Élu à la présidence de la République du pays en 2013, il est réélu en 2018. Lors du coup d'État de 2020, dans un contexte d'un mouvement populaire, il est arrêté par une garnison de militaires, avec le Premier ministre, Boubou Cissé, et plusieurs hauts responsables politiques ; dans la foulée, il renonce au pouvoir sous la pression de l'armée.
Situation personnelle
Origines
Ibrahim Boubacar Keïta naît le 29 janvier 1945 à Koutiala. Son grand-père est mort lors de la bataille de Verdun[1].
Ibrahim Boubacar Keïta est marié à Keïta Aminata Maïga, et a quatre enfants[3]. Son fils Karim fut député et est le gendre d'Issaka Sidibé, ancien président de l'Assemblée nationale.
Carrière professionnelle
Après ses études, il est chargé de recherche au CNRS et enseigne les systèmes politiques du tiers monde au centre Pierre-Mendès-France, annexe de l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne[réf. nécessaire].
En , il devient ministre des Affaires étrangères, des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine.
Premier ministre
Quelques mois plus tard, le , le président Alpha Oumar Konaré le nomme Premier ministre. Il occupe cette fonction jusqu’en , et préside l’ADEMA-PASJ.
Comme Premier ministre, il ne s'oppose pas à la mise en œuvre des réformes dictées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Il est aussi amené à réprimer un mouvement étudiant[4].
À l’approche de l’élection présidentielle de 2002, il ne parvient pas à imposer sa candidature pour succéder à Alpha Oumar Konaré et il démissionne du poste de Premier ministre le , puis de la présidence du parti en . Il quitte alors l’Adéma-PASJ et part en semi-exil en Côte d’Ivoire, en Afrique du Sud, au Gabon jusqu'en 2002. Avec ses partisans il fonde le Rassemblement pour le Mali (RPM), formation qu’il préside depuis .
Élection présidentielle de 2002
Candidat à l’élection présidentielle de 2002, Ibrahim Boubacar Keïta obtient 21,0 % des suffrages exprimés, au premier tour. Il arrive en troisième position, derrière Amadou Toumani Touré (28,7 %) et Soumaïla Cissé (21,3 %). Alors que seules quelque 4 000 voix le sépare de Soumaïla Cissé, il conteste les résultats tout en apportant son soutien à Amadou Toumani Touré, qui est élu lors du second tour.
À l'issue des élections législatives, sa coalition obtient le plus de sièges, ce qui lui permet d’être élu président de l’Assemblée nationale[2].
Ibrahim Boubacar Keïta est investi par son parti candidat à l’élection présidentielle le . Il axe sa campagne sur une opposition au président sortant, Amadou Toumani Touré, et récuse le consensus comme mode de gouvernement. Au cours de la campagne, il accuse les partisans d’Amadou Toumani Touré d’utiliser les moyens de l’État pour la campagne de celui-ci.
Au premier tour, il obtient 19,2 % des voix, se plaçant ainsi en deuxième position, derrière Amadou Toumani Touré, qui est réélu avec 71,2 %[5]. Il réalise son meilleur score dans le district de Bamako, avec 38,5 % des voix[6]. Ibrahim Boubacar Keïta conteste ces résultats, accusant les partisans du président sortant de fraudes. Il rejoint ainsi les autres candidats de l’opposition, regroupés au sein du Front pour la démocratie et la république (FDR)[N 1]. La Cour constitutionnelle rejette finalement les requêtes déposées par ces candidats. Ibrahim Boubacar Keïta, au nom du FDR qu’il préside, tout en maintenant ses accusations de fraudes, prend acte de la décision de la Cour constitutionnelle et reconnaît Amadou Toumani Touré comme le président du Mali[5],[7].
L'élection présidentielle se tient finalement en 2013, après une guerre contre les djihadistes.
