Il épouse le Sophie Grégoire, animatrice de télévision, qui est également monitrice de yoga. Ils ont trois enfants : Xavier James Trudeau (né le ), Ella-Grace Margaret Trudeau (née le ) et Hadrien Grégoire Trudeau (né le ).
Le , il affronte le sénateur conservateur Patrick Brazeau, lors d'un combat de boxe caritatif contre le cancer[9]. Le combat est âprement disputé. Après un premier round en faveur de Brazeau, Trudeau domine les deux rounds suivants, assénant plusieurs coups au visage de son adversaire et provoquant des saignements. Trudeau l'emporte par arrêt de l'arbitre au troisième round[10]. Les paris donnaient pourtant Brazeau gagnant à trois contre un[11]. Un documentaire intitulé God Save Justin Trudeau relate le combat.
Le , Justin Trudeau annonce sur son compte Instagram sa séparation avec Sophie Grégoire à la suite d'une conversation réfléchie et difficile.
Carrière professionnelle
De retour au Canada, il travaille comme enseignant de français et d'art dramatique à la West Point Grey Academy(en) et à l'école secondaire Sir-Winston-Churchill à Vancouver[12]. En 2002, il revient s'établir à Montréal et entreprend des études d'ingénieur à l'École polytechnique de Montréal entre 2002 et 2003[13]. Il devient président du programme Katimavik en 2003 et travaille pour la station de radio CKAC en 2004. De 2005 à 2006, il est inscrit à une maîtrise en géographie environnementale à l'Université McGill[13].
Parcours politique
Débuts
Justin Trudeau fait son entrée sur la scène publique en , avec l'éloge funèbre qu'il prononce pour les funérailles de son père. Radio-Canada reçoit alors de si nombreuses demandes de retransmission que le doyen de la politique québécoise Claude Ryan suggère que l'on assiste peut-être à la première manifestation d'une dynastie[14].
Le , Trudeau est choisi par les militants du Parti libéral du Canada pour l'élection fédérale suivante comme candidat dans la circonscription de Papineau, dont l'électorