L'efficacité lumineuse spectrale relie les grandeurs photométriques aux grandeurs radiométriques.
Plusieurs fonctions tabulées ont été normalisées par la commission internationale de l'éclairage ; elles définissent l'observateur de référence dans différentes conditions : vision diurne ou nocturne, angle d'observation de 2° ou de 10°. La plus ancienne d'entre elles, notée (CIE 1924), est la plus répandue en pratique. Malgré ses défauts et, plus généralement, l'impossibilité de définir exactement la perception humaine dans toute la diversité des conditions d'observation, la fonction est utilisée conventionnellement pour le calcul et par les appareils de mesure en photométrie.
Vision humaine et grandeur photométrique
Tandis que l'objet de la radiométrie est la mesure du rayonnement sur tout ou partie du spectre électromagnétique, la photométrie s'intéresse uniquement aux rayonnements visibles et quantifie l'impression visuelle qu'ils provoquent. Des sources de puissances rayonnées identiques, mais dont les répartitions spectrales diffèrent, peuvent être perçues avec des éclats très différents. Tout particulièrement, les sources infrarouges ou ultraviolettes ne sont pas visibles, quelle que soit leur puissance. Aussi, la première évaluation de la sensibilité du système visuel humain, longueur d'onde par longueur d'onde, c'est-à-dire couleur pure par couleur pure, par le biais de la première fonction d'efficacité lumineuse, fut un acte fondateur de la photométrie. Depuis, trois autres fonctions d'efficacité lumineuse spectrale tabulées ont été normalisées à sa suite par la CIE. D'autres ont été publiées mais ne sont pas encore normalisées[1].
Dans le domaine photopique :
(CIE 1924) la première d'entre elles, définit l'observateur de référence en vision diurne pour un champ visuel de 2°[2] ; elle est aussi la fonction colorimétrique du système CIE XYZ 1931.
(CIE 1988) apporte une correction à la précédente[3].
(CIE 1964) définit l'observateur de référence en vision diurne pour un angle de 10° ; elle est aussi la fonction colorimétrique du système CIE X10Y10Z10 1964.
La fonction d'efficacité lumineuse spectrale permet de calculer une grandeur photométrique (v pour visuel) – flux, intensité, luminance, etc. –, à partir de la densité spectrale de son analogue radiométrique (e pour énergétique). À ce titre, la fonction est de loin la plus couramment utilisée, comme dans l'expression ci-dessous.
.
où
, est l'efficacité lumineuse spectrale ;
, est l'efficacité lumineuse spectrale relative ;
est l'efficacité lumineuse spectrale maximale, sa valeur est proche de 683 lm W−1 pour les fonctions du domaine photopique, et de 1 700 lm W−1 pour la fonction du domaine scotopique.
En pratique, la mesure de la densité spectrale est réalisée par intervalles réguliers sur les longueurs d'onde (nanomètre par nanomètre par exemple) et l'intégrale doit être interprétée comme une somme par pas réguliers . Les fonctions d'efficacité spectrale relatives normalisées sont généralement tabulées par pas de 5 nm.
En vision photopique, plus fréquemment nommée vision diurne dans le langage courant, seuls les cônes permettent la vision.
Champ visuel de 2° : et
La fonction d'efficacité spectrale photopique mesurée sur un angle de champ visuel de 2° fut normalisée en 1924 et notée .
D'abord, l'efficacité lumineuse spectrale maximale, en lien avec la définition de la candela[5], est d'environ 683,002 lm/W[6], correspondant à une à une longueur d'onde de 555 nm dans l'air (jaune–vert)[7]. Cette valeur est souvent arrondie à 683 lm/W[6], compte tenu du fait que le seuil de discrimination humain des luminances est au mieux de 1%[8].