Le chérif de Nioro, en accord avec les autres leaders musulmans, appelle à voter ouvertement pour Ibrahim Boubacar Keïta et mobilise ses moyens humains et financiers, à travers Sabati 2012[10]. Ce soutien public des religieux à un candidat est une première dans l’histoire de la démocratie malienne[10].
Ibrahim Boubacar Keïta arrive en tête du premier tour. Au second tour, avant même la proclamation des résultats officiels, son adversaire, Soumaïla Cissé, reconnaît sa défaite. Les résultats lui accordent 77,6 % des voix contre 22,4 % pour Cissé[11].
Président de la République
Premier mandat
Investiture
Il prête serment le 4 septembre 2013 devant la Cour suprême[12].
Exercice de la fonction
Le , pour la première fois depuis le début de son mandat, Ibrahim Boubacar Keïta se rend à Kidal, contrôlée par les ex-rebelles de la CMA[13].
Il annonce sa candidature à un second mandat le [14]. Son bilan est, pour Le Figaro, « en demi-teinte ». Si en 2013, il bénéficiait de l'image de sauveur du Mali, en 2018, la paix qu'il avait promise n'est toujours pas arrivée, alors que des groupes armés et djihadistes continuent de sévir. La croissance économique est de 5 %, l'inflation basse, la situation budgétaire stable et la production de coton est repartie, mais le Mali souffre encore d'un chômage inquantifiable, d'une forte pauvreté et d'un système éducatif précaire, l'OCDE estimant qu'un tiers des jeunes sont illettrés. Sa présidence a également connu une importante instabilité gouvernementale (cinq Premiers ministres et sept remaniements en cinq ans) ainsi que des affaires de corruption et de népotisme[15],[1].
Bien que décrit comme attaché à la laïcité, il cultive aussi des liens avec le président du Haut Conseil islamique du Mali, Mahmoud Dicko, d’obédience wahhabite. Celui-ci finira néanmoins par se retourner contre lui[4].
Réélection en 2018
Au premier tour de l'élection présidentielle, Ibrahim Boubacar Keïta arrive en tête avec 41,4 % des voix, contre 17,8 % pour Soumaïla Cissé. Ces résultats officiels font l’objet d'une contestation pour fraudes de la part de 18 candidats du premier tour réunis lors d’une conférence de presse commune[16]. C'est la première fois qu'un président sortant se retrouve en ballotage pour un second tour dans l'histoire du Mali[17]. À l’issue du second tour, Ibrahim Boubacar Keïta est réélu avec 67,2 % des suffrages[18]. Si l'opposition conteste ces résultats, l’Union européenne, avec 90 observateurs dans 440 bureaux de vote, indique ne pas avoir constaté de fraude au second tour[19],[20].
Second mandat
Investiture et nouveau gouvernement
Il prête de nouveau serment le 4 septembre 2018 devant la Cour suprême[21]. Le 22 avril 2019, Ibrahim Boubacar Keïta nomme Boubou Cissé à la fonction de Premier ministre[22],[23].
Après plusieurs années de reports du scrutin, et malgré la pandémie de Covid-19 qui frappe le Mali, l'enlèvement du chef de file du principal parti d'opposition Soumaïla Cissé et de son équipe de campagne ainsi que de plusieurs agents électoraux et observateurs par un groupe djihadiste, et les menaces de représailles faites par des groupes terroristes envers les électeurs qui se rendaient aux urnes, Ibrahim Boubacar Keïta décide, contre l'avis de son opposition, de maintenir les élections législatives à la date 19 avril 2020[24],[25].
Crise politique de 2020
Les 5 et 19 juin 2020, à l'appel de l'imam Mahmoud Dicko, des dizaines de milliers de manifestants sortent dans les rues pour réclamer sa démission[26]. Cinq membres de la Cour constitutionnelle démissionnent[27]. Le 10 juillet, lors de la troisième journée de mobilisation, des heurts se produisent, provoquant plusieurs morts; des dirigeants de la coalition de l'opposition sont arrêtés puis relâchés[28]. Le président décide alors de dissoudre la Cour constitutionnelle[29]. La composition de la Cour constitutionnelle est intégralement renouvelée le 7 août[30]. Cependant, l'opposition n'est pas associée à cette décision[31].
