Il est sans doute né à Haarlem en Hollande. Il s'est tout d'abord probablement formé à Bruxelles, où il est enregistré sur le registre des tailleurs de pierre comme Claes de Slutere van Herlamen en 1379. Il aurait, semble-t-il, fait un passage par Paris, et on attribue au jeune Sluter, les consoles de la tour du village du château de Vincennes (environ 1375). Il est attaché dès 1383 à la cour de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne[1].
Son installation à Dijon
Le duc Philippe le Hardi le fait venir à Dijon où il s'installe le avec d'autres tailleurs de pierre du Brabant pour constituer l'équipe de Champmol. Il est le second ouvrier de l'ymagier d'autel et varlet de chambre de MonseigneurJean de Marville[2]. Jean de Marville tombe gravement malade le et doit fermer l'atelier. Sluter devient à son tour l'ymagier officiel du duc Philippe et reprend l'atelier le . L'atelier des sculpteurs désormais quasiment entièrement constitué de sculpteurs d'origine flamande : Philippot van Eram, Gillequin Tailleleu et son fils Tassin, Liefvin de Hane et son frère Mant, Hannequin Vauclair, Thomassin dit Larmite et Hannequin Stienne Vauclair. Mais il est aussi absorbé par d'autres tâches, soit pour la chartreuse de Champmol (l'oratoire ducal, le portail de l'église ou le calvaire du grand cloître dit Puits de Moïse), soit pour la chapelle ducale, soit pour les châteaux du duc et de la duchesse Marguerite de Flandre. Son travail à la cour du duc Philippe le Hardi était également largement occupé par la création d'œuvres pour des occasions uniques, tels des blasons ou des banderoles.
Dès , Claus Sluter fut épaulé à Dijon par trois collaborateurs bruxellois, à savoir Jan van Prindael et Willem Smout - ou Willequin Semonst - qui vinrent renforcer Hennequin de Brucelles présent depuis avril et Jehan de Selles, peut-être Bruxellois lui aussi, et qui était présent depuis février-mars. Smout resta au moins jusqu'en 1394, van Prindael jusqu'en 1399 - 1400. Depuis le , Klaas van de Werve, son neveu et héritier, fut également actif à Dijon. Willem Smout travailla notamment ensuite à Lyon en 1398. Jan van Prindael, après un court séjour à Bruxelles où il fut juré du métier en 1403, travailla à Genève, à Chambéry et en Provence. Ainsi, tous les élèves et collaborateurs bourguignons de Claus Sluter contribuèrent à répandre le réalisme sculptural qu'il avait conçu et promu.
La fin de sa vie
Le sculpteur tombe malade en 1399. Il quitte son logis au sein du palais des ducs en 1404 pour se retirer à l'abbaye Saint-Étienne de Dijon[3]. Il meurt quelques mois après, probablement en , célibataire sans enfant, son neveu Claus de Werve - ou Klaas van de Werve - étant son seul héritier. Les dernières statues du puits de Moïse sont achevées et scellées sur place au début de l'année 1405, d'après ce qu'indique l'inventaire de son atelier après sa mort en 1406. Le marché signé en 1404 pour l'achèvement du tombeau de Philippe de Bourgogne est d'ailleurs repris par le neveu[4].
Son style
Claus Sluter amène la sculpture à un niveau d'expressivité nouveau. Les statues cessent désormais de faire corps avec l'architecture et la physionomie est traitée de façon naturaliste, n'hésitant pas à accuser les aspects de la laideur et de la souffrance. Les pleurants serviront de référence aux monuments funéraires du siècle en France, à commencer par le Tombeau de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière.
Claus Sluter laisse le tombeau de Philippe le Hardi en chantier. Aussi, lorsque Philippe le Hardi meurt à Hal le , la partie sculpturale reste entièrement à faire. Le , le duc Jean sans Peur, fils de Philippe le Hardi, charge Claus Sluter d'exécuter les sculptures en quatre ans. À cette date, seulement deux des « pleurants » (statuettes) ont été réalisés. Or le cadre architectural, élaboré par Jean de Marville, a ménagé la place pour quarante personnages. Claus Sluter est déjà malade au moment de la mort du duc Philippe le Hardi et vit à demi-retiré depuis le à l'abbaye Saint-Étienne, proche de son ouvroir. Il lui est impossible d'assumer l'exécution des pleurants du tombeau, ainsi que trois des prophètes pour le Puits de Moise. Il fut achevé par son neveu et élève Claus de Werve jusqu'à sa livraison, en 1410. Le tombeau pris place dans le chœur de la chapelle de la Chartreuse. Après la Révolution, le cénotaphe a été déplacé dans la Cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, puis au Palais des ducs de Bourgogne, actuellement musée des beaux-arts de Dijon.
