Un grand puits ou puits de siège, que l'on trouve parfois dans les châteaux, les anciennes villes fortifiées et les forteresses, est un puits généralement profond ou de grande capacité qui permettait de prélever de l'eau dans une nappe phréatique, en complément des citernes, afin de tenir un siège sans manquer d'eau. Il permettait également que l'ennemi ne puisse pas l'empoisonner, au contraire des sources extérieures aux fortifications. Ce type de puits était souvent la partie du château qui coûtait le plus cher à construire ; son coût pouvait atteindre la moitié du coût total du château et son creusement pouvait durer plusieurs années.[réf. nécessaire].
Construction
Ces puits sont de véritables prouesses techniques car il fallait descendre de plusieurs dizaines de mètres avant d'arriver à la nappe phréatique. Ils existent au moins depuis le Ve siècle. Leur construction n'a guère varié depuis le Moyen Âge d'après Eugène Viollet-le-Duc[1].
On opérait toujours lorsque l'eau était la plus basse, généralement en été. On construisait d'abord une cage d'écureuil où on installait un treuil avec une poulie. Selon la nature du sol, l'ingénieur faisait appel à des ouvriers spécialisés :
Le charpentier pour préparer les pleyons circulaires et les planches.
Le rocteur ou le marbrier creusait le roc ou le marbre avec son pic, ses coins, sa masse, son aiguille appelée aujourd'hui barre à mine qui dès la fin du XVIIe siècle sera utilisée avec de la poudre, sa pince, son burin pour les bords du puits non maçonné, encoches et becquets.
Le marneur creusait la marne ou l'argile avec pelle, pioche.
Les maçons et tailleurs de pierres qui se chargeaient des maçonneries pour les puits taillés dans des marnes, boucher des suintements et écoulements ou pour renforcer des roches instables.
Le puitier ou puisatier qui s'occupait des parties inondées du puits et, dans le cas des puits maçonnés, y installait le rouet.
Les aides qui s'occupaient à l'évacuation des gravats et des terres que l'on allait déposer aux endroits nécessitant des remblais avec des brouettes.
L'ingénieur supervisait le tout, prenant les décisions en cas d'imprévus[2].
Dans les puits carrés tournants, par exemple Kyffhäuser, on descendait à l'aide d'échelles.
Dans les puits ronds ou ovales, on disposait régulièrement des pleyons circulaires formés de deux morceaux de bois en forme de croissants semi-circulaires coincés en force. Cela permettait d'y caler des planches pour maintenir la maçonnerie le long du puits, à la manière d'un coffrage, dans le cas de terrains marneux et de cimenter les fissures dans le cas de puits creusés dans la roche. En appuyant le baquet dessus, ils permettaient de se reposer lors de la remontée des ouvriers. En effet, les hommes (2 hommes à la fois maximum) et les outils étaient descendus dans de grand baquets qui servaient également à remonter les gravats disposés dans des panières. Chaque puisatier était assuré à l'aide de lanières en cuir croisées qui entouraient la taille et d'une corde[3]. En cas de souci, il tirait sur la corde pour remonter. Le dernier pleyon circulaire était partiellement recouvert de planches pour faire un abri lors de la remontée des gravats et poser le baquet avec les outils[4],[5].
On ne connait pas encore toutes les techniques utilisées pour le creusement des puits; à Besançon, on pense qu'on a utilisé des barres à mines et des pioches[6].
La grande profondeur posait également, dans certains puits, un problème de ventilation; certains gaz lourds s'accumulant au fond, pouvant asphyxier les puisatiers; si la flamme de la bougie perdait sa vigueur, mieux valait se sauver et revoir la ventilation.
Pour amener l'air, on utilisait un ingénieux système de cheminée de ventilation en forme de U. On allumait un feu à une extrémité ce qui permettait de créer un courant d'air frais dans le puits. Un autre système consistait à placer un brasero sur une grille au fond du puits, avec un tuyau allant au dehors créant ainsi un courant d'air accentué par un soufflet; de temps en temps, on remuait l'air du fond du puits à l'aide de branchage[7].
Utilisation
Pour aller chercher l'eau dans des puits aussi profonds, il fallait des mécanismes astucieux:
Cage d'écureuil
Utilisée dès le XVe siècle, la cage d'écureuil mue par un homme ou un âne fut la plus souvent utilisée jusqu'au milieu du XIXe siècle.
On en voit un exemple à la citadelle de Besançon. Il s'agit d'une cage d'écureuil à crémaillère et deux seaux du XVIIe siècle. Un seau monte lorsque l'autre descend. Un homme courait dans la grande roue pour remonter l'eau. La crémaillère permettait que le seau plein ne retombe pas si l'on s'arrêtait de courir.
Au château de Ronneburg, la cage d'écureuil n'a qu'un seul seau mais il y a un contrepoids en pierre.
Treuil découplé avec un manège à chevaux
Il existait aussi des systèmes plus sophistiqués avec un treuil et un manège à chevaux.
Machine à vapeur
Dès le milieu du XIXe siècle, on voit apparaitre des systèmes de pompage à vapeur.
Système à piston
À la fin du XIXe siècle, on utilise des pistons plongeants.
Le plus profond grand puits du monde à la forteresse de Kyffhäuser.
Vue depuis l’intérieur du puits du château de Dilsberg.
Liste des grands puits les plus profonds
C'est à Brighton, plus exactement à Woodingdean en Angleterre, que se trouve le puits creusé à la main le plus profond du monde avec 1 298 pieds soit 392 m; il date du XIXe siècle et n'est pas un puits de siège ou grand puits.
Selon des sources historiques, existait au château de Regenstein, en Allemagne, un grand puits de 197 m de profondeur malheureusement entièrement écroulé et bouché. Il a donc été le grand puits le plus profond du monde. Mais c'est à la forteresse de Kyffhäuser que se trouve l'actuel plus grand puits du monde avec ses 176 m de profondeur.
Le grand puits le plus profond creusé en France fut celui du fort de Joux avec 411 pieds soit 147 m de profond. Après l'invasion autrichienne en 1815, il ne mesure déjà plus que 140 m[8].
C'est à la citadelle de Besançon que se situe l'actuel grand puits le plus profond de France avec ses 117,5 mètres.
Vauban le creusa sur une profondeur de 147 m. Il a été raccourci par une galerie horizontale et bouché à diverses époques, aujourd'hui il fait environ 100 m.
La profondeur n'est pas connue. Le grand puits s'est partiellement effondré et seuls quelquesmètres sont visibles. En 1736 l'élève Johann Christian du monastère Amelung Borneravec mesure 60 pieds (103 mètres)avec un fil à plomb sans en atteindre le fond[13].
Le grand puits fait aujourd'hui 56 m de profondeur. Entre 1990 et 2002 le puits a été fouillé; on y a trouvé 480 ans de vestiges dont une machine de levage des seaux[21].
Le puits a été dégagé entre 2011 et 2021 par des membres de l'Association bénévole de soutien du Château de Kirkel (Förderverein Kirkeler Burg) sous la direction de l'archéologue Christel Bernard. Une profondeur de 40,90 mètres a été atteinte en octobre 2021. La profondeur estimée du puits comporte plus de 60 m[23].
Liste des grands puits atteignant plus de 30 mètres dans des châteaux, forteresses, fermes fortifiées ou villes fortifiées.
Bibliographie
René Kill, L‘approvisionnement en eau des châteaux forts de montagne alsaciens. Publications du Centre de Recherches Archéologiques Médiévales de Saverne, Saverne 2012.
(de) Michaela Aufleger (Red.): Wasser auf Burgen im Mittelalter. von Zabern, Mainz 2007 (Geschichte der Wasserversorgung 7) (ISBN978-3-8053-3762-5).
(de) Axel W. Gleue: Wie kam das Wasser auf die Burg? Vom Brunnenbau auf Höhenburgen und Bergvesten. Verlag Schnell und Steiner, Regensburg 2008, (ISBN978-3-7954-2085-7).
(de) Nina Günster: Von Brunnen, Eseln und anderem: Wasserversorgung auf Höhenburgen am Beispiel des Karstgebietes Nördliche Frankenalb. Veröffentlichungen der Deutschen Burgenvereinigung, Reihe A, Band 16. Braubach 2013, (ISBN978-3-927558-37-3).
(de) Axel W. Gleue: Ohne Wasser keine Burg. Die Versorgung der Höhenburgen und der Bau der tiefen Brunnen. Verlag Schnell und Steiner, Regensburg 2014, (ISBN978-3-7954-2746-7).
Cet article est presque entièrement issu de l'article allemand « Burgbrunnen » (Grands puits)
↑(de) Jürgen Hagel: Der Brunnen der Siegesburg in dem Segeberger Kalkberg. In: Die Heimat. Monatsschrift des Vereins zur Pflege der Natur- und Landeskunde in Schleswig-Holstein und Hamburg Nr. 8 (62. Jg.), Neumünster 1955, S. 205–209.