Le Grand Prix d'Italie1952 (XXIII° Gran Premio d'Italia), disputé sous la réglementation Formule 2 sur le circuit de Monza le , est la vingt-troisième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la huitième manche du championnat 1952.
Le Grand Prix d'Italie constitue la dernière épreuve du championnat du monde 1952, disputé sous la réglementation formule 2 (moteurs deux litres atmosphériques) à la suite du désengagement des principaux constructeurs de F1 à la fin de l'année précédente. La saison a été totalement dominée par la Scuderia Ferrari, qui a remporté toutes les épreuves à l'exception des 500 miles d'Indianapolis, la course américaine étant disputée suivant l'ancienne formule internationale (moteurs trois litres suralimentés ou quatre litres et demi atmosphériques). Vainqueur de cinq Grands Prix consécutifs au volant de la Ferrari 500 F2, Alberto Ascari est déjà assuré du titre mondial, quelle que soit l'issue de cette dernière course.
Créé en 1922 et entièrement rénové en 1948[1], le circuit de Monza est considéré comme le temple de la vitesse. En 1951, Juan Manuel Fangio avait franchi la barre des 200 km/h de moyenne lors des essais qualificatifs, au volant de son Alfetta de plus de 400 chevaux. Avec des formules 2 dont les plus affûtées (Ferrari, Maserati) développent à peine 180 chevaux, on en sera bien loin en 1952.
Monoplaces en lice
Ferrari 500 "Usine"
Invaincue cette saison, la Scuderia Ferrari se doit de conclure l'année sur une victoire. Face à la menace Maserati, dont le moteur six cylindres est légèrement plus puissant, l'usine engage cinq Ferrari 500 F2 (à moteur quatre cylindres de 175 chevaux) pour ses pilotes habituels Alberto Ascari, Giuseppe Farina, Luigi Villoresi et Piero Taruffi, épaulés par le Français André Simon. Épaulant les monoplaces officielles, cinq autres Ferrari sont présentes : Louis Rosier pilote sa 500 personnelle, Charles de Tornaco celle de l'Écurie Francorchamps et Rudi Fischer celle de l'Écurie Espadon. Ces versions "clients", bridées à 6500 tr/min[2], sont moins puissantes que les voitures engagées par l'usine. L'Écurie Espadon a également engagé une 212 pour Hans Stuck, et le pilote britannique Peter Whitehead pilote sa Ferrari 125 personnelle.
Gordini T16 "Usine"
Le sorcier engage trois T16 (moteur six cylindres développant environ 150 chevaux) pour ses pilotes habituels Jean Behra, Robert Manzon et Maurice Trintignant. En cette fin de saison, le manque de préparation de ces monoplaces se fait sentir : à Monza les T16 vont courir avec des ponts arrière d'un ancien modèle, inadaptés à la puissance du moteur six cylindres, l'usine n'ayant pas terminé la fabrication des pièces de remplacement (les ponts avaient connu des casses répétées lors d'une course précédente[3]). Elles ne peuvent espérer inquiéter les Ferrari sur un circuit aussi rapide. Une quatrième Gordini est inscrite, il s'agit d'une ancienne T15 engagée à titre privé pour le pilote belge Johnny Claes.
Maserati A6GCM "Usine"
Après une longue période de développement, la mise au point des A6GCM semble maintenant aboutie, et l'usine engage trois de ces modèles pour José Froilán González (c'est la première apparition en championnat du pilote argentin cette saison), Felice Bonetto et Franco Rol. Si le moteur six cylindres, désormais équipé d'une culasse double allumage[4], produit 180 chevaux[5], une puissance légèrement supérieure à celle du quatre cylindres Ferrari, le châssis est toutefois moins évolué, faisant appel à un pont arrière rigide. L'équipe brésilienne fait également courir trois A6GCM, pour Gino Bianco, Chico Landi et Eitel Cantoni. Enrico Platé a amené deux Maserati-Platé (dérivées de l'antique 4 CLT/48) pour Emmanuel de Graffenried et Alberto Crespo.