Ensuite, les valeurs tabulées de la fonction d'efficacité lumineuse spectrale relative sont données dans le tableau qui suit. Elles fixent le maximum de sensibilité de l'observateur de référence à une longueur d'onde de 555 nm. Elles sont définies de 360 nm à 830 nm par pas de 5 nm[9], mais des méthodes d'interpolation permettent d'obtenir des valeurs par pas de 1 nm[10]. Ces valeurs sont également utilisées pour définir la fonction colorimétrique du système CIE XYZ 1931.
Elle fut proposée par Gibson et Tyndall en 1923[11] à partir de mesures effectuées dans des conditions différentes aboutissant à des résultats parfois très différents[12]. C'est pourquoi, à la suite des travaux de D. B. Judd (1951) puis de Vos (1978)[13], une modification fut apportée en 1988[3] à la fonction d'efficacité lumineuse spectrale relative entre 380 et 460 nm : elle est notée ; l'efficacité lumineuse spectrale maximale reste la même. Malgré ses avantages, cette fonction reste peu utilisée en dehors des laboratoires de recherche[1].
Valeurs tabulées des fonctions d'efficacité lumineuse spectrales relatives et
Efficacité lumineuse spectrale relative
400
0,000 039
0,002 800
500
0,323 00
600
0,631 00
700
0,004 102
800
0,000 004
405
0,000 640
0,004 656
505
0,407 30
605
0,566 80
705
0,002 929
805
0,000 003
410
0,001 21
0,007 400
510
0,503 00
610
0,503 00
710
0,002 091
810
0,000 002
415
0,002 18
0,011 779
515
0,608 20
615
0,441 20
715
0,001 484
815
0,000 001
420
0,004 00
0,017 500
520
0,710 00
620
0,381 00
720
0,001 047
820
0,000 001
425
0,007 30
0,022 678
525
0,793 20
625
0,321 00
725
0,000 740
825
0,000 001
430
0,011 60
0,027 300
530
0,862 00
630
0,265 00
730
0,000 520
830
0,000 000
435
0,016 80
0,032 584
535
0,914 90
635
0,217 00
735
0,000 361
440
0,023 00
0,037 900
540
0,954 00
640
0,175 00
740
0,000 249
445
0,029 80
0,042 391
545
0,980 30
645
0,138 20
745
0,000 172
450
0,038 00
0,046 800
550
0,994 95
650
0,107 00
750
0,000 120
455
0,048 00
0,052 122
555
1,000 00
655
0,081 60
755
0,000 085
360
0,000 004
460
0,060 00
0,060 000
560
0,995 00
660
0,061 00
760
0,000 060
365
0,000 007
465
0,073 90
565
0,978 60
665
0,044 60
765
0,000 042
370
0,000 012
470
0,090 98
570
0,952 00
670
0,032 00
770
0,000 030
375
0,000 022
475
0,112 60
575
0,915 40
675
0,023 20
775
0,000 021
380
0,000 039
0,000 200
480
0,139 02
580
0,870 00
680
0,017 00
780
0,000 015
385
0,000 064
0,000 396
485
0,169 30
585
0,816 30
685
0,011 90
785
0,000 011
390
0,000 120
0,000 800
490
0,208 02
590
0,757 00
690
0,008 21
790
0.000 007
395
0,000 217
0,001 550
495
0,258 60
595
0,694 90
695
0,005 723
795
0,000 005
Les couleurs représentées sont indicatives et ne correspondent évidemment pas à des lumières monochromatiques : elles ont été calculées afin de présenter une longueur d'onde dominante égale à la longueur d'onde à représenter.
Champ visuel de 10° :
La fonction d'efficacité spectrale photopique mesurée sur un angle de champ visuel de 10°, notée , fut normalisée en 1964 en même temps que le système colorimétrique CIE X10Y10Z10 1964, dont elle est aussi la fonction colorimétrique ., d'après les travaux de Stiles et Burch (1959)[14]. L'efficacité lumineuse relative maximale est fixée à 683,6 lm/W, correspondant à une longueur d'onde de 557 nm dans l'air[15].
Valeurs tabulées de la fonction d'efficacité lumineuse spectrale relative [16]
400
0,002 004
500
0,460 777
600
0,658 341
700
0,003 718
405
0,004 509
505
0,531 360
605
0,593 878
705
0,002 565
410
0,008 756
510
0,606 741
610
0,527 963
710
0,001 768
415
0,014 456
515
0,685 660
615
0,461 834
715
0,001 222
420
0,021 391
520
0,761 757
620
0,398 057
720
0,000 846
425
0,029 497
525
0,823 330
625
0,339 554
725
0,000 586
430
0,038 676
530
0,875 211
630
0,283 493
730
0,000 407
435
0,049 602
535
0,923 810
635
0,228 254
735
0,000 284
440
0,062 077
540
0,961 988
640
0,179 828
740
0,000 199
445
0,074 704
545
0,982 200
645
0,140 211
745
0,000 140
450
0,089 456
550
0,991 761
650
0,107 633
750
0,000 098
455
0,106 256
555
0,999 110
655
0,081 187
755
0,000 070
460
0,128 201
560
0,997 340
660
0,060 281
760
0,000 050
465
0,152 761
565
0,982 380
665
0,044 096
765
0,000 036
470
0,185 190
570
0,955 552
670
0,031 800
770
0,000 025
475
0,219 940
575
0,915 175
675
0,022 602
775
0,000 018
380
0,000 017
480
0,253 589
580
0,868 934
680
0,015 905
780
0,000 013
385
0,000 072
485
0,297 665
585
0,825 623
685
0,011 130
390
0,000 253
490
0,339 133
590
0,777 405
690
0,007 749
395
0,000 769
495
0,395 379
595
0,720 353
695
0,005 375
Vision scotopique :
La formulation est identique à celle de la vision photopique, mais la sensibilité de l'œil humain est différente en vision nocturne, seuls les bâtonnets permettent la vision. L'efficacité lumineuse relative maximale est fixée à 1 700 lm/W, correspondant à une longueur d'onde de 507 nm dans l'air. L'efficacité lumineuse spectrale relative est notée et ses valeurs sont tabulées par pas de 5 nm entre 380 et 780 nm.
Valeurs tabulées de la fonction d'efficacité lumineuse spectrale relative [17]
400
0,009 29
500
0,982
600
0,033 15
700
0,000 017 8
405
0,018 52
505
0,998
605
0,023 12
705
0,000 012 73
410
0,034 84
510
0,997
610
0,015 93
710
0,000 009 14
415
0,060 4
515
0,975
615
0,010 88
715
0,000 006 6
420
0,096 6
520
0,935
620
0,007 37
720
0,000 004 78
425
0,1436
525
0,880
625
0,004 97
725
0,000 003 482
430
0,199 8
530
0,811
630
0,003 335
730
0,000 002 546
435
0,262 5
535
0,733
635
0,002 235
735
0,000 001 87
440
0,328 1
540
0,650
640
0,001 497
740
0,000 001 379
445
0,393 1
545
0,564
645
0,001 005
745
0,000 001 022
450
0,455
550
0,481
650
0,000 677
750
0,000 000 76
455
0,513
555
0,402
655
0,000 459
755
0,000 000 567
460
0,567
560
0,328 8
660
0,000 312 9
760
0,000 000 425
465
0,620
565
0,263 9
665
0,000 214 6
765
0,000 000 320
470
0,676
570
0,207 6
670
0,000 148
770
0,000 000 241
475
0,734
575
0,160 2
675
0,000 102 6
775
0,000 000 183
380
0,000 589
480
0,793
580
0,121 2
680
0,000 071 5
780
0,000 000 139
385
0,001 108
485
0,851
585
0,089 9
685
0,000 050 1
390
0,002 209
490
0,904
590
0,065 5
690
0,000 035 33
395
0,004 53
495
0,949
595
0,046 9
695
0,000 0250 1
La luminance des gris du tableau est proportionnelle aux coefficients.
Mesure de l'efficacité lumineuse spectrale
La mesure est effectuée en comparant deux lumières monochromatiques de longueurs d'onde différentes. La première servant de référence, un observateur modifie la luminance énergétique de la seconde jusqu'à égalisation de la sensation de luminosité des deux couleurs. Dans le domaine scotopique, sans vision des couleurs, l'établissement des courbes de sensibilité spectrale se fait, après un long délai d'adaptation visuelle aux faibles lumières, en réglant la radiance de lumières monochromatiques de longueur d'onde variées, pour que leur luminosité soit égales. En vision photopique, en revanche, on ne peut procéder que de proche en proche. La comparaison de la luminosité de deux lumières monochromatiques de longueur d'onde très différente est en effet très difficile, il est impossible d'égaliser de façon précise et répétable deux couleurs très différentes, et deux essais consécutifs aboutissent souvent à des résultats différents[18]. La mesure de l'efficacité lumineuse spectrale est compliquée par le fait que les résultats diffèrent considérablement selon les différentes méthodes, mais aussi selon les différents individus testés[1].
Il existe ou a existé de nombreuses méthodes – comparaison directe hétérochrome de luminosité, comparaison pas-à-pas de luminosité, distinction minimale du bord, comparaison par papillotement hétérochrome, etc. – dont les grands principes sont précisés ci-après.
Comparaison directe
On présente deux plages, dont le sujet peut faire varier la luminosité, généralement par la variation de distance de la source de lumière, sur un fond éclairé uniformément avec une luminosité nettement différente. En raison de la loi du contraste simultané des couleurs, la différence est plus perceptible, et donc le réglage est plus fin, si les plages sont contiguës.
Comparaison par papillotement
On évite l'effet du contraste simultané, qui joue dans tous les cas avec le fond, en faisant alterner rapidement les deux lumières à comparer. On recherche la fréquence d'alternance qui provoque le plus d'impression de papillottement ((en) flicker), puis on recherche la différence de radiance entre les deux longueurs d'onde pour laquelle ce papillotement est le moins visible.
Annexes
Bibliographie
Yves Le Grand, Optique physiologique : Tome 2, Lumière et couleurs, Paris, Masson, , 2e éd..
Robert Sève, Science de la couleur : aspects physiques et perceptifs, Marseille, Chalagam, , 374 p. (ISBN978-2-9519607-5-6 et 2-9519607-5-1).
[PDF] (en) Lindsay T. Sharpe, Andrew Stockman, Wolfgang Jagla et Herbert Jägle, « A luminous efficiency function, V*(λ), for daylight adaptation », Journal of Vision, vol. 5, no 11, (ISSN1534-7362, DOI10.1167/5.11.3, lire en ligne, consulté le )
(en) Claudio Oleari, Standard Colorimetry : Definitions, Algorithms and Software, John Wiley & Sons, , 512 p. (ISBN978-1-118-89444-6, lire en ligne)
[PDF] Michel Saillard et Yves Cortial, « Calcul de la courbe d'efficacité lumineuse spectrale de l'œil effectué à partir des mesures des intensités des différentes couleurs du spectre solaire de Josef Fraunhofer (1817) », Revue d'histoire des sciences, vol. 46, no 2, , p. 259-272 (lire en ligne).
↑ a et bLa définition de la candela fixe l'efficacité lumineuse spectrale à 683 lm/W ce qui correspond à une longueur d'onde de 555,016 nm. L'efficacité lumineuse maximale est donc établie de façon plus précise par : Km = 555,016/555 683 = 683,002 lm/W, valeur souvent arrondie (DeCusatis et al. 2009, p. 34.39).
↑(en) J. J. Vos, « Colorimetric and photometric properties of a 2-deg fundamental observer », Color Research and Application, (DOI10.1002/col.5080030309, lire en ligne)