Chanson lyonnaise à la RenaissanceCet article donne un état des lieux de la chanson lyonnaise à la Renaissance. Histoire de la chanson avant le XVe sièclePour les historiens, la naissance de la chanson comme genre musical se situe au IXe siècle. Même s’il est probable que l'homme a toujours chanté, ou du moins a toujours pratiqué le chant ou une certaine forme de chant en se servant de sa voix. Si on parle de la chanson proprement dite, c'est-à-dire d'un texte marié à une mélodie, ses formes varient selon les peuples, elle se pratique dans toutes les régions du monde, dans les zones rurales comme dans les centres urbains, dans toutes les classes sociales, des plus pauvres aux plus riches et elle peut être ou profane ou sacrée. La chanson est une composition pour la voix, c’est-à-dire un texte mis en musique qui est divisé en un refrain et plusieurs couplets. Ménestrels ou ménétriers apparaissent à l’époque mérovingienne. Ils jouent d’un instrument comme la flûte, le psaltérion, la trompette, le rebec ou le chalumeau et chantent en même temps. Ils sont les chanteurs de rue, proches du peuple, à l’opposé des troubadours ou trouvères qui parlent une langue ignorée du peuple et s’adressent à la haute société. Les premières chansons du Moyen Âge sont des chansons épiques (chanson de geste) qui sont très populaires. Puis se répandent les chants religieux, chant sacré (Histoire des martyrs et faits de la Bible) chanté en langue vulgaire et chant grégorien. À partir du XIIe siècle, la chanson quitte le domaine religieux pour aborder des thèmes satiriques, frivoles ou amusants. La mélodie devient polyphonique. Les chansons sont chantées par les ménétriers : trouvères ou troubadours, jongleurs, comme Bernard de Ventadour, Thibaut de Champagne. Ils chantent au son du luth et de la viole. Il est possible de distinguer trois formes : la ballade, le rondeau et le virelai. Les thèmes sont l’amour, les exploits chevaleresques, la guerre (les croisades), les pèlerinages (St Jacques) et le printemps. Mais les thèmes locaux apparaissent et la chanson folklorique naît au XIIIe siècle. Les fêtes et les noces sont l’occasion outre de danser de chanter. Tous compagnons avanturiers — Le retour du guerrier Refrain : À partir du XIVe siècle, les chansons apparaissent avec les fêtes et plus particulièrement les entrées royales. Désormais, elles portent sur l’actualité. Il en est ainsi de la Rigaudière. Né à Lyon, Odon Rigaud, né d’une famille riche et puissante, est nommé archevêque de Rouen. Il a fait don en 1247 à la cathédrale Saint Jean d’une cloche qui porte son nom. Avant de partir, il acheta une vigne en Beaujolais pour ceux qui auraient la charge de tirer la cloche : Buvons à tire la Rigaud Caractéristiques de la chanson lyonnaise aux XVe et XVIe sièclesJusqu’au XVe siècle, les chansons se transmettent oralement. Avec l’apparition de l’imprimerie, on assiste à un développement spectaculaire des chansons. Dans la première moitié du XVe siècle, le centre de la création au niveau des chansons se situe à Dijon à la cour de Philippe le Bon. Puis dans la deuxième moitié du XVe siècle Lyon devient un centre de rayonnement de la chanson. La prospérité de la ville et ses multiples contacts avec le reste du monde dans le cadre du commerce, de l’activité des banques et de ses foires (à partir de 1444 et apogée en 1463), favorisent ce foisonnement culturel. La présence à Lyon de nombreux italiens est aussi un facteur qui permet une osmose entre le « rinascimento » italien du « quattrocento » et l’activité culturelle de la ville. La ville de Lyon compte plus de 400 imprimeurs. Ces chansons sont composées par des chansonniers de métier, la plupart du temps anonymes, très souvent au service et à la solde des éditeurs comme Jacques Moderne et Bonfons. Il nous en reste une grande richesse littéraire qui participe du patrimoine lyonnais. Les ménétriers sont concurrencés par des chanteurs ambulants, mendiants pour la plupart, bien souvent sans aucun talent qui s’installent au hasard des rues. Ils chantent des complaintes sur des thèmes politiques et satiriques. À cette époque toutes les classes sociales sont concernées par les chansons. Les instruments de musique qui accompagnent les chansons sont héritées du Moyen Âge et de l’Antiquité :
Plusieurs chansons sont extraites d’un recueil du XVIe siècle intitulé S’ensuivent plusieurs belles chansons nouvelles qui est vendu à Lyon en la maison de feu Claude Nourry dit le Prince, près de Notre Dame de Confort. La Renaissance à Lyon, c’est l’époque de Louise Labbé, de Jean de Tournes, de Pernette du Guillet, de Maurice Scève. Eustorg de Beaulieu met en musique les vers de Clément Marot. Bonaventure des Périers écrit des dialogues satiriques qui sont imprimés à Lyon sous un pseudonyme. Il est en effet le valet de chambre de Marguerite de Navarre. Cependant, reconnu pour ses écrits, il est poursuivi et condamné. Alors, il se suicida. L’influence italienne se manifeste tout particulièrement par l’introduction de la musique dans les chansons. Il est de bon ton, dans la société cultivée de Lyon, de savoir jouer d’un instrument : épinette, viole, flûte ou luth. Louise Labbé joue avec merveille du luth. Il en est de même de Pontus de Tyard et de Pernette du Guillet qui sont habiles en plusieurs instruments. Tous les genres de musique se mélangent. On distingue :
Le thème de l’amourUne chanson dansée de la Renaissance illustre le luxe et l’amour. Cette chanson monorime est un branle à 6 personnages, elle s’appelle Ballade des dames de Lyon, de Paris et de Tours sur le retour des gentils hommes et de l’armée de Naples, écrite en 1494 par Octavien de Saint-Gelais : En venant de Lyon, de veoir tenir le pas*
Comme pour tous ces types de chanson, le premier couplet est chanté en soliste par le ménétrier qui mène la danse. Puis l’enchaînement commence sans interruption. Le dernier vers du premier couplet est repris par la foule des danseurs et les vocalises sont reprises par tous. Puis le ménétrier poursuit l’histoire, et ainsi de suite. Quand vous vouldrez faire une amye De Taillemont chante l’amour et les femmes « car ce sont des ruisseaux de miel ». Il écrit la Tricarite : Avec don eze é tristesse En 1555, la chanson intitulée Belle qui me va martyrisant est chantée dans les rues de Lyon : Belle qui me va martyrisant Le thème bachiqueLa boisson est aussi un thème de multiples chansons. Il en est ainsi de cette chanson de Clément Marot à Maurice de Scève : Que diable veux-tu que j’appreigne Eustorg de Beaulieu écrit une ode à Bacchus : Tous bons pions, ne vous rendez vaincus Les chansons à boire et à danser sont nombreuses, tel ce rigodon valsé : Disciples du vieux bacchus Les vendanges et la Saint Vincent sont prétextes à chansons et danses, voici le refrain de l’une d’elles : En buvant on badine De cette même chanson quelques couplets : Buveur fidèle Boire et chanter sont indissociables. Les tavernes pullulent où truands et soudards jouent, boivent, dansent avec les filles de joie et applaudissent aux chansons des ménestriers et des ménestrelles. Ainsi au cabaret du Charbon Blanc : La taverne levée Clément Marot dédie une chanson à boire à son ami Maurice Scève : En m’oyant chanter quelque fois Le thème satiriqueIl s’exprime dans les vaudevilles qui consistent en des couplets rythmés sur des airs connus et des mélodies populaires. En 1561, Francesco Layolle publie un recueil de chansons. Tout est prétexte à chansons : incidents publics ou privés, moquerie des personnages en vogue. Cela est aussi le cas pour cette chanson de 1450 qui traite de l’enlèvement d’une fille de Villefranche par le châtelain Édouard : Sire Roy, sire Roy, faîtes-nous justice Il en est ainsi de la chanson des brodeurs de Lyon ou chanson des galériens. En effet, les brodeurs qui fraudaient sur les fils d’or et d’argent, étaient condamnés aux galères. Cette chanson était chantée par les mariniers lyonnais car elle évoque les trois personnages des mariniers : la Vierge Marie, Saint Nicolas et Sainte Barbe. Gentils brodeurs de France Parmi les vaudevilles les plus célèbres, celui concernant la Belle Cordière a fait date. Ce vaudeville est écrit par Jean d'Ogerolles en 1559 : Lautre jour je m’en allois La suite de cette chanson énumère tous ses amants, avocat (Maurice Scève), procureur (A Fumée), cordonnier (Germain Borgne de Cahors), musnier (Olivier de Magny), florentin (Thomas Fortini), tandis qu’elle demande à son mari Jan, d’aller dormir ailleurs, car elle a besoin du grand lict. Les Vêpres lyonnaises en 1572, outre les massacres de protestants, donnèrent lieu à de nombreuses chansons : D’où viens-tu Madelon ? Le thème de la guerreLa lutte contre la SavoieEn 1430, après la bataille d'Anthon et la défaite du Prince d'Orange, fut écrite une chanson, la complainte du beau prince d’Orange (sur l’air de Malbrough): Le beau prince d’Orange Les guerres de ReligionDès 1524, Lyon est confrontée aux guerres de Religion. Celles-ci sont évoquées dans diverses chansons comme Maudilt soit Lyon sur le Rosne et Le jardin sur Saône jamais plus ne t’y verray écrite en 1542 : Enfans enfans de Lyon Clément Marot écrit Adieu aux dames de la cour : Adieu la cour, adieu les dames, Il publie aussi en 1536 les Psaumes à David, sur une mélodie du compositeur Bourgeois, ainsi le psaume 51 : Miséricorde et grâce, ô Dieu des cieux ! De même le psaume 42, lui aussi mis en musique par Bourgeois sur un air populaire : Comme un cerf altéré brame, Quant au psaume 68, il deviendra le chant de guerre des Huguenots : Que Dieu se montre seulement… Le Chansonnier Huguenot comporte un très grand nombre de chants et de cantiques composés à partir de psaumes. Ce sont des complaintes qui narrent le martyre des protestants de Lyon. Cinq jeunes protestants sont arrêtés à Lyon le , ils chantent leur désespoir et leur foi en Dieu : Dedans Lyon ville très renommée Malgré les interventions du gouvernement bernois, ils sont brûlés vifs le . Après la prise de la ville par les protestants et les troupes du baron des Adrets le , des chansons se multiplient en 1562 : Quand ceste ville tant vaine En 1563, la paix revenue, les Lyonnais dansent la farandole et chantent L’adieu à la guerre : Adieu le champ, adieu les armes, La lutte contre les barbaresquesLa Chanson les trois gallans de Lyon est une chanson évoquant la lutte contre les barbaresques. Elle se chante sur l’air Le passé de la France : Nous étions trois gallans* * Gallan = galérien Cette chanson est extraite d’un recueil du XVIe siècle intitulé S’ensuivent plusieurs belles chansons nouvelles, vendu en la maison de feu Claude Nourry dit le Prince, près de Notre-Dame de Confort. La lutte contre Charles QuintLors de la bataille de Pavie en 1525, alors que le roi François Ier est fait prisonnier par Charles Quint, plusieurs chansons vont traiter de cet événement, comme celle intitulée Gentil fleur de noblesse : Noble Roy de la France tant aymé et requis Le thème folklorique et de la fêteLes fêtes de maiDans la nuit du au , avaient lieu des quêtes rituelles appelées « courir le Ramlet ». Les jeunes hommes formaient des cortèges à la quête d’œufs et de victuailles en ayant fabriqué un mannequin en feuillages et fleurs de jonquille, symbole du printemps. Chez les filles, on élisait la Reine de Mai qui était habillée de blanc et parée de rubans et de roses. Avec ses demoiselles d’honneur, tout en quêtant, elles chantaient les chansons de mai. Après avoir reçu un don, en remerciements, elles dansaient. Le 1ermai est un jour de fête qui honore le printemps, mais aussi les filles. La fille aimée recevait un mai d’amour, celles qui avaient mauvais caractères recevaient un bouquet d’épines, quant à celles qui avaient mauvaise réputation, elles recevaient un balai de genets. À cette occasion était chanté le Joli trimaça dont le refrain est : C’est le mai, le joli mai, Autre chanson de mai : Voici venir le joli mai Les processions des RogationsElles ont lieu le premier dimanche de mai et durent trois jours. Des bouquets de fleurs étaient bénis et déposés sur les portes des maisons. Les arbres de maiLes danses de printemps célébraient la nature renaissante, la verdure, les fleurs, les oiseaux, l’invitation à l’amour, la fertilité de la terre et l’arbre de mai. On danse autour de l’arbre de mai et on chante sans interruption, ainsi cette chanson, la danse du chapelet fleuri : A m’amye l’envoyerai Certaines chansons évoquent le rossignol, messager d’amour : Rossignolet qui chante aux bois Rossignolet des bois Et encore : Qui veut savoir chanter La chanson C’est le curé de Lyon, lon la la tra lère est aussi une chanson de mai : C’est le curé de Lyon Les fêtes de la Saint JeanLa Saint-Jean est également l’occasion de fêtes avec danses et chansons qui se réalisent autour du feu. La chanson Va-t’en voir s’ils viennent Jean est une des plus populaires des chansons de la Saint-Jean. Sa musique et son refrain ont été repris dans beaucoup de vaudevilles, en voici le refrain : Va-t’en voir s’ils viennent, Jean, Et dont voici quelques couplets : Une fille de quinze ans, Le carnavalAu Moyen Âge avant le carnaval a lieu la fête des fous qui se déroulent à l’intérieur de l’Église. Il s’agit d’une fête burlesque et licencieuse que les autorités religieuses vont interdire. Rabelais a fort bien décrit le carnaval lyonnais dans le Pantagruel. Entre Noël et l’épiphanie, deux fêtes durent plusieurs jours : la fête des fous et la fête des innocents. Elles étaient appelées la fête des Kalendes, rappelant ainsi les fêtes à Janus. Ces fêtes ont un caractère burlesque et licencieux. À la fin de la messe, au lieu de dire « ite missa est », l’officiant disait « hin-han, hin-han, hin-han ». Il s’agit d’une fête profane qui a lieu dans les églises. De nombreuses chansons participaient de ces fêtes. La fête du cheval folElle se déroule pour la Pentecôte et elle est organisée par la confrérie du Saint Esprit. Elle commémore par la dérision la sédition de 1401 qui fut réduite par les troupes royales. On faisait circuler dans la ville un cheval fol vêtu d’un manteau royal, portant une couronne et une grande perruque et tenant une épée à la main. Celui qui jouait le rôle du cheval avait le corps passé dans un cheval de carton. Il était entouré de ménétriers et suivi d’un joyeux cortège. Après avoir fait le tour de la ville, le cortège se rendait à Aisnay où l’abbé offrait à boire. Puis le cortège se dirigeait à la confluence du Rhône et de la Saône au lieu-dit du cheval fol. Le héros du jour était alors purifié par le feu avant d’être jeté dans l’eau. Pendant 205 ans, à chaque Pentecôte, le cheval fol déambulait. Mais au cours des ans, le désordre grandissait et les autorités jugèrent plus sages de supprimer cette fête. Louis Garon écrivit une chanson : C’est en dérision de ces fols mutinés Le Rigodon des BrotteauxIl s’agit d’une danse très populaire. La promenade des maris battus ou les chevauchées de l’âneCette fête a lieu le dimanche des Brandons. Les maris qui se laissaient dominer par leurs femmes devaient être punis. Ainsi, une troupe de masques accompagnée d’un âne allait chercher les dits maris. Le mari était déposé sur l’âne la tête du côté de la queue. Il était alors promené dans la ville au milieu des rires, des invectives, des danses et des chansons. Les chansons burlesques racontaient leur vie intime, leurs défauts et leurs méfaits. Il était tourné en dérision. Le thème des noëlsLes noëls populaires apparaissent à la fin du XVe siècle et ils prolongent la tradition des mystères du Moyen Âge. Ils reflètent deux caractères lyonnais : le mysticisme et le sens de la réalité. Les noëls paraphrasent l’Écriture Sainte dans une atmosphère de bonhomie. Ils sont chantés au cours des liturgies de l’Avent jusqu’au . Ils sont chantés à la prière du soir. Les auteurs utilisent des mélodies populaires. Ils sont publiés sous le nom de « Bibles de Noël ». Cependant un grand nombre de noëls n’ont rien de liturgiques, ils représentent la vie des ouvriers. Nombreuses sont les chansons consacrées à des noëls. Il en est ainsi pour le noël de 1581 qui se situe à un moment où la ville est, depuis l’été, victime d’une épidémie de peste : L’an mil cinq cens huitante et un En 1535 est publiée la chanson Noël à la pucelette : Noël à la pucelette Une autre chanson de Noël est écrite par Philibert Bugnyon, conseiller du Roi à Lyon et jurisconsulte en mâconnais : Qui veult avoir liesse Le noël de la loge des changes est le plus imprimé. Il compte 58 couplets et parle des gens de Lyon, des quartiers, des paroisses, des corporations. Il est en mode mineur sur l’air connu de Et lon lan la, lan, derirette. Amis, venez en troupe Le thème du coq à l’asneIl s’agit de chansons qui manient tout et son contraire. Il en est ainsi dans cette chanson de 1594 de Bredin le Cocu, en réalité Benoit du Troncy : Qui veut entendre une chanson Le thème des entrées royalesDes chansons sont créées lors des entrées royales, par exemple pour celle de Charles VIII en 1494 : Vous Loynnoises, bonnes gauloises Bibliographie
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