Fils d'un sculpteur-tailleur sur pierre, Arno Breker étudie les beaux-arts et l'anatomie dans sa ville natale d'Elberfeld. À 20 ans, il intègre l'Académie des Arts de Düsseldorf, où il est l'élève d'Hubert Netzer et Wilhelm Kreis. D'abord intéressé par l'art abstrait, il se tourne progressivement vers les représentations hellénistiques.
Il s'installe à Paris en 1926, où il est élève de Maillol.
Il partage un atelier avec Alexander Calder[1] et fréquente Jean Cocteau, Foujita, Brancusi, Pablo Picasso, et d'autres artistes du Paris bohème de l'époque[1].
Il rencontre à Paris Demetra Messala[2], et l'épouse en 1937[3].
Ayant obtenu le prix de Rome de la Prusse en 1932, il quitte Paris et séjourne d'abord à la Villa Massimo, l'Académie allemande de Rome.
Il est rapidement reconnu dans toute l'Europe.
En 1937, Breker abandonne le style de sa jeunesse, et est nommé professeur à l’École supérieure des beaux-arts de Berlin. Il est remarqué par le ministère de la Propagande du Reich qui lui passe plusieurs commandes. Le régime nazi met alors à sa disposition trois grands ateliers de sculpture dans lesquels travaillent des dizaines de praticiens[1] dont, pendant la guerre, des travailleurs forcés français et italiens, demandés par Breker[7] et
dirigés avec brutalité par Walter Hoffmann, nazi convaincu[7].
Breker y produit quantité de sculptures à la gloire du régime. Il travaille au projet Germania, le réaménagement de Berlin avec l'architecte Albert Speer. Hitler considère Breker comme un des génies artistiques du Troisième Reich[7].
Pour la nouvelle chancellerie du Reich à Berlin, Hitler confie à Speer la tâche de construire et à Breker la création de sculptures. Pour la cour d’honneur, Breker réalise en 1938-1939 deux colossales statues en bronze de 3,5 mètres de haut, Le Parti et l'Armée, qui en encadrent l’entrée.
Le 22 juin 1940, quelques heures après la signature de l'armistice en France, Breker reçoit à son domicile de la Königsallee un coup de téléphone du bureau berlinois de la Gestapo. Il doit partir dans l’heure, pour un bref voyage dont ni l’objet ni la destination ne lui sont précisés. À sa descente d’avion, à l’aéroport du Bourget, il est accueilli par un soldat de la Wehrmacht qui, silencieux, le conduit en voiture à Brûly-de-Pesche où l'attend Albert Speer. Dans l’après-midi, c'est Hitler qui les informe, lui et plusieurs soutiens du régime, qu’il souhaite visiter Paris le lendemain. Le , Breker accompagne donc Hitler dans sa visite de Paris[8].
Il participe à une exposition de ses œuvres à l'Orangerie en 1942, qui est diversement accueillie[réf. nécessaire], mais saluée avec enthousiasme par des intellectuels dont Jean Cocteau.
Breker, qui n'est pas impliqué directement dans le pillage nazi du patrimoine artistique en France[réf. nécessaire], acquiert cependant plusieurs œuvres à des prix extrêmement bas[7].
En 1945, ses trois ateliers sont détruits avec les œuvres qui s'y trouvent, surtout des plâtres pour les futures sculptures des projets urbanistiques d'Hitler[1].
L'atelier de Käuzchensteig in Berlin-Dahlem fut construit entre 1938 et 1942. Dessiné par l'architecte Hans Freese (1889-1953), le bâtiment fut construit pour Arno Breker. Il est actuellement le siège du Kunsthaus de Dahlem[9].
Arno Breker ne fut jamais poursuivi pour avoir honoré les commandes passées par le régime nazi, et il refusa toujours d'exprimer des regrets ou des excuses, estimant que les artistes n'avaient rien à voir avec la politique. Il semble qu'il n'ait jamais adhéré à l'idéologie raciste national-socialiste mais ait accepté ce régime par « opportunisme et mégalomanie »[1]. Il est intervenu en faveur de nombreux artistes poursuivis par les nazis. À Paris, il a protégé Pablo Picasso, alors communiste, des officiers de la Kommandantur[10]. Arno Breker permit également de sauver l’éditeur allemand Peter Suhrkamp(de), qui avait été arrêté par soupçon de résistance à Hitler[7].
↑« Arno Breker » sur neue-reichskanzlei.de (consulté le 11 mars 2014).
↑Selon un biographes français, Breker retourne en Allemagne début 1935, à la demande du grand peintre Max Liebermann, qui avait démissionné de ses fonctions officielles après l'avènement du nazisme et mourra quelques semaines plus tard. Breker réalisera son masque mortuaire.
Ronald Hirlé et Joe F. Bodenstein (trad. de l'allemand par Sandrine Woelffel, photogr. Charlotte Rohrbach), Arno Breker : sculpteur, dessinateur, architecte, Strasbourg, Éditions Hirle, , 141 p. (ISBN978-2-914729-83-3, OCLC845862538, BNF42223441).
(de) Dominique Egret, Arno Breker. Ein Leben für das Schöne, 1997, 352 p. (ISBN3-87847-157-2).
(de) Roger Peyrefitte, Volker G. Probst et Arno Breker (avec huit lithographies originales), Hommage an Arno Breker, Paris, Marco, , 29 p. (OCLC342008046).
(de) Reagan/Bush/Carstens : Salut America (zu 300 Jahre Einwanderung USA), Lithographien von Arno Breker, New York, West-Art.
Charles Despiau, Arno Breker [catalogue pour l'exposition de l'Orangerie], Paris, Éditions Flammarion, 1942.
Paul Morand, Arno Breker, sculptures, aquarelles, dessins, lithographies, [hommage à Arno Breker pour le 75e anniversaire de l'artiste], Paris, Édition Mourlot/Marco, 1975 (ISBN978-3921754016).
Martin Schieder, « L'image d'un artiste d’État. La mise en scène iconographique des ateliers de sculpture d'Arno Breker », dans Éric Darragon et Bertrand Tillier, Image de l’artiste, Territoires contemporains, 2012 [lire en ligne].