Il a en particulier commandé le 84e corps d’armée en Normandie puis a été très brièvement gouverneur militaire du « Grand Paris » (Groß Paris) au moment de la libération de la ville en . Notamment par son livre de mémoires, il s'est présenté comme le « sauveur de Paris » car il n'aurait pas obéi aux ordres d'Hitler demandant la destruction de la ville. Mais plusieurs recherches d'historiens dans les années 2000 et 2010 prouvent que ce sont plutôt les circonstances qui l'ont empêché d'obéir à ces ordres de destruction.
Il a été emprisonné dans un camp pour officiers généraux dès en Angleterre, où ses conversations ont été écoutées. Il avait été décoré de la croix de chevalier de la croix de fer en 1940.
En 1907, à l'âge de 13 ans, Dietrich von Choltitz est envoyé par son père à l'école des cadets de Dresde, capitale du royaume de Saxe. Il sert comme page à la Cour royale.
En 1939, Choltitz commande le bataillon du 16e régiment d'infanterie aéroportée et prend successivement part aux campagnes de Pologne (1939), des Pays-Bas et de Belgique (1940). Ses troupes prennent notamment Rotterdam, dont le port est le premier d'Europe, après un bombardement qui n'épargne pas la population civile du centre ville (huit cents victimes, soixante-dix-huit mille sans-abri)[2]. Choltitz prétendra dans ses Mémoires à un malentendu[3] : en effet, après plus de 4 jours de combats contre les hommes du colonel hollandais Scaro, le à midi, il envoya un prêtre et un laitier hollandais qui habitaient près du pont qu'il ne parvenait pas à franchir aller voir le colonel pour lui demander sa reddition, « faute de quoi Rotterdam serait impitoyablement bombardé ». Cependant, 2 h plus tard, les 2 hommes reviennent, déclarant qu'ils n'ont pas pu voir le colonel ; le bombardement commence alors. Lorsque Choltitz estima que le bombardement avait fait suffisamment de dégâts, il envoya une fusée éclairante pour l'arrêter ; cependant, un navire brûlait devant le pont et les aviateurs allemands ne la virent pas. Ainsi, les bombardiers repartirent pour une troisième vague (il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici de la version de Von Choltitz)[4]. À la suite de cette action, il reçoit la croix de chevalier de la croix de fer. En , il prend le commandement de son régiment et se trouve promu Oberst (colonel) au printemps 1941.
Campagne d'URSS
Au début de l'opération Barbarossa en , son régiment fait partie du groupe d'armées Sud et part de Roumanie vers l'Ukraine, progressant en direction du Dniepr. Faisant partie de la 11e armée de Erich von Manstein, il participe au siège et à la prise de Sébastopol en : sur un effectif de 4 800 hommes, il lui en reste 349[4] à la fin des combats ; il est en outre blessé au bras. Il est promu Generalmajor (général de brigade) peu après et prend le commandement de la 260e division d'infanterie. Prêt à tout pour vaincre les Soviétiques à Sébastopol, il n'hésita pas à obliger des prisonniers soviétiques à porter les munitions jusqu'aux canons. Des écrivains, et non des historiens, en ont conclu un peu rapidement que les Soviétiques chargeaient eux-mêmes les canons qui allaient détruire leurs maisons[4]. Le , il est promu Generalleutnant (général de division) et commande pendant deux mois la 11e Panzerdivision impliquée avec Erich von Manstein dans une contre-attaque en direction de Kharkov, puis il participe à la bataille de Koursk. Ses affectations sur le front de l'Est manquent ensuite de précision — il n'y consacre que deux paragraphes dans ses Mémoires, et il se peut que ce soit la période pendant laquelle il aurait directement contribué à la politique d'extermination nazie[5] ainsi qu'à la politique de terre brulée.
Puis, du au , il commande le 84e corps d'armée en Normandie, succédant au général Marcks tué au combat. Il loge près de Coutances, à Ouville dans la ferme de la Fosse aux Loups. Là, il occupe une chambre réquisitionnée, au premier étage, où il a des difficultés à trouver le sommeil[b]. Son poste de commandement est situé non loin de là dans un véhicule de commandement garé à l'abri d'un chemin creux.
Les divisions allemandes sont réduites de moitié avec des moyens de commandement anéantis, face à un ennemi supérieur en nombre. Les Américains vont percer le , appuyés par l'aviation. Le , la percée est définitive. Le PC recule avec les troupes allemandes.
Alors que le front allemand s'effondre à la suite de la bataille de Normandie et que l'attentat commis par le groupe d'officiers menés par Claus von Stauffenberg (le 20 juillet 1944), contre Hitler vient d'échouer, Dietrich von Choltitz est, au matin du , nommé gouverneur militaire de la garnison du « Grand-Paris »[c], « le Groß-Paris ». Il succède à ce poste à Hans von Boineburg-Lengsfeld. Sa nomination lui est signifiée par Adolf Hitler à la Wolfsschanze. Il remplace à ce poste Hans von Boineburg-Lengsfeld, qui a été en fonction du au , principalement sous les ordres de Carl-Heinrich von Stülpnagel, Militärbefehlshaber in Frankreich (commandant en chef des troupes d’occupation en France). Stülpnagel, impliqué dans le complot (il a arrêté les SS de Paris le ), a quant à lui été remplacé par le General der Flieger[d]Karl Kitzinger(de), en poste depuis le , désormais le supérieur de Choltitz.
Ordre de mission
Choltitz détaille la mission reçue en main propre du Führer et par écrit dont les grandes lignes sont les suivantes[9] :
Les troupes du front ouest se battent courageusement contre un ennemi supérieur en nombre ;
Le général de division von Choltitz est nommé avec effet immédiat « général commandant en chef du Grand Paris » et répond devant Hitler des points suivants :
Paris ne doit plus être une ville étape, un réservoir de réfugiés et de pleutres, elle doit devenir un objet de crainte pour tous les non-combattants ;
Les administrations allemandes inutiles doivent partir, les hommes en état de combattre doivent partir au front ;
Le territoire doit être protégé contre tout acte de la Résistance.
Le général commandant en chef dispose de l'autorité sur toutes les troupes, SS comprises, et incorporera dans son état-major l'ancien état-major du précédent commandant ;
Il reçoit les pouvoirs juridictionnels d'un « commandant de place forte assiégée ».
Cet ordre démentait les affirmations d'Hitler qu'il rejetterait à la mer les Alliés. Paris devenait un théâtre d'opérations potentiel.
Suites
Choltitz est marqué par la rencontre avec le « Führer » : il a la sensation d'avoir en face de lui un être ayant perdu la raison, et, soudainement, ne peut plus croire à l'image donnée par la propagande.
« Je me trouvais devant lui et je vis un homme vieux, voûté, bouffi, aux cheveux gris et clairsemés, un être tremblant et physiquement ruiné. [...] Aujourd'hui encore, je ne peux dire avec certitude s'il croyait lui-même en ses paroles ou s'il trompait sciemment son entourage pour l'exhorter à tenir jusqu'au bout. [...] Plus de doute : je me trouvais en face d'un fou. La conscience que l'existence de notre peuple était aux mains d'un aliéné, incapable de dominer la situation [...] pesait sur moi de toute sa force. »
— Dietrich von Choltitz, op. cit. (1969) pp. 204-206
Choltitz insiste sur son analyse de la situation et conclut que Hitler
« [...] considérait Paris comme une « place forte assiégée » car il prenait des mesures [...] »
Lorsque l'insurrection éclate, les Allemands sont encore vingt mille dans la capitale. Outre un régiment de sécurité appuyé par des chars de fabrication française hors d'âge, récupérés en 1940, la garnison comprend essentiellement des états-majors et des services inaptes au combat. Cependant, des colonnes d'unités allemandes étrillées en Normandie qui se replient sur la Somme traversent la capitale exempte d'attaques aériennes alliées. La retraite de ces unités est couverte par un certain nombre de chars Panther.
Dans l'après-midi du , Choltitz accepte le cessez-le-feu négocié par le consul de Suède Raoul Nordling avec les gaullistes. Il sursoit à l'exécution[10],[11] de trois résistants, Alexandre Parodi, Roland Pré et Émile Laffon, représentants directs du général de Gaulle arrêtés le par la Gestapo, et les libère[12]. Le , il reçoit l'ordre de Hitler de défendre Paris par la destruction de pâtés de maisons et des ponts de la capitale. « Paris ne doit pas tomber entre les mains de l'ennemi, ou alors que ce soit un champ de ruines »[13]. D'après ses mémoires, conscient que la destruction des infrastructures de Paris serait inutile, que la guerre est perdue pour son camp, et soucieux de ménager son avenir de futur prisonnier, il prétend que les unités de destruction auraient miné de nombreux bâtiments mais qu'il n'aurait pas donné l'ordre de destruction. Il négocie pour remettre sa reddition à un officier allié. Le , après un combat en forme de baroud d’honneur, il se rend à un officier de la 2e division blindée. Il est conduit à la préfecture de police de Paris où il capitule devant le général Leclerc. Il est ensuite conduit à la gare Montparnasse, poste de commandement de Leclerc, où le nom et la signature du colonel Rol-Tanguy, commandant communiste des FFI de l'Île-de-France, sont rajoutés à l'ordre de reddition.
Immédiatement emprisonné, Choltitz est conduit en Normandie puis transporté par avion en Grande-Bretagne. Il y est enfermé avec d'autres hauts officiers allemands à Trent Park. Ses conversations sont enregistrées à son insu. Il évoque dès le sa rencontre avec Hitler du début du mois, présentant Hitler comme très diminué physiquement mais l'ayant harangué plus de quarante-cinq minutes sans se laisser interrompre, « se dévidant comme un disque de gramophone », et comme s'il était devant un large public[15]. Choltitz en garde la sensation que Hitler n'a plus tous ses moyens, et n'a guère de respect pour l'armée. Choltitz répétera une version similaire dans ses Mémoires ou au cours d'entretiens avec des journalistes[e].
Il reconnaît aussi avoir participé à l'extermination des Juifs pendant la campagne de Russie[16]. Il est ensuite interné au camp Clinton dans le Mississippi et est relâché en 1947.
Après-guerre
Dietrich von Choltitz est relâché par les Alliés en 1947. Il publie ses Mémoires en 1950 (Un soldat parmi les soldats). Le texte décrit approximativement sa carrière.
Il meurt peu avant ses 72 ans en des suites d'une maladie à l'hôpital de Baden-Baden. Baden-Baden étant le quartier général des forces françaises en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, il est enterré au cimetière de Baden-Baden en présence de haut gradés français. Il avait épousé Huberta Von Garnier (1902-2001).
De nouvelles recherches lancées par des historiens, principalement dans les années 2000 et 2010, ont pu être effectuées grâce aux déclassements des archives administratives françaises et allemandes de l'époque. Ces nouvelles études ont permis de revoir le rôle qu'a réellement joué le général Dietrich von Choltitz vis-à-vis de la volonté hitlérienne de détruire Paris. Le témoignage du général Leclerc indiquait déjà que le désir du gouverneur militaire du Groß Paris, au moment d'être arrêté par les Alliés, était principalement de sauver sa propre vie[17].
La réalisatrice de documentaires historiques Françoise Cros de Fabrique, en s'appuyant sur des documents inédits découverts dans ces archives, démontre, au travers d'un long reportage effectué en 2019, que cette légende concernant Choltitz a été entretenue sans véritables vérifications historiques sérieuses, car si elle confirme que Hitler a bien tenté d'anéantir la capitale française, elle précise également que Choltitz n'a jamais eu le désir réel de s'y opposer. En fait, c'est simplement en raison du manque de moyens et de temps que celui-ci n'a pas pu respecter les ordres[18],[19],[20].
En réalité, malgré ses allégations et bien loin d'une image entretenue par l'homme lui-même[21], Dietrich von Choltitz était bien un fidèle d’Adolf Hitler et ne lui a jamais désobéi. L'historien Fabrice Virgili précise même que le général réclama jusqu’au bout des renforts pour exaucer le vœu de son « Führer », qui était de détruire les principaux monuments de Paris, action totalement irréalisable en raison du manque de moyens et de temps (principalement liés à l'insurrection parisienne et à l'approche rapide des troupes alliées) et non en raison d'un quelconque sentiment humaniste[20].
↑Là, il découvre l'ampleur de la désorganisation et de la catastrophe qui guette la Wehrmacht[6].