HWM 52 "Usine"
La petite équipe britannique HWM a engagé deux modèles 52 à moteur quatre cylindres Alta d'environ 145 chevaux[5] pour Lance Macklin et Peter Collins, pilotes officiels de la marque. À leurs côtés, l'Australien Tony Gaze pilote son HWM personnelle, identique aux modèles usine.
L'Ecurie Richmond, représentant l'usine, a amené deux Cooper T20 pour Eric Brandon et Alan Brown. Agiles et très légères, ces petites monoplaces sont équipées du six cylindres Bristol, développant environ 130 chevaux[5]. L'ancien pilote moto Leslie Hawthorn engage un modèle identique pour son fils Mike, auteur d'une très belle saison sur une voiture magnifiquement préparée, avec un moteur Bristol bénéficiant d'un réglage spécial permettant l'utilisation de nitrométhane : cet additif au carburant autorise un gain d'environ 20 chevaux[6]. Une quatrième T20 est présente, engagée par la Scuderia Franera pour Ken Wharton.
OSCA 20
Le pilote français Élie Bayol a engagé son O.S.C.A. F2 personnelle, avec laquelle il a réalisé une prestation honorable au Grand Prix du Comminges avant d’être disqualifié. Sa performance au Grand Prix de la Baule (septième à huit tours d'Ascari) fut toutefois moins convaincante. Cette monoplace, construite par les frères Maserati, est équipée d'un moteur six cylindres donné pour 170 chevaux, chiffre qui semble toutefois optimiste[5].
Aston NB41
Le pilote-constructeur Bill Aston, malgré des résultats peu convaincants lors du Grand Prix d'Allemagne, est présent au volant de la monoplace de sa conception. Équipée d'un moteur boxer 4 cylindres refroidi par air d'environ 140 chevaux, l'Aston ressemble beaucoup à la Cooper T20 dont elle est inspirée[5].
Cisitalia
Italien mais vivant en Argentine, Piero Dusio a engagé sa Cisitalia personnelle, une ancienne D46 adaptée pour la formule 2, mais cette monoplace n'apparaîtra pas aux essais.
Les séances qualificatives se déroulent les vendredi et samedi précédant la course. Sur les trente-cinq pilotes inscrits, seuls les vingt-quatre plus rapides seront admis au départ de la course. Ce sont à nouveau les Ferrari 500 qui dominent les essais, Alberto Ascari obtenant la pole position devant ses coéquipiers Luigi Villoresi et Giuseppe Farina. Maurice Trintignant réalise une belle performance au volant de sa Gordini nettement moins puissante que les machines italiennes, à seulement une seconde et demie du temps d'Ascari. Quatrième, il complète la première ligne, devançant la Maserati de José Froilán González. Profitant de l'aspiration de la Ferrari d'Ascari[5], Stirling Moss a réussi le neuvième temps des essais sur sa Connaught, une performance étonnante pour la modeste monoplace britannique. La nouvelle O.S.C.A. effectue des débuts encourageants, Élie Bayol s'étant qualifié en dixième position. Déception en revanche pour les HWM, ni les monoplaces d'usine de Peter Collins et de Lance Macklin, pas plus que la voiture privée de Tony Gaze n'ont pu se qualifier. Pire encore pour la Cisitalia de Piero Dusio, qui n'a pu effectuer un seul tour chronométré.
Ascari a effectué son meilleur tour à un peu plus de 180 km/h de moyenne. En se référant à la pole position réalisée l'année précédente par Juan Manuel Fangio (200 km/h de moyenne avec l'Alfetta), c'est donc 20 km/h que les formules 2 rendent aux F1 sur ce circuit rapide.
Pour cette course de plus de 500 km, les équipes Maserati et Gordini ont prévu un ravitaillement en carburant à mi-distance[3], les autres concurrents partant avec des réservoirs pleins. Le départ est donné par temps chaud et ensoleillé. Profitant de sa voiture allégée en carburant, José Froilán González (Maserati) jaillit de la deuxième ligne pour s'emparer immédiatement de la tête de la course. Il aborde le premier virage suivi par Maurice Trintignant (Gordini). Depuis la première ligne, les Ferrari, pénalisées par leur surcharge d'essence, se sont fait déborder : Alberto Ascari est troisième, devançant les Gordini de Robert Manzon et Jean Behra, tandis que Luigi Villoresi et Giuseppe Farina ont perdu cinq places. À la fin du premier tour, Ascari parvient à prendre le meilleur sur Trintignant, s'emparant de la seconde place, mais compte déjà plus d'une seconde de retard sur González qui tourne à un rythme extrêmement rapide. Alors qu'Ascari et Trintignant se disputent la seconde place, Villoresi regagne rapidement du terrain : il dépasse Behra au second tour, puis Manzon au troisième, le voila en quatrième position. Au passage suivant, il profite des ennuis de Trintignant (soupapes) pour prendre la troisième place, alors que González, qui vient de réaliser le record du tour à près de 176 km/h de moyenne, a accru son avance sur Ascari. Ce dernier est peu après rejoint par Villoresi, tous deux vont se livrer une intense bataille pour la seconde place, à distance respectable du leader qui compte déjà une quinzaine de secondes d'avance au dixième tour, ayant égalé son temps des essais. Manzon est alors en quatrième position (précédant de très peu les Ferrari de Simon, Taruffi et Farina et la Maserati de Bonetto) mais les deux autres Gordini officielles sont déjà écartées de la lutte en tête : Trintignant a abandonné après cinq tours, et Behra a été longuement retardé, également victime d'ennuis de moteur.
À ce rythme, González semble en mesure de se constituer un capital suffisant pour préserver sa position lors de son ravitaillement, et démontre le potentiel de la Maserati six cylindres. Toutefois, commençant à s'alléger, les Ferrari retrouvent leur équilibre et, si l'écart continue à augmenter, Ascari et Villoresi, roulant de concert, améliorent nettement leur cadence : après vingt tours leur retard est de vingt secondes. Malgré une attaque permanente (nouveau record au vingt-cinquième tour à plus de 179 km/h de moyenne), le pilote argentin ne parvient pas à prendre assez de marge sur ses poursuivants immédiats. Son coéquipier Bonetto est le premier à ravitailler, au trente-quatrième tour, chutant en septième position, laissant Manzon et Farina en découdre pour la quatrième place. Au trente-septième tour, le leader ravitaille à son tour, faisant également remplacer ses pneus arrière : l'opération lui coûte plus d'une minute. Lorsqu'il repart enfin, en cinquième position, González compte plus de cinquante-cinq secondes de retard sur Ascari, qui est parvenu à se détacher de Villoresi. Manzon est alors troisième derrière les deux Ferrari, mais il doit également ravitailler au tour suivant. Son arrêt est également très long, les bougies devant être remplacées, et le pilote français perd le bénéfice de son beau début de course.
À mi-distance, trois Ferrari sont donc en tête. Ascari compte près de six secondes d'avance sur Villoresi, Farina troisième comptant quarante-six secondes de retard. González est neuf secondes plus loin, mais réduit rapidement l'écart sur la troisième Ferrari. Bonetto, cinquième, est beaucoup plus loin, à près d'un tour de la voiture de tête. Au quarante-cinquième tour, González s'empare de la troisième place, et continue d'attaquer pour revenir sur les hommes de tête. S'il ne parvient pas à réduire l'écart sur Ascari qui a également adopté un rythme de qualification (tous deux vont établir le même temps record), il se rapproche de Villoresi qui paraît en difficulté. Ce dernier semble toutefois en mesure de conserver sa position, mais au soixante-deuxième tour il doit effectuer un bref arrêt au stand, qui permet au pilote argentin de s'assurer la seconde place. Inaccessible, Ascari remporte une sixième victoire consécutive, terminant avec plus d'une minute sur la Maserati de González, et plus de deux minutes sur ses coéquipiers Villoresi et Farina. Confirmant la compétitivité de la nouvelle Maserati, Bonetto termine cinquième, trente secondes devant la Ferrari d'usine de Simon.
Classements intermédiaires
Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, troisième, cinquième, dixième, vingtième, trentième, quarantième et soixantième tours[9].
La progression du meilleur tour en course reflète l'intensité de la lutte en tête, González ayant égalé son temps de qualification à son dixième passage[9], l'améliorant ensuite à plusieurs reprises.
Progression du record du tour
quatrième tour : José Froilán González en 2 min 08 s 2 (vitesse moyenne : 176,911 km/h)
dixième tour : José Froilán González en 2 min 07 s 6 (vitesse moyenne : 177,743 km/h)
vingt-cinquième tour : José Froilán González en 2 min 06 s 6 (vitesse moyenne : 179,147 km/h)
cinquante-sixième tour : Alberto Ascari en 2 min 06 s 1 (vitesse moyenne : 179,857 km/h)
attribution des points : 8, 6, 4, 3, 2 respectivement aux cinq premiers de chaque épreuve et 1 point supplémentaire pour le pilote ayant accompli le meilleur tour en course (signalé par un astérisque). Le point du record du tour est partagé entre Alberto Ascari et José Froilán González au Grand Prix d'Italie.
Seuls les quatre meilleurs résultats sont comptabilisés. Alberto Ascari doit donc décompter les neuf points acquis aux Pays-Bas et les huit points et demi acquis en Italie, totalisant trente-six points effectifs pour cinquante-trois points et demi marqués. De même, Giuseppe Farina doit décompter les trois points acquis en Italie, totalisant vingt-quatre points effectifs pour vingt-sept points marqués.
8e victoire en championnat du monde pour Alberto Ascari ;
6e victoire en championnat du monde pour Ferrari en tant que constructeur ;
6e victoire en championnat du monde pour Ferrari en tant que motoriste ;
unique apparition de Piero Dusio en championnat du monde (non qualifié) ;
unique apparition d’Alberto Crespo en championnat du monde (non qualifié) ;
unique apparition de l'écurie Cisitalia en championnat du monde. (non qualifié) ;
le système de chronométrage ne permet pas de départager Alberto Ascari et José Froilán González qui se partagent le point attribué pour le meilleur tour en course.
Notes et références
↑(en) Adriano Cimarosti, The complete History of Grand Prix Motor racing, Aurum Press Limited, , 504 p. (ISBN1-85410-500-0)
↑Alan Henry, Ferrari : Les monoplaces de Grand Prix, Editions ACLA, , 319 p. (ISBN2-86519-043-9)
↑ a et bChristian Huet, Gordini Un sorcier une équipe, Editions Christian Huet, , 485 p. (ISBN2-9500432-0-8)
↑L'année automobile 1953 - éditeur : Edita S.A., Lausanne
↑ abcdef et g(en) Mike Lawrence, Grand Prix Cars 1945-65, Motor racing Publications, , 264 p. (ISBN1-899870-39-3)
↑Chris Nixon, Mon Ami Mate, Éditions Rétroviseur, , 378 p. (ISBN2-84078-000-3)
↑(en) Bruce Jones, The complete Encyclopedia of Formula One, Colour Library Direct, , 647 p. (ISBN1-84100-064-7)
↑(en) Mike Lang, Grand Prix volume 1, Haynes Publishing Group, , 288 p. (ISBN0-85429-276-4)
↑ a et bEdmond Cohin, L'historique de la course automobile, Editions Larivière, , 882 p.