Début 1967, alors qu'il se rend à un dîner organisé par l'ancien responsable du Parti communiste françaisJean Baby et Georges Sadoul, il rencontre Jean-Luc Godard qui allait tourner La Chinoise. À propos de ce dîner, Gorin déclare « Le plus frappant est que Jean Baby, en vieux stalinien, s'adressait à Jean-Luc comme s'il allait tourner un film à la gloire des jeunes révolutionnaires, comme si c'était Eisenstein. Moi, je trouvais ça farcesque comme sujet, et je préférais lui parler de cinéma, de politique, d'un vrai cinéma politique. À la fin du dîner, il m'a dit "Faudrait qu'on se revoie..." C'est comme ça qu'on a commencé à se fréquenter »[2]. Il devient à partir de ce moment-là selon Antoine de Baecque la conscience de Godard, sa boussole politique : « J'étais exclusivement centré sur lui. Je me coltinais quelqu'un qui avait concentré en lui-même la mystique de l'auteur. Et je tenais sur cela un discours cinéphile critique tout en connaissant parfaitement ses films »[3].
Il travaille ensuite avec Godard pour le Groupe Dziga Vertov[1]. Il collabore notamment avec Godard sur le montage de Vent d'est[4], même si sa relation avec Anne Wiazemsky, la compagne de Godard à l'époque, était difficile[3].
À l'automne 1972, il ambitionne de tourner son propre film, L’Ailleurs immédiat. Le film reste inachevé ; c'est à ce moment-là que Godard et Gorin se brouillent définitivement[1],[5].
Gorin quitte la France en 1975 pour aller enseigner à l'université de Californie à San Diego sur l'invitation du peintre Manny Farber[1],[6]. Par la suite, Gorin est resté à la faculté des arts visuels, où il a enseigné l'histoire du cinéma et la critique cinématographique. Il a continué à réaliser des films, notamment une « tétralogie sud-californienne » de films d'arts et d'essai : Poto et Cabengo (1978), Routine Pleasures (1986), My Crasy Life (1991) et Letter to Peter (1992). Gorin décrit le concept de Poto et Cabengo, qui met en scène deux jumelles ayant inventé leur propre langue, en 1988 :
« The film is about an unstructured discourse—the language of the twins—surrounded by structured discourses—the discourse of the family, the discourse of the media, the discourse of therapy, the discourse of documentary filmmaking.... [The twins' language] erupts as a subversive act which has not been authorized by any social or ideological establishment. In a sense its special threat is that its "unauthorized" nature relativizes the arbitrary nature of those institutionalized discourses. The singsong of the twins reveals the shaky grounds of institutional power. It relativizes discursive authority from the family to the scientific community in their competitive and ineffectual attempts to "define" the twins who spontaneously flit about the screen exceeding any definition »
« Le film traite d'un discours non structuré - le langage des jumelles - entouré de discours structurés - le discours de la famille, le discours des médias, le discours de la thérapie, le discours de la réalisation de films documentaires.... [Le langage des jumelles] apparaît comme un acte subversif qui bouleverse l'ordre établi, que ce soit sur le plan social ou idéologique. En un sens, sa force perturbatrice réside dans le fait que sa nature « défendue » relativise la nature arbitraire de ces discours institutionnalisés. La langue des jumelles révèle les fondements fragiles du pouvoir institutionnel. Il relativise l'autorité discursive de la famille à la communauté scientifique dans leurs tentatives compétitives et inefficaces de « définir » les jumelles qui virevolte dans l'écran en dépassant toute définition »
En 2004, le festival International du film Entrevues à Belfort lui consacre une rétrospective.