Survivant de la Shoah car échappé à treize ans du Fort de Breendonk, Joseph Miedzianagora connait les débuts d'Israël dans un kibboutz. Revenu en Belgique, il boucle le jury central en trois mois, accomplit rapidement des études de philosophie à l’Université libre de Bruxelles, devient l’assistant de Chaïm Perelman. Son mémoire de Doctorat sera publié à Paris en 1970 : Philosophies Positives du Droit et Droit Positif. Joseph Miedzianagora signera ensuite ses écrits du prénom Georges sous lequel il avait été caché pendant la guerre, ou s’en tiendra aux initiales GM.
Anarchiste dans l’âme, il est le meneur le plus en vue du « mai 68 » à l’Université libre de Bruxelles[2]. Ce qui met fin à sa carrière universitaire. Il reste rémunéré jusqu’à la fin de son mandat d’assistant mais interdit d’enseigner. Ses étudiants lui offrent une structure pirate d’enseignement de la philosophie des sciences dont les trois sessions publiques ont lieu dans des amphithéâtres squattés : l'École Élysée Reclus. Le cours initial leur permit d'entendre le prix Nobel de chimieIlya Prigogine, le futur prix Nobel de physiqueFrançois Englert, le mathématicien René Thom et d'autres dire l'écart entre les réalités observées et les codes qui les transcrivent. Après Inertie-Entropie (1974-1975), ce sont Histoire(s)? (1976-1977) et Ad Obscurum per Obscurum (1980-1981)[3]
L’irréalité de la physique quantique choque son sentiment d’une cohérence nécessaire pour que le déterminisme « fasse encore sens. » Il prétendait démontrer l’inanité du parcours d’une particule dont on ne peut connaître à la fois la localisation et la vitesse. Cette critique s’appuyait sur l’idée que la pensée protestante qui avait colonisé l’ensemble du monde scientifique des sciences « dures » avait chassé « le corps » ou l’évidence de la réalité concrète au profit d’une radicalité intellectuelle, comme miroir de l’Esprit[4]. Il mène aussi un combat pour la mémoire en menant, entre autres, une étude sur Herschel Grynszpan, l'étudiant juif allemand dont l’attentat à la vie d’un secrétaire d’ambassade allemand à Paris en 1938, fut présenté comme la justification de la Nuit de Cristal. À la fin de ses jours, il travaille sur un thème qui lui est cher : montrer que « Socrate n’était pas un personnage historique mais le prototype du philosophe qui parle de tout n’importe comment, comme le Tartuffe de Molière désigne le dévot (c’est lui qui faisait cette comparaison)[5]. » Miedzianagora souffre de glaucomes. En 2003, quasiment aveugle, il s'avère malade, cesse de s'alimenter, et meurt rapidement.
Bibliographie
Joseph Miedzianagora, Philosophies Positives du Droit et Droit Positif. [S.l.] : L.G.D. J, 1970. (OCLC492478673)
F. Englert et J. Miedzianagora, "Signe, Sens, Dialectique". Paris: Les Temps Modernes, NRF (n° inconnu), 1964, p. 2238-2247.
(GM)² [G. Miedzianagora, G. Meurant], Le truc de la science, Bruxelles : Maison internationale de la poésie, 1976.
(GM)² + AK [Georges Miedzianagora, Georges Meurant, Anne Kellens], Chacal, Bruxelles: G. Meurant, [1977]. (OCLC4779478)
(GM)² [G. Miedzianagora, G. Meurant], La langue comme une étendue suspendue en attente éternelle, Bruxelles : G. Meurant, [1977]. (OCLC4529043)
Georges Miedzianagora, Percevoir, graphes G. Meurant, Bruxelles: Meurant, 1978. (OCLC469878760 et 301445776)
Georges Miedzianagora, Identité, percevoir et connaître, graphes G. Meurant, Bruxelles : Meurant, 1980. (OCLC8670073)
Georges Miedzianagora, Les dieux post-modernes: manifeste pour la transparence de la science (Bruxelles : Éditions Complexe, 1992). (OCLC30320702) (OCLC263899662)
Georges Miedzianagora et Gabrielle Jofer, Objectif extermination: volonté, résolution et décisions de Hitler, Paris : Frison Roche, 1994. (OCLC33094172)
Filmographie
Georges Miedzianagora apparaît dans Leçon de vie (16 mm, couleur, 105 minutes, Allemagne/Belgique, 1995). Le scénario, la réalisation et la production du film sont effectuées par Boris Lehman, en coproduction avec Dovfilm, ZDF, WIP, et RTBF (Carré noir), avec l'aide de la Communauté française et la Région wallonne, l'Atelier Jeunes Cinéastes (AJC), et le Centre de l'Audiovisuel à Bruxelles.
↑"J’étais un complice de Georges Miedzianagora, assistant de philosophie, qui avait invité à Bruxelles les meneurs des contestations à Paris, Turin, Berlin. On trouvait que c’était trop calme à Bruxelles. On a fait mousser un peu le machin. Je me suis bien amusé... " François Englert, entretien avec Guy Duplat, "Comment devient-on Nobel ?" La Libre.be, Bruxelles 8/11/2013. http://www.lalibre.be/actu/belgique/comment-devient-on-nobel-527c6afc35703e420f4215ca
↑La réunion fondatrice de l’École Élysée Reclus a lieu dans l’atelier du peintre Georges Meurant. Celui-ci produit trois affiches pour les sessions publiques. Invité par Miedzianagora dans sa propriété de Coïn (Espagne) en août 1971, Meurant y avait entamé un dessin abstrait ludique, une « danse des choses » prétexte d’une collaboration avec le philosophe. "(L') Affaire Miedzianagora : un livre blanc", Bruxelles, 1973 (Archives de l’ULB BE.ULB-A&B-ARCH. BR.2003/10), contient notamment trois dessins de Meurant plus un en première de couverture. La Communauté française de Belgique conserve une série de cinq livres objets de 1973, autocopies originales au bromure par ultraviolets en dépliants de 900 × 33 cm, chaque dans un coffret en bois, dont deux créés par G. Miedzianagora et G. Meurant: "Philosophie Première" (Inv. 13.794), "Étant & Mouvant" (Inv. 13.795). Littérature: "12 années d'acquisitions de gravures 1964 à 1975", Bruxelles: Ministère de la Culture française, 1976, pp 198-199 et 301-302 (OCLC20228922). Les cinq livres furent édités sous le titre "Étant & Mouvant" (1974). La revue "Identique" de L'Ecole Elisée Reclus diffusée par TRANSéDITION D/1974/1485/3 (Archives de l’ULB BE.ULB-A&B-ARCH.8RR585) contient notamment cinq dessins de Meurant et une première version de "Le Truc de la Science". Suivirent d’autres collaborations avec Meurant: "Le truc de la science" (1976), "Chacal" (1977),"La langue comme une étendue suspendue en attente éternelle" (1977), "Percevoir" (1978) et "Identité, percevoir et connaître" (1980).