Pleurants de la tombe de Philippe le Hardi (1410)
Pleurant aux mains levées du Tombeau de Philippe le Hardi (1410)
Le puits sculpté qui accueillait auparavant un calvaire, était situé au centre du grand cloître. Il nous reste la représentation de six prophètes, empreinte de réalisme et d'expression. Des fragments du calvaire le surplombant sont par ailleurs conservés au musée archéologique de Dijon, et notamment le buste du Christ, cependant l'attribution de cette dernière sculpture a été depuis remise en cause[5].
Le puits de Moïse, Daniel et Isaïe
Le puits de Moïse, Moïse et David
Le puits de Moïse, David et Jérémie
Les statues du portail de la chapelle
Le portail a été commencé par Jean de Marville en 1388, puis agrandi par Claus Sluter, qui a réalisé les cinq statues, achevées en 1393. Ces statues représentent Une Vierge à l'enfant en torsion dynamique et détachée par sa dimension et sa forme de l'architecture de la porte. Elle est encadrée de chaque côté par les donateurs : Philippe le Hardi et son épouse Marguerite de Flandre, en priants réalistes et grandeur nature, avec leurs saints protecteurs : sainte Catherine d'Alexandrie et saint Jean-Baptiste. L'ensemble crée une perspective propre affranchie de la verticalité de la porte.
Les statues des mécènes (Philippe le Hardi et Marguerite de Flandre) seraient d'authentiques portraits, car ils présentent les défauts physiques du duc et de la duchesse (le fameux double-menton de Marguerite de Flandres). Les draperies et les vêtements sont traités avec dynamisme, énergie et mouvement, les expressions des personnages sont d'un grand réalisme.
Pietà
Ymaige de Dieu
Saint Georges
Saint Michel tenant le diable enchaîné
Sainte Anne
Saint Jean l'évangéliste
Portail de la chapelle de la Chartreuse de Champmol (1393)
La comptabilité des ducs de Bourgogne nous renseignent sur deux œuvres réalisées par Claus Sluter et ses collaborateurs dans le château de Germolles, résidence de plaisance de la duchesse Marguerite de Flandre. On sait ainsi que le maître réalisa entre 1393 et 1396 une sculpture destinée à être placée dans la cour du château, représentant Philippe le Hardi et Marguerite de Flandre placés sous un orme et entourés de brebis[6]. De même, il réalisa pour l'entrée de la résidence une Notre Dame entre 1397 et 1399, au-dessus de la porte du château. Alors que ces deux œuvres ont disparu le travail de Sluter et de son atelier apparaît dans les éléments de la cheminée monumentale de la grande salle à travers deux figures-consoles et l'illustration d'un passage du roman de Chrétien de Troyes : Yvain ou le Chevalier au lion.
Autres œuvres isolées
Quelques œuvres actuellement conservées dans des musées sont attribuées à Claus Sluter ou plus vraisemblablement à son atelier.
↑Hippolyte Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale et les premiers maîtres des Flandres Voir et modifier les données sur Wikidata, Bruxelles, Librairie Nationale d'Art et d'Histoire G. Van Oest, , 220 p. (lire en ligne), p. 68
↑Cyprien Monget, La Chartreuse de Dijon : d'après les documents des archives de Bourgogne, t. I, Montreuil-sur-Mer, Impr. Notre-Dame des Prés, , 445 p. (lire en ligne), p. 352-353, 371-372
↑(en) Susie Nash, « Claus Sluter's 'Well of Moses' for the Chartreuse de Champmol Reconsidered », The Burlington Magazine, Part II : Vol. 148, No. 1240, Jul. 2006, pp.456-467 [lire en ligne]
↑Patrice Beck, "Un prince à la campagne", in Les arts sous Charles VI, Dossier de l'Art n°107, 2004, Dijon, p.78-81.
Dr J. Duverger, De Brusselsche Steenbickeleren (met een aanhangsel over Klaas Sluter en zijn Brusselsche medewerkers te Dijon), A. Vyncke, Gand, 1933, 134 pages.
Henri Drouot, « La visite de Claus Sluter à André Beauneveu », Revue du Nord, no 87, , p. 169-174 (lire en ligne)
David, Henri, Claus Sluter, Paris, Éditions Pierre Tisné, 1951, p. 192
Heinrichs-Schreiber, Ulrike, La sculpture de la Sainte-Chapelle de Vincennes et sa place dans l'art parisien à l'époque de Claus Sluter, in: Actes des journées internationales Claus Sluter p. 97-114 (1992)
(en) Kathleen Morand, Claus Sluter, artist at the court of Burgundy, Londres, Harvey Miller, , 400 p. (présentation en ligne)
« Claus Sluter. Le Puits de Moïse, le tombeau de Philippe le Hardi », Dossier de l'art, no 203, (ISSN1161-3122)
Articles connexes : sculpteurs et ymagiers de la Cour de Bourgogne
Jean de Marville (?- †1389), ymagier d'autel et varlet de chambre du duc Philippe le Hardi, qui commença les premiers travaux de la Chartreuse de Champmol et prit Claus Sluter comme second ouvrier dans son atelier, en 1385.