Président de l'Assemblée nationale à partir de 1980, il devient ainsi chef de l’État à la mort de Félix Houphouët-Boigny, « père » de l’indépendance du pays, en 1993. Élu deux ans plus tard lors de l'élection présidentielle, il est renversé en 1999 par un coup d'État mené par le général Robert Guéï et s'exile en France jusqu'en 2001.
Il rompt son alliance avec Alassane Ouattara en 2018 et est investi par son parti au scrutin présidentiel de 2020. Il décide finalement de boycotter ce scrutin après la décision du président sortant de briguer un troisième mandat, ce qu’il considère comme illégal.
Après avoir été ambassadeur de la Côte d'Ivoire aux États-Unis (1961-1966)[4], Henri Konan Bédié revient au pays où il devient délégué aux Affaires économiques et financières (1966-1968), puis ministre de l’Économie et des Finances (1968-1977) et enfin président de l'Assemblée nationale (1980-1993) sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny.
Président de la République
Adoubé par le « Vieux » (le président Félix Houphouët-Boigny)[5], Henri Konan Bédié assure l’intérim de la présidence de la République, en tant que président de l’Assemblée nationale lorsque celui-ci meurt.
Décrit par Le Monde comme un « petit homme rond, aux yeux perçants, affichant en permanence un demi-sourire teinté d’ironie »[5], il est souvent considéré comme « impénétrable », ce qui lui a sans doute valu son surnom, le « sphinx de Daoukro »[5] (du nom de la ville du centre du pays, Daoukro, dont il est originaire).
Le 30 avril 1994, il devient président du PDCI-RDA[6].
Henri Konan Bédié ne jouit surtout pas du charisme et de l'aura de son prédécesseur et se retrouve rapidement accusé de répression politique et de corruption. Il utilise aussi l'idée de l'ivoirité, notion selon laquelle une personne ne serait vraiment ivoirienne, et donc pourrait se présenter à l'élection présidentielle, que si son père et sa mère sont d'origine ivoirienne. Ceci permet notamment d’écarter son principal rival, Alassane Ouattara, à l'élection présidentielle ivoirienne de 1995.
En 1995, il est élu avec 96,44 % des suffrages, tous les autres candidats, à l'exception de Francis Wodié (Parti ivoirien des travailleurs), ayant boycotté l'élection à cause de la réforme controversée du code électoral autour de la notion d'ivoirité.
Son mandat est marqué par une crise sociale majeure consécutive aux problèmes économiques que connait le pays depuis le début des années 1980 malgré des plans d'ajustement structurel et des réformes libérales effectuées de 1990 à 1993. Cette crise est amplifiée par les problèmes croissants de mauvaise gestion et de corruption. Si, économiquement, la Côte d'Ivoire montre des signes timides de reprise, les indicateurs de développement restent en berne tandis que la pauvreté, jadis limitée, augmente progressivement. Afin de relancer la croissance économique du pays, Henri Konan Bédié souhaite mettre en œuvre de vastes chantiers d'infrastructures, dont le projet de pont Riviera-Marcory.
En 1998, sur recommandation de la Banque mondiale, le gouvernement liquide l'entreprise nationale Énergie électrique de Côte d'Ivoire et transfert ses actifs à la Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE), une entreprise privée[7].
Le pays s'enfonce progressivement dans une crise politique à dimension ethnique, liée à l'application de l'ivoirité. La crédibilité du président et de l'ensemble de son administration, déjà perçue comme corrompue[8], est mise à mal lorsque éclate en l'affaire des 18 milliards de l'Union européenne[9]. Cette aide destinée à être investie dans du matériel médical au profit des hôpitaux ivoiriens a été détournée par différentes personnalités de l’État, dont le ministre de la Santé Maurice Kakou Guikahué[10]. Le Président et sa femme ont longtemps été suspectés d'avoir également participé ou joué un rôle dans ce détournement massif[réf. nécessaire][11], tandis que le gouvernement a promis de rembourser la somme détournée, correspondant à 38 % du total des fonds offerts[9],[10]. Cette affaire entraîne un remaniement ministériel avec le limogeage des personnes incriminées[12], mais aussi le désengagement de nombreux investisseurs et partenaires financiers dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
Une mutinerie dégénère en un coup d'État militaire le 24 décembre 1999 et le président Bédié doit quitter son palais en catastrophe à bord d’un hélicoptère de l’armée française[5]. Robert Guéï s'installe à la Présidence.
Président du PDCI et candidat à l'élection présidentielle de 2010
Après deux ans d'exil à Paris, Henri Konan Bédié rentre en Côte d'Ivoire en 2001 pour participer au Forum de réconciliation nationale.
Membre de droit du Conseil constitutionnel de Côte d'Ivoire, il est investi en 2006 par le PDCI-RDA pour être candidat à l'élection présidentielle, reportée à plusieurs reprises. Il est alors considéré comme le champion politique des Baoulés[13].
Le , il est candidat à l'élection présidentielle ivoirienne et obtient 25,2 % au premier tour[14], faisant de lui un « faiseur de roi » au second tour[13]. Après avoir exigé un recomptage des votes[15], il appelle finalement à voter Alassane Ouattara contre Laurent Gbagbo[16], ce qui s’avérera déterminant pour la victoire du premier.
En septembre 2014, il prononce un discours affirmant sa volonté de ne pas présenter de candidat à l'élection présidentielle de 2015 et de soutenir Alassane Ouattara dès le premier tour, un engagement rentré dans l'histoire sous le nom d'« appel de Daoukro ». Le soutien à Ouattara est approuvé par 98,84 % des militants du parti[17].
Rupture avec Ouattara et boycott de la présidentielle de 2020
Henri Konan Bédié rompt avec Alassane Ouattara en 2018 à la suite de plusieurs divergences, dont la principale serait le refus de ce dernier de céder à la revendication de Bédié de soutenir à son tour un candidat commun cette fois issu du PDCI[5],[18].
En juin 2020, il annonce se présenter à la candidature du PDCI en vue de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ; il est le seul candidat à cette investiture après l'abandon des différents autres candidats possibles[19],[20]. Il dépose sa candidature le 27 août suivant[21]. Le mois suivant, le PDCI l’investit comme candidat[22].
Le Monde Afrique présente alors Henri Konan Bédié comme le principal candidat de l’opposition[23]. L'ancien président confie son inquiétude sur les troubles qui menaceraient l'élection et affirme que « Alassane Ouattara viole la Constitution en se présentant pour un troisième mandat ». Il déclare par ailleurs qu'il aurait souhaité que Laurent Gbagbo puisse se présenter et attribue son élimination au « souhait du président Ouattara d’être le candidat unique de cette élection »[23].
Il appelle, fin septembre 2020, à la « désobéissance civile »[24]. Par la suite, il précise que ce mot d’ordre concerne plusieurs revendications : retrait de la candidature du président Alassane Ouattara, jugée « illégale » ; réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) et du Conseil constitutionnel ; audit des listes électorales ; retour au pays et libération des « prisonniers politiques », dont Laurent Gbagbo et Guillaume Soro[25]. En octobre, la CEDEAO appelle l'opposition à Alassane Ouattara à « reconsidérer sérieusement » les appels à la désobéissance civile[26].
L'opposition appelle au « boycott actif » de l'élection présidentielle et forme le Conseil national de transition, qui souhaite « un retour à la légalité constitutionnelle » et l'« organisation d'élections justes, transparentes et inclusives ». Présidé par Henri Konan Bédié, le CNT conteste en particulier le caractère constitutionnel de la candidature d’Alassane Ouattara. Début novembre, après le scrutin, qui est largement remporté par le président sortant, la résidence de Konan Bédié est encerclée par la police et des proches de celui-ci sont arrêtés[27],[28]. Le 11 novembre, Henri Konan Bédié et le président Ouattara se rencontrent au Golf Hôtel afin de « rétablir la confiance » entre le pouvoir et l'opposition. Le blocus de la résidence d'Henri Konan Bédié est levé[29]. Le 9 décembre, l’ancien président met fin au régime de transition annoncé par l’opposition[30].
Il est inhumé le dans son caveau familial situé sous l'église dans son village natal de Pepressou, près de Daoukro, dans l'intimité du cercle familial[34].
↑« Malgré ses atouts agricoles, la Côte d'Ivoire s'enfonce dans la crise sous le régime particulièrement corrompu du nouveau président. », « Coup d'État en Côte d'Ivoire », article d'herodote.net.
↑« Côte d’Ivoire : « l’appel de Daoukro » adopté dans un unanimisme brejnévien », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Fanny Pigeaud, « Côte d’Ivoire : lâché de toutes parts, le président Ouattara consent à quelques concessions », Mediapart, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Présidentielle en Côte d’Ivoire : investi candidat, Bédié dévoile son programme et attaque Ouattara », Jeune Afrique, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et b« Pour Henri Konan Bédié, la prochaine élection peut mener la Côte d’Ivoire vers « des troubles importants » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Vincent Duhem, « Côte d’Ivoire : « Terrorisme », « complot »… Ce que le procureur reproche aux opposants », Jeune Afrique, (lire en ligne).
↑Benjamin Roger et Vincent Duhem, « Côte d’Ivoire : arrêtés, relâchés, en résidence surveillée… Le point sur le sort des opposants », Jeune Afrique, (lire en ligne).
↑Vincent Duhem, « Côte d’Ivoire : entre Ouattara et Bédié, une rencontre pour « rétablir la confiance » », Jeune Afrique, (lire en ligne)
↑« Côte d’Ivoire : avec l’enterrement de l’ancien président Henri Konan Bédié, une page politique se tourne », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )