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Blazar

L'objet BL Lacertae H0323+022 prise par le NTT de l'ESO en filtre R. La galaxie hôte et les compagnons proches sont visibles.

Un blazar (en anglais : blazing quasi-stellar radiosource, que l'on peut traduire par « source radio éclatante quasi stellaire ») est, en astronomie, un quasar très compact dont le jet astrophysique est fortement aligné avec la ligne de visée de la Terre. Le premier blazar découvert est BL Lacertae, identifié initialement comme une étoile variable irrégulière en 1929 par Cuno Hoffmeister, un astronome allemand spécialisé dans l'observation des étoiles variables. Ce n'est qu'en 1974 que la nature extragalactique de l'objet fut mise en évidence, après que John Oke et James Gunn aient estimé son décalage vers le rouge à 0,07, révélant qu’il était situé à ∼ 900 millions d'a.l. (∼ 276 Mpc)[1].

Définition

Un blazar est une sous-catégorie des noyaux actifs de galaxie, caractérisée par une structure compacte et l’émission d’un jet astrophysique fortement orienté vers la Terre. Cette orientation particulière amplifie fortement le rayonnement observé en raison de l’effet Doppler relativiste, rendant ces objets parmi les plus intrinsèquement brillants du ciel à travers l'ensemble du spectre électromagnétique[2].

Ils appartiennent à la classe des quasars radio-loud, c'est-à-dire des noyaux actifs possédant des jets détectables via les ondes radio, et se divisent principalement en deux sous-catégories :

  • Les objets BL Lacertae (BL Lacs), qui montrent une émission dominé par un continuum non thermique, ainsi qu'une variabilité irrégulière. Leur variabilité est dominée par des processus internes au jet relativiste (turbulences, chocs internes, instabilités magnétiques).
  • Les quasars variables optiquement violents (OVV), qui possèdent un spectre avec raies d’émission plus marquées et une intense luminosité en radio. En plus des variations du jet, l’accrétion instable du disque d'accrétion influence aussi la variabilité optique.

Découverte

Le terme "blazar", provenant de blazing quasi-stellar radiosource, a été introduit en 1978 par l’astronome américain Edward Spiegel et proposée pour regrouper les objets BL Lacertae et les quasars variables optiquement violents, deux classes d’AGN présentant des caractéristiques d’émission extrême[3].

Le premier blazar observé en tant que tel fut BL Lacertae, qui a été pris alors à tort pour une étoile variable par l'astronome allemand Cuno Hoffmeister en 1929, et a reçu en conséquence une désignation d'étoile variable. Puis en 1968, l'astronome John Smith fait le lien entre BL Lacertae et la source de rayonnement radio VRO 42.22.01, et met en évidence que la radiosource est entourée par une galaxie très diffuse. En 1974, John Oke et James Gunn établissent son décalage vers le rouge à 0,07, montrant qu'il ne s'agit pas d'une étoile mais bien d'une source extragalactique[4].

Propriétés spectrales

Depuis 1929, et la découverte de BL Lacertae, il est admis que le blazars présentent des propriétés d'observation extrêmes, telles qu'une variabilité multi-longueur d'onde rapide et forte, une polarisation élevée et variable, des émissions de rayons γ fortes et variables ainsi qu'un mouvement supraluminique apparent aux fréquences radio. Ces propriétés d'observation sont caractéristiques du jet relativiste, qui pointe vers l'observateur.

Les blazars émettent un rayonnement, à dominance non thermique, sur tout le spectre électromagnétique. Une distribution spectrale d'énergie classique d'un blazar affiche un spectre dominé par deux émissions bien distinctes. La première, de faible énergie, s'étend dans la gamme des ondes radio aux rayons X mous et est attribuée au rayonnement synchrotron des électrons relativistes dans le jet. La deuxième, de plus haute énergie, qui culmine aux longueurs d'onde X durs et γ, a une origine plus diverse.

Il est admis que le rayonnement de haute énergie est produit par la diffusion Compton inverse[5]. Cependant, certains modèles montrent qu’il existe d'autres mécanismes qui pourraient également contribué à ce rayonnement :

  • L'interaction entre des protons énergétiques et des photons ou d’autres protons dans le jet du blazar résulterait en une cascade de particules secondaires qui rayonnent à haute énergie. Cela pourrait expliquer la détection de neutrinos de haute énergie en provenance des blazars.
  • Les protons relativistes se déplaçant en spirale autour des champs magnétiques du jet peuvent émettre dues rayons gamma par rayonnement synchrotron. Ce mécanisme est malgré tout moins efficace que pour les électrons (car les protons sont plus lourds), mais il pourrait expliquer une partie de l’émission gamma observée[6].

