Gérard Bouchard naît à Jonquière en 1943 dans une famille ouvrière, fils de Philippe Bouchard et d’Alice Simard. Il est le frère de Lucien Bouchard, premier ministre du Québec de 1996 à 2001.
Avec son essai Genèse des nations et cultures du nouveau monde[4], il prend la tête de l'école historique néo-nationaliste. Le néo-nationalisme de Gérard Bouchard veut rompre avec l’historiographie de la survivance comme principe explicatif de l’existence du Canada français (Lionel Groulx). Le Canada français aurait vécu sur de fausses croyances véhiculées par une élite religieuse déconnectée des masses et leur américanité[5]. Il plaide au départ pour un nationalisme civique débarrassé de tout contenu ethnique, mais revient dans ses derniers travaux sur le besoin de mythes pour la construction des nations[6],[7]. Il est un critique du multiculturalisme canadien et en faveur de l’interculturalisme québécois, un projet diversitaire qui tiendrait compte de la culture majoritaire francophone du Québec[8]. Il a voulu inscrire le Québec dans son américanité, l’appartenance continentale, pour finalement adopter le concept de « sociétés neuves »[9].
Le chercheur Ronald Rudin lui reproche d'être un révisionniste, insistant sur le désir de celui-ci de démontrer que le Québec est une société à l'heure normale de l'Occident[10]. L'historien Éric Bédard dit de l’ouvrage Genèse des nations et cultures du nouveau monde, que c’est le magnum opus de l’historiographie moderniste, cette tradition qui veut définitivement rompre avec toute filiation intellectuelle et historique avec le Canada français[11]. Le sociologue Joseph Yvon Thériault voit dans les concepts d’« américanité » et de « sociétés neuves » des références vides qui proposent un parcours idéal typique sans tenir compte de la substance historique des sociétés[12].
Principaux axes de recherche
Bases de données et histoire sociale des populations
De retour au Québec après ses études doctorales en France, il s'engage dans un projet d'histoire sociale portant sur la région du Saguenay. Inspirée par les travaux de Lucien Febvre et Marc Bloch, cette recherche a notamment pour but de forger les moyens techniques et méthodologiques qui font défaut à l'histoire sociale.
En 1971, il fonde le projet BALSAC, qu'il dirigera jusqu’en . À l'aide d’un système de jumelage automatique de données nominatives de nature économique, sociale, culturelle et démographique, ce projet mène à la création d'un registre universel et informatisé de la population pour toutes les régions du Québec des débuts du peuplement au XVIIe siècle jusqu'aux décennies récentes. Depuis la fin des années 1970, le fichier BALSAC est exploité dans le champ de la génétique humaine, où il soutient des travaux d'épidémiologie et de génétique des populations.
En 1972, Gérard Bouchard fonde le Centre SOREP, qui deviendra en 1994 l'IREP à la suite d'une entente de collaboration entre sept universités québécoises. Sous sa direction jusqu'en 1998, l'IREP devient un organisme de recherches d’envergure internationale, regroupant une cinquantaine de chercheurs titulaires et associés et environ 275 collaborateurs.
La somme de ces travaux mène à la publication, en 1996, de Quelques arpents d’Amériques : Population, économie, famille au Saguenay, 1838-1971.
Mandats spéciaux et autres activités
Il a fait partie du comité de rédaction de plusieurs périodiques, dont la Revue d’histoire d’Amérique française, Histoire sociale/Social History, Canadian Historical Review, Revue canadienne des sciences régionales et Globe.
Depuis 2002, il est l’un des membres du programme « Sociétés réussies » de l’Institut canadien de recherches avancées. Il siège maintenant au Comité consultatif de ce programme.
En 2011, il a dirigé le Comité d’organisation d’un Symposium international sur l’interculturalisme, tenu à Montréal en collaboration avec le Conseil de l’Europe.
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la dynamique comparée des imaginaires collectifs
Publications
Gérard Bouchard est auteur, coauteur ou codirecteur d’une quarantaine d’ouvrages. Il a publié près de 300 articles dans des revues scientifiques et prononcé plus de 600 conférences et communications au Québec, au Canada et à l'étranger. Il poursuit également une œuvre de romancier, dans laquelle il met en scène des récits de fondation dans le cadre du Nouveau Monde, où se rencontrent descendants d’Européens et Autochtones.
Livres principaux
Le Village immobile : Sennely-en-Sologne au XVIIIe siècle. Plon, 1972.
Reconstitution automatique des familles : Le système SOREP (avec Raymond Roy et Bernard Casgrain). Chicoutimi, Institut interuniversitaire de recherches sur les populations, deux vol., 1985.
Histoire d’un génome. Population et génétique dans l’Est du Québec (codirecteur). Québec, Presses de l’université du Québec, 1991.
Pourquoi les maladies héréditaires ? Population et génétique au Saguenay-Lac Saint-Jean. (avec Marc De Braekeleer), Sillery, Septentrion, 1992.
Quelques arpents d’Amérique : Population, économie, famille au Saguenay, 1838-1971. Montréal, Boréal, 1996.
Tous les métiers du monde : Le traitement des données professionnelles en histoire sociale. Sainte-Foy, Presses de l’université Laval, 1996.
La Nation dans tous ses États. Le Québec en comparaison (avec Yvan Lamonde). Paris-Montréal, Harmattan.
La nation québécoise au futur et au passé. Montréal, VLB Éditeur, 1999.
Dialogue sur les pays neufs (avec Michel Lacombe). Montréal, Boréal, 1999.
Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde. Essai d’histoire comparée. Montréal, Boréal, 2000.
Les deux chanoines. Contradiction et ambivalence dans la pensée de Lionel Groulx. Montréal, Boréal, 2003.
Raison et contradiction. Le mythe au secours de la pensée. Québec. Éditions Nota bene/Cefan, 2003.
La pensée impuissante : Échecs et mythes nationaux canadiens-français (1850-1960). Montréal, Boréal, 2004.
La culture québécoise est-elle en crise ? (avec Alain Roy). Montréal, Boréal, 2007.
Mythes et sociétés des Amériques (ouvrage collectif dirigé en collaboration avec Bernard Andrès). Montréal, Québec Amérique, 2007.
Fonder l’avenir : Le temps de la conciliation (avec Charles Taylor). Rapport de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, Gouvernement du Québec, 2008.
↑Jean-Charles Falardeau, « Compte-rendu », Revue d'histoire de l'Amérique française, http://www.erudit.org, vol. 27, no 3, , p. 426-428 (lire en ligne)
↑Viateur Boutot et Nathalie Dyke, « Bouchard, Gérard », sur prixduquebec.gouv.qc.ca, 29 octobre 2012 (dernière mise à jour).
↑Gérard Bouchard, La pensée impuissante : Échecs et mythes nationaux canadiens-français (1850-1960)., Montréal, Boréal,
↑Gérard Bouchard, La nation québécoise au futur et au passé, Montréal, VLB éditeur,
↑Gérard Bouchard, Les nations savent-elles encore rêver?, Montréal, Boréal,
↑Gérard Bouchard, L'interculturalisme Un point de vue québécois, Montréal, Boréal,
↑Gérard Bouchard, Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde. Essai d’histoire comparée, Montréal, Boréal,
↑Ronald Rudin, Paroles d'historiens : Anthologie des réflexions sur l'histoire au Québec, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, , « La quête d'une société normale : critique de la réinterprétation de l'histoire du Québec », p. 334
↑Éric Bédard, « Compte rendu de [Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde : le magnum opus de l'historiographie moderniste]. », Bulletin d'histoire politique, , p. 160-174 (lire en ligne)
↑Joseph Yvon Thériault, Critique de l'américanité. Mémoire et démocratie au Québec, Montréal, Québec Amérique,
"Entretien avec Gérard Bouchard". Propos recueillis par Jean-Marc Gagnon, novembre-décembre 1984, publié dans la version imprimée du Magazine de l'Acfas, alors qu'il était dénommé Interface.