↑Il est cité comme étant un homme d'une délicatesse exceptionnelle qui alla jusqu'à demander à sa logeuse le permission de goûter aux groseilles de son jardin[7].
↑Par exemple, dans une lettre adressée à une correspondante allemande le , Choltitz écrit : « Je n'ai ni détruit ni incendié leur ville, parce que j'ai voulu épargner cette honte au peuple allemand et ne pas détruire une ville sans motif et tout particulièrement une ville comme Paris qui est le siège de toutes les cultures. Ce fut une chance pour moi que je me sois rendu chez Hitler peu auparavant, et me trouvant pour la première fois de ma vie en face de lui, je me suis rendu compte que j'avais devant moi un fou, ce qui a naturellement allégé ma conscience de soldat et je n'ai exécuté sous aucun prétexte ses ordres de destruction. »[pertinence contestée]
↑Émission Détruire Paris - Les plans secrets d'Hitler France 5 du 6 janvier 2019 - 1°) Transcription des conversations téléphoniques de Choltitz avec le général Model où il dit clairement qu'il ne pourra pas appliquer les ordres de Hitler avec les moyens mis à sa disposition et où il demande « les charges et l'artillerie qu'il a réclamées » (Bundesarchiv RH 19 IV/157 K-1 et K-2) - 2°) Rapport du laboratoire central de la préfecture de Paris vu par l'historien Luc Rudolf (2.4.4 Intervention déminage 1944 carton 48 RA 180 résumé des interventions pour protéger la population rédigé par le professeur Henri Moureu). Il ressort clairement de ce rapport que Choltitz a été pris par le temps.
↑Photo du 'Führerbefehl' daté du . La dernière phrase de cet ordre du Führer est Paris darf nicht oder nur als Trümmerfeld in die Hand des Feindes fallen. (« Il ne faut pas que Paris passe aux mains de l'ennemi, ou alors qu'il soit réduit à un champ de ruines. »)
↑Tapping Hitler's Generals, p. 94-95, Neitzel, ed. MBI Publishing, 2007
↑Tapping Hitler's Generals, Neitzel, ed. MBI Publishing, 2007, p. 219-220. Il indique avoir explicitement été mis au courant des exécutions de Juifs (they've been shooting Jews here for days now). Il mentionne une discussion datant au plus tard de dans laquelle il se plaint que les troupes de son régiment ne supportent pas d'avoir à exécuter les Juifs (well, we can't stand this shooting of Jews). Il estime qu'à Sébastopol, trente-six mille juifs ont été assassinés, ce qui se révèle proche de l'estimation des historiens (quarante mille victimes), montrant qu'il est parfaitement au courant de l'ampleur des massacres.
↑Adrien Dansette, « Von Choltitz, "sauveur de Paris" ? », LeMonde.fr, (lire en ligne, consulté le )
Paul Carell (trad. R.M., ill. cartes Roger Grosjean), Ils arrivent : la bataille de Normandie vue du côté allemand [« Sie Kommen »], Paris, éditions J’ai lu, coll. « J’ai lu leur aventure » (no A9), (1re éd. 1962), 384 p., poche — l'action de Choltitz concernant Paris et le refus d'exécuter les ordres de Hitler y sont bien expliqués aux p. 369-371.
Dietrich von Choltitz (trad. A.-M. Bécourt, Martin Briem, Klaus Diel et Pierre Michel, préf. Pierre Taittinger), De Sébastopol à Paris : un soldat parmi les soldats [« Soldat unter Soldaten »], Paris, éditions J’ai lu, coll. « J’ai lu leur aventure » (no A203), (1re éd. 1964 chez Aubanel), 320 p., poche — réimpression de l’original Aubanel dans la collection J’ai lu : Choltitz y relate sa carrière.
Raoul Nordling (édition établie par Fabrice Virgili), Sauver Paris : mémoires du consul de Suède (1905-1944), éditions Complexe, .
Albert Pripet, « Cette bataille est un immense bain de sang… », Dossiers Historama, vol. 2, no La bataille de Normandie, , p. 47-56.
D-DAY et la bataille de Normandie d'Antony Beevor (traduit de l'Anglais par J.F. SENE, R. CLARINARD et I. TAUDIERE), Calmann-Lévy, 2009, p. 712-735.