Des manifestations ont aussi lieu chaque vendredi pour réclamer la démission du chef de l'État; elles s'ajoutent à une grève des enseignants, un appauvrissement du pays, à de sanglants conflits ethniques entre Peuls et Dogons et aux difficultés rencontrées par le pouvoir exécutif pour assurer son autorité sur l'ensemble du territoire[32].
Alors que la CEDEAO propose la démission de 31 députés dont l'élection est litigieuse[33], dont le président de l'Assemblée nationale, Moussa Timbiné[34], le président Keïta refuse de dissoudre l'Assemblée nationale[35].
La nuit suivant son arrestation, le président de la République, toujours détenu par l'armée et les putschistes dans le camp militaire de Kati, annonce, masque sur la bouche, la dissolution du parlement et du gouvernement, ainsi que sa démission de ses fonctions de chef de l'État[40],[41]. Au cours de cette allocution, retransmise en direct, il déclare notamment: « Si aujourd'hui il a plu à certains éléments de nos forces armées de conclure que cela devait se terminer par leur intervention, ai-je réellement le choix ? M'y soumettre, car je ne souhaite qu'aucun sang ne soit versé pour mon maintien aux affaires. C'est pourquoi je voudrais en ce moment précis, tout en remerciant le peuple malien de son accompagnement au long de ces longues années et la chaleur de son affection, vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions, à partir de ce moment »[42]. La foule célèbre alors le putsch sur la place de l'indépendance[43].
Dernières années et mort
Le , alors qu'une délégation de la CEDEAO se rend dans le pays pour tenter d'obtenir son retour au pouvoir, il décline une telle proposition[44]. Le chef de la délégation, l'ancien président nigérian Goodluck Jonathan, affirme que la démission d'IBK n'était pas contrainte[45]. Le , après des négociations avec la CEDEAO, la junte annonce avoir libéré Ibrahim Boubacar Keïta. Ce dernier reste cependant assigné à résidence avec un accès restreint à internet et aux réseau téléphoniques, et se voit privé de visites[46]. Au même moment, une source annonce que le député Karim Keïta, fils du président déchu, a quitté le pays depuis deux jours[47].
Il est hospitalisé le après avoir été victime d'un léger accident vasculaire cérébral[48]. Quatre jours plus tard, il se rend à Abou Dabi pour être soigné, la junte précisant que son séjour à l’étranger ne pourra excéder trois mois[49]. Le , Ibrahim Boubacar Keïta rentre à Bamako après son séjour médical aux Émirats arabes unis[50].
Il est alors en retrait de la vie politique, ne commentant plus l'actualité nationale ni ne dirigeant son parti[51]. Il se consacre alors à la littérature[51], mais se montre mutique avec ses visiteurs[52]. Il retourne par la suite à plusieurs reprises à Abou Dabi pour poursuivre son traitement[53], pour la dernière fois en pour soigner un cancer[51].
Ibrahim Boubacar Keïta meurt à Bamako le d'une crise cardiaque, à l'âge de 76 ans[54],[51],[55] .
↑Ainsi que le Front africain pour la mobilisation et l’action (Fama), le Rassemblement des démocrates républicains (RDR), le Rassemblement pour la justice au Mali (RJD), le Parti de la différence au Mali (PDM), le Parti socialiste et démocratique du Mali (PSDM), le Parti Sigikafo Oyédamouyé (PSO) et la Concertation démocratique.
↑« Le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, arrêté avec son premier ministre par des militaires en révolte », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑« Le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, arrêté avec son premier ministre par des militaires en révolte », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )