mort et sépulture
Elle meurt en 1026, comme le note dans ses cahiers un moine de l'abbaye de Saint-André, près d'Avignon[13]. Cette dernière circonstance pourrait peut-être indiquer que la comtesse est morte dans cette dernière ville[13].
De Guillaume Ier de Provence (ap. 982 ou 984, date approximative du mariage d’Adélaïde et de Guillaume) :
Guillaume II, comte de Provence mort en 1019; bien que la filiation entre Adélaïde et son fils Guillaume soit attestée par de nombreuses chartes contemporaines[15] et soit acceptée par les historiens médiévistes, certaines compilations généalogiques persistent à en faire le fils d'Arsinde de Comminges, la première femme de Guillaume le Libérateur[16],
Sans que l'on puisse être certain de l'identité du père entre ses trois maris dont elle a eu une descendance, Adélaïde d'Anjou a aussi eu une fille au nom incertain (Ermengarde ou Philippa), mariée à Guillaume, comte d'Auvergne. Sa date de naissance, vers 971, suggère que Raymond de Toulouse serait l'hypothèse la plus plausible, suivi d’Étienne de Gévaudan puis, de façon plus improbable, Guillaume le Libérateur.
Michel Bur, « À propos du nom d'Étienne: le mariage aquitain de Louis V et la dévolution des comtés champenois », Annales du Midi, vol. 102, , p. 319-327 (ISSN0003-4398, lire en ligne).
Martin de Framond, « La succession des comtes de Toulouse autour de l'an mil (940-1030) : reconsidérations », Annales du Midi, vol. 105, , p. 461-488 (ISSN0003-4398, lire en ligne).
Analyse du récit du mariage raté de Louis V de France et d'Adélaïde d'Anjou par Richer de Reims.
Ferdinand Lot, Les derniers Carolingiens : Lothaire, Louis V, Charles de Lorraine (954-991), Paris, Librairie Émile Bouillon, coll. « Bibliothèque de l'École des hautes études. Sciences philologiques et historiques » (no 87), (lire en ligne).
Christian Lauranson-Rosaz, « Autour de la prise du pouvoir par Hugues Capet : les manœuvres angevines au service des premiers Capétiens dans le Midi (956-1020) », dans Xavier Barral i Altet (dir.) et al., La Catalogne et la France méridionale autour de l'an mil / Catalunya i França méridional a l'entorn de l'any mil, Barcelone, Generalitat de Catalunya, Departament de Cultura, (ISBN84-393-1690-9), p. 102-110.
Eliana Magnani Soares-Christen, « Les femmes et l’exercice du pouvoir comtal dans le Midi. Autour d’Adélaïde Blanche d’Anjou, comtesse de Provence († 1026) », dans Armel Nayt-Dubois et Emmanuelle Santinelli-Foltz, éd., Femmes de pouvoir, pouvoir des femmes dans l’Occident médiéval et moderne, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, (ISBN978-2-905725-99-8), p. 273-289 [résumé].
Marius Bamelle, « Les comtes du Gévaudan et de Brioude : le mariage de Louis V, dernier roi carolingien, et d'Adélaîde de Gévaudan, à Vieil-Brioude en 979 », Almanach de Brioude, Brioude,
Adélaïde d'Anjou dans la fiction
Marie-Bernadette Bruguière, « La source oubliée d'un opéra de Donizetti : de Blanche d'Aquitaine à Ugo, conte di Parigi », Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 16e série, vol. 151, t. 10, , p. 209-234 (lire en ligne).
Marie-Bernadette Bruguière, « Ugo, conte di Parigi de Donizetti : un opéra légitimiste ? », dans État. Révolutions. Idéologies : Actes du colloque de l'Association française des historiens des idées politiques, 1988, , p. 95-111.
Marie-Bernadette Bruguière, « Blanche d'Aquitaine et Ugo conte di Parigi : d'un drame politique orléaniste à une tragédie passionnelle légitimiste ? », dans Marie-Bernadette Bruguière, Opéra, politique et droit : Mélanges Marie-Bernadette Bruguière, Toulouse, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, coll. « Etudes d’histoire du droit et des idées politiques » (no 18), (ISBN978-2-36170-046-1, lire en ligne), p. 407-434. Autre version en ligne.
Barbara T. Cooper, « Le régicide au théâtre sous la Restauration : l'exemple de Blanche d'Aquitaine d'Hippolyte Bis (1827) », dans Paul Mironneau et Gérard Lahouati, éd., Figures de l'histoire de France dans le théâtre au tournant des Lumières, 1760-1830, Oxford, Voltaire Foundation, coll. « Studies on Voltaire and the eighteenth century », (ISBN978-0-7294-0909-4), p. 223-245.
Eliana Magnani, « La dévotion monastique féminine en Provence (fin Xe – XIe siècles) », dans Saint Mayeul et son temps : Millénaire de la mort de Saint-Mayeul, 4e abbé de Cluny, 994-1994, Actes du Congrès International, Valensole 12-14 Mai 1994, Société scientifique et littéraire des Alpes de Haute-Provence, , p. 67-97 [Édition électronique à télécharger, avec une pagination différente de la version originale].
Georges de Manteyer, La Provence du premier au douzième siècle : Études d'histoire et de géographie politique, Paris, Picard, coll. « Mémoires et documents publiés par la Société de l'École des Chartes » (noVIII), (lire en ligne).
Florian Mazel, « Noms propres, dévolution du nom et dévolution du pouvoir dans l'aristocratie provençale (milieu Xe - fin XIIe siècle) », Provence historique, vol. 53, no 212, , p. 131-174 (lire en ligne).
↑Appelée Adélaïde du Gévaudan dans Revue du Gévaudan, des causses et des Cévennes, tome n°9, 1963, p. 105 à 111.
↑Richer – Historiarum libri quatuor – Académie impériale de Reims – Reims,1855 p.339 (Liv. III) ici :
« […] Ils ne connurent presque pas non plus l’amour conjugal ; car, Louis entrant à peine dans la puberté, tandis qu’Adélaïde était déjà vieille, il y avait entre eux incompatibilité d’humeur et désaccord. Point de chambre commune, ils n’en pouvaient souffrir ; s’arrêtaient-ils quelque part, ils prenaient chacun une hôtellerie séparée ; devaient-ils avoir un entretien, c’était en plein air ; pas de longues conversations d’ailleurs, quelques mots suffisaient. Ils vécurent ainsi pendant deux ans, tellement opposés de caractère, qu’il s’ensuivit un divorce. (XCV) Louis, qui n’avait point de gouverneur, se livrait en jeune homme à toutes sortes de frivolités. »
↑Chronique de Raoul Glaber – Collection des mémoires de France par M. Guizot – Paris, 1824 - L. Ier, ch. III, §180,181 ici
« Quand ce jeune prince fut parvenu à l'adolescence, Lothaire l'établit roi et le désigna pour son successeur; il lui choisit aussi pour épouse une princesse d'Aquitaine, qui s'aperçut bientôt que le jeune homme n'hériterait pas des talens de son père. Dès lors elle résolut de se séparer de son époux; et comme elle était douée d'une grande finesse, elle lui fit entendre adroitement qu'ils feraient bien de revenir ensemble dans la province qu'elle avait quittée, supposant que ses droits héréditaires lui en assuraient la possession. Louis, sans soupçonner l'artifice, céda aux conseils de sa femme, et partit avec elle. Quand ils furent en Aquitaine, elle laissa son époux pour rejoindre les siens. »
↑Ermengarde est parfois considérée comme la fille d'Adélaïde et d'Étienne de Gévaudan.
↑Cartulaire de l'abbaye de Saint-Chaffre du Monastier, ordre de Saint-Benoît ; suivi de La Chronique de Saint-Pierre du Puy ; et d'un Appendice de chartes ... / publiés par le chanoine Ulysse Chevalier,..., (lire en ligne)
↑René Poupardin, Le Royaume de Bourgogne, 888-1038 : étude sur les origines du royaume d'Arles. Paris: Bibliothèque de l'École des hautes études, IVe section, Sciences historiques et philologiques ; fasc. 163, p. 418, note 6.
↑Auguste Bernard et Alexandre Bruel, éditeurs. Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, Paris : Imprimerie nationale, t. 3, charte no 2694; C. Ragut, éditeur. Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon connu sous le nom de livre enchaîné. Mâcon, 1864, chartes no 471 et 490.
↑(en) Charles Cawley, « Provence », sur Medieval Lands, Foundation for Medieval Genealogy, 2006-2016 :
« According to Europäische Stammtafeln, he was the son of Comte Guillaume by his first wife but the primary source on which this is based has not been identified. It is possible that it is speculative in light of his marriage date, which suggests that he was born earlier than the date of his father's second marriage. GUILLAUME [III] Comte de Provence 992, minor until 994. »