Production de neutrinos

La production de neutrinos dans les blazars est principalement due aux interactions hadroniques impliquant des protons ou des noyaux énergétiques accélérés dans les jets relativistes. Deux mécanismes principaux peuvent être responsables de cette production :

  • Lorsque des protons ultrarelativistes entrent en collision avec des photons de basse énergie (issus du disque d’accrétion), ils peuvent produire des pions via réaction proton-photon. Cette interaction produit deux types de pions, le pion neutre qui se désintègre en photons gamma, et le pion chargé qui se désintègre en neutrinos et muons. Ce processus produit donc des neutrinos muoniques et électroniques.
  • Si des protons relativistes entrent en collision avec d’autres protons dans le jet ou l’environnement du blazar, ils produisent aussi des pions selon une réaction proton-proton. Celle-ci créé également des pions neutres et chargés, et ainsi des neutrinos.

Ainsi, la production de neutrinos dans les blazars est une conséquence directe des interactions entre protons énergétiques et photons ou protons. La détection de neutrinos par IceCube, comme pour le blazar TXS 0506+056, soutient l'idée que certains blazars pourraient être des sources de neutrinos de haute énergie et contribuer aux rayons cosmiques ultra-énergétiques[7].

Variation

Les variations observées dans les blazars sont dues à plusieurs phénomènes physiques liés à la dynamique du jet relativiste et aux propriétés du trou noir supermassif. Ces variations se produisent à différentes échelles de temps (minutes, heures, jours à plusieurs années) et sur l'ensemble du spectre électromagnétique.

Turbulence et instabilités magnétiques dans le jet

Le jet relativiste d’un objet BL Lacertae est un milieu dynamique soumis à d’importantes turbulences et instabilités magnétiques, qui jouent un rôle majeur dans les variations de luminosité observées. Ces jets sont alimentés par la matière tombant vers le trou noir supermassif central, laquelle est ensuite accélérée à des vitesses relativistes le long des lignes de champ magnétique. Cependant, cette accélération ne se fait pas de manière uniforme : des variations dans l’injection de plasma, causées par des irrégularités du disque d’accrétion, modifient périodiquement la densité des électrons relativistes dans le jet.

Lorsque ces électrons se déplace en spirales autour des lignes de champ magnétique, ils produisent une émission synchrotron dont l’intensité dépend directement de la densité du plasma et de l’intensité du champ magnétique, créant une variabilité[8]. Le jet peut également subir des instabilités magnétohydrodynamiques, qui peuvent tordre les lignes de champ et provoquer des reconnexions magnétiques, libérant ainsi de grandes quantités d’énergie sous forme de sursauts de lumière[9],[10].

Un autre phénomène amplifiant la variabilité est la formation d’ondes de choc internes : lorsque différentes régions du jet se déplacent à des vitesses légèrement différentes, elles entrent en collision et génèrent des fronts de choc qui accélèrent les électrons présent dans le jet, augmentant temporairement la luminosité[11].

Orientation et effet Doppler relativiste

Les objets BL Lac sont des blazars, ce qui signifie que leur jet relativiste est presque aligné avec la ligne de visée de la Terre. Cette orientation particulière induit un effet Doppler relativiste, qui amplifie considérablement la luminosité observée tout en raccourcissant les échelles de temps des variations. En effet, les électrons relativistes du jet émettent principalement dans la direction de leur mouvement, et lorsque ce mouvement est dirigé vers nous, le flux est fortement intensifié. De plus, si le jet oscille légèrement en raison de précessions ou d’instabilités, l’angle d'émission change légèrement, modifiant l’intensité apparente du rayonnement synchrotron et Compton inverse. Ces variations d’angle, même minimes, peuvent provoquer d’importantes fluctuations de luminosité sur des échelles de temps courtes, parfois de l’ordre de quelques heures seulement[12].

Éclats d’émission gamma

Les BL Lacs peuvent également connaître des éclats très intense de rayonnement gamma, souvent détectés par des télescopes spatiaux comme Fermi-LAT. Ces éruptions peuvent être causées par plusieurs mécanismes, notamment des collisions entre différentes régions du jet, qui libèrent une grande quantité d’énergie sous forme de rayonnement gamma via le processus de diffusion Compton inverse. Dans ce processus, les électrons relativistes du jet interagissent avec des photons de basse énergie (issus du disque d’accrétion ou de sources externes) et les propulsent à des énergies gamma.

Une autre explication possible repose sur la précession du jet, qui peut faire apparaître des régions d’émission plus intenses lorsque la direction du jet s’aligne momentanément de manière plus parfaite avec la ligne de visée de la Terre. Ce phénomène, similaire à ce que fait un phare, peut expliquer pourquoi certains BL Lac connaissent des périodes de forte activité gamma suivies de phases plus calmes. Ces éclats gamma sont souvent imprévisibles et peuvent durer de quelques heures à plusieurs jours[13].

Quelques exemples

  • S5 0014+81, constellation de Céphée, un des quasars les plus lumineux connus contenant l'un des trous noirs les plus massifs jamais recensés ;
  • BL Lacertae, constellation du Lézard, distance 900 millions d'années-lumière ;
  • OJ 287, constellation du Cancer, distance 3,5 milliards d'années-lumière ;
  • 3C 279, constellation de la Vierge, distance de 5 milliards d'années-lumière ;
  • TXS0506+056, distant de plus de 4 milliards d'années-lumière, émetteur en 2017 d'un neutrino particulièrement énergétique (290 TeV, plus de 20 fois celle des collisions proton-proton du LHC)[14],[15]. Des travaux ultérieurs ont montré que des neutrinos ayant la même provenance avaient été détectés en 2014 par IceCube[16].

Notes et références

  1. J. B. Oke et J. E. Gunn, « The Distance of BL Lacertae », The Astrophysical Journal, vol. 189,‎ , p. L5 (ISSN 0004-637X, DOI 10.1086/181450, lire en ligne, consulté le )
  2. H. V. Abrahamyan, A. M. Mickaelian, G. A. Mikayelyan et G. M. Paronyan, « Classification of Blazars by Activity Types », Communications of the Byurakan Astrophysical Observatory, vol. 70,‎ , p. 83 (DOI 10.52526/25792776-23.70.1-83, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) E. Massaro, P. Giommi, C. Leto et P. Marchegiani, « Roma-BZCAT: a multifrequency catalogue of blazars », Astronomy & Astrophysics, vol. 495, no 2,‎ , p. 691–696 (ISSN 0004-6361 et 1432-0746, DOI 10.1051/0004-6361:200810161, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) J. B. Oke et James E. Gunn, « The distance of BL Lacertae » [« La distance de BL Lacertae »], The Astrophysical Journal, vol. 189,‎ , L5-L8 (DOI 10.1086/181450, Bibcode 1974ApJ...189L...5O, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  5. (en) Hubing Xiao, Junhui Fan, Zhihao Ouyang et Liangjun Hu, « An Extensive Study of Blazar Broad Emission Line: Changing-look Blazars and the Baldwin Effect », The Astrophysical Journal, vol. 936, no 2,‎ , p. 146 (ISSN 0004-637X, DOI 10.3847/1538-4357/ac887f, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) C. Tchernin, J. A. Aguilar, A. Neronov et T. Montaruli, « An exploration of hadronic interactions in blazars using IceCube », Astronomy & Astrophysics, vol. 555,‎ , A70 (ISSN 0004-6361 et 1432-0746, DOI 10.1051/0004-6361/201220508, lire en ligne, consulté le )
  7. (en-US) Alisa King-Klemperer, « IceCube search for correlation of high-energy neutrinos with active galactic nuclei and blazars », sur IceCube, (consulté le )
  8. James R. Webb et Ivan Parra Sanz, « The Structure of Micro-Variability in the WEBT BL Lacertae Observation », Galaxies, vol. 11,‎ , p. 108 (DOI 10.3390/galaxies11060108, lire en ligne, consulté le )
  9. David N. Hosking et Lorenzo Sironi, « A First-principle Model for Polarization Swings during Reconnection-powered Flares », The Astrophysical Journal, vol. 900,‎ , p. L23 (ISSN 0004-637X, DOI 10.3847/2041-8213/abafa6, lire en ligne, consulté le )
  10. Haocheng Zhang, Hui Li, Fan Guo et Greg Taylor, « Polarization Signatures of Kink Instabilities in the Blazar Emission Region from Relativistic Magnetohydrodynamic Simulations », The Astrophysical Journal, vol. 835,‎ , p. 125 (ISSN 0004-637X, DOI 10.3847/1538-4357/835/2/125, lire en ligne, consulté le )
  11. A. P. Marscher et W. K. Gear, « Models for high-frequency radio outbursts in extragalactic sources, with application to the early 1983 millimeter-to-infrared flare of 3C 273. », The Astrophysical Journal, vol. 298,‎ , p. 114–127 (ISSN 0004-637X, DOI 10.1086/163592, lire en ligne, consulté le )
  12. C. M. Raiteri, M. Villata, J. A. Acosta-Pulido et I. Agudo, « Blazar spectral variability as explained by a twisted inhomogeneous jet », Nature, vol. 552,‎ , p. 374–377 (ISSN 0028-0836, DOI 10.1038/nature24623, lire en ligne, consulté le )
  13. Polina Novikova, Ekaterina Shishkina et Dmitry Blinov, « Repeated patterns of gamma-ray flares suggest structured jets of blazars as likely neutrino sources », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol. 526, no 1,‎ , p. 347–368 (ISSN 0035-8711, DOI 10.1093/mnras/stad2747, lire en ligne, consulté le )
  14. Lucas Streit, « Les blazars, sources de neutrinos de haute énergie », Pour la science, no 491,‎ , p. 6-7.
  15. (en) The IceCube Collaboration, Fermi-LAT, MAGIC, AGILE, ASAS-SN et al., « Multimessenger observations of a flaring blazar coincident with high-energy neutrino IceCube-170922A », Science, vol. 361, no 6398,‎ , article no eaat1378 (DOI 10.1126/science.aat1378).
  16. (en) Francis Halzen, Ali Kheirandish, Thomas Weisgarber et Scott P. Wakely, « On the Neutrino Flares from the Direction of TXS 0506+056 », The Astrophysical Journal Letters, vol. 874, no 1,‎ (lire en ligne).

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