L'ancienne chartreuse du Mont-Dieu était un monastère de moines chartreux fondé dans la forêt d'Ardenne, aujourd'hui: département des Ardennes (France). Construit à l'origine en 1132, il fut reconstruit au XVIIe siècle. Les moines en furent chassés lors de la révolution française et ses bâtiments servirent à divers usages tout au long du XIXe siècle. Les vestiges du monastère furent finalement classés comme monuments historiques en 1946.
Localisation
Située au cœur des Ardennes, la chartreuse du Mont-Dieu (dont le domaine était très étendu) fut construite dans une vaste clairière, au milieu d'une forêt de 1 123 hectares, pleine d'arbres séculaires (chênes de Montpy) et constellée de sources, alimentant jadis de nombreux étangs.
Bien que retirée et isolée au fond des forêts, la chartreuse est plusieurs fois saccagée et ravagée par les guerres qui dévastent la région. Les guerres de religion surtout l'ont beaucoup éprouvée. Le monastère est reconstruit en 1617, à l'époque de Louis XIII, avec des briques roses et noires et chainages en pierre taillée, dans le même style que la célèbre place Ducale de Charleville.
Après l'expulsion des moines à la Révolution, les bâtiments sont convertis en prison d'État pendant la Terreur[6] dont une liste est proposée par Jules Poirier[7], et les nombreuses propriétés et possessions de l'abbaye, réparties sur une quarantaine de villages, sont vendues comme biens nationaux en 1791.
Reconverties en filature, industrie importante dans la région de Sedan, les bâtiments, négligés et en ruines, sont au fil des temps démolis par leurs propriétaires successifs. Heureusement, André Poupart de Neuflize, Sedanais enrichi dans le commerce du drap, achète sous le Premier Empire, et sauve ce qui peut encore l'être de la magnifique chartreuse qui avait presque totalement disparu. En 1820, les édifices sont acquis par François-Xavier Camus, maire de Charleville, ancêtre du propriétaire actuel[2].
Les bâtiments sauvés connaissent encore bien des vicissitudes, particulièrement lors de la bataille de Stonne, en mai 1940, comme l'attestent les marques laissées par des éclats d'obus sur certaines façades. Après être passée entre les mains de différents propriétaires, ce qui reste de l'ancienne chartreuse du Mont-Dieu semble se rétablir peu à peu pour tenter de retrouver l'éclat de son âge d'or disparu.
Une partie de la chartreuse fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le après une première inscription le [8].
Il ne subsisterait actuellement que moins de 20 % des bâtiments de l'ancien monastère. Mais les édifices en place, au milieu de cet écrin de forêts, témoignent encore de ce que devait être la magnificence ancienne de cette cité de Dieu oubliée dans la paix des champs et le silence...
Installé sur une terrasse et se reflétant dans ses douves, un grand Corps de logis, flanqué des Pavillons Saint-Étienne et Saint-Bruno, d'une grande élégance, avec fenêtres à meneaux et bandeau de pierre, grande toiture d'ardoise à lucarnes, pignon latéral à redans, se donne des allures de château. Chaque pavillon d'angle est sommé de grandes lucarnes cintrées qui surplombent les fenêtres à la manière de mâchicoulis.
Bâtiments d'écurie, de maréchalerie, grange sont rythmés d'ouvertures et de portes à entourage de pierre.
En contrebas, animé par 2 grandes niches vides de statues, le Pavillon d'entrée, traversé par un porche-tunnel, à corniche sommée d'un œil-de-bœuf encadré de sobres pots-à-feu de pierre, présente une façade aveugle... avec, au large, à-demi enterrée dans un talus, la maison du jardinier.
Très à l'écart, par-delà des étangs asséchés aux digues herbeuses, en bordure de route, la grange monumentale de la Correrie.
Tous ces si beaux bâtiments encore debout ne peuvent que faire regretter la disparition de l'église, des cours, des grand et petit cloîtres, et des maisonnettes où travaillaient et méditaient les ermites-chartreux.
Un cèdre de l'Atlas, à proximité de la Chartreuse.
La belle allée de tilleuls qui mène au pavillon d'entrée.
Personnalités
De célèbres visiteurs se sont arrêtés ici :
Saint Bernard de Clairvaux : il y séjourne de 1139 à 1141 et y revient fréquemment par la suite. Bernard de Clairvaux affectionnait particulièrement ce lieu et y avait sa cellule. Avant la Révolution de 1789, les visiteurs de la Chartreuse pouvait y trouver encore sa chasuble et un exemplaire autographiée de Vita solitaria que Guillaume de Saint-Thierry lui avait personnellement adressé.
↑ a et bIntroduction de Marie-Madeleine Davy à la traduction du latin au français de l'ouvrage de Guillaume de Saint-Thierry, Un traité de la vie solitaire: Lettre aux frères du Mont-Dieu, p. 39, Paris, 1946
↑Charles Pilard, Souvenirs d’un vieux Sedanais. Sedan sous la première Révolution. D'abord paru en feuilleton de 1875 à 1878 dans L'Écho des Ardennes (14 fascicules). Réédité en 1988 par la Société d'Histoire et d'Archéologie du Sédanais (ISBN2-649-00117-8)
↑Les Prisonniers de la Chartreuse du Mont-Dieu pendant la Terreur : documents pour servir à l'histoire de la Terreur, G.Kleiner, Paris, 1903.
Dom Ganneron, Annales de dom Ganneron. Les antiquités de la chartreuse du Mont-Dieu, Éditions Picard, . —— L'on peut en lire de larges extraits dans la Revue de Champagne et de Brie, Arcis-sur-Aube, 1892, T.4, XIIe siècle p. 266-312[1] ; XIIIe siècle p. 661-695[2] ; XIVe siècle, p. 781-819[3] — 1893, t.5, pour le XVe siècle : p. 82-110[4] ; pour le XVIe siècle, p. 207-268[5] ; pour le XVIIe siècle, p. 608-668[6] & p. 735-755[7] & p. 861-65[8].
Ernest Henry, « Les prisonniers du Mont-Dieu pendant la Révolution », La Revue d'Ardenne et d'Argonne, vol. 14, 1906-1907, p. 1-20, 39-57, 73-87, 107-124, 141-155, 169-179, 196-217 (lire en ligne).
Ernest Henry, « Les prisonniers du Mont-Dieu pendant la Révolution : additions et rectifications », La Revue d'Ardenne et d'Argonne, vol. 16, 1908-1909, p. 160-165 (lire en ligne).
Henri Manceau, « Grandeurs et misères des vieilles pierres ardennaises : le Mont-Dieu », L'automobilisme ardennais, no 90, .
Édith Brayer, « Un copiste de manuscrits à la Chartreuse du Mont-Dieu, Henri Waghers », Études Ardennaises, no 5, , p. 9-15.
Hubert Collin, Les Églises anciennes des Ardennes, Édition de l'office départemental du tourisme des Ardennes, , 178 p., p. 83-85.
Raymond Hardy, « La Chartreuse du Mont-Dieu », Le Curieux Vouzinois, no hors série n°7, .
Patrick Demouy, Genèse d'une cathédrale : Les archevêques de Reims et leur Église aux XIe et XIIe siècles, Langres, Éditions Dominique Guéniot, , 814 p. (ISBN2-87825-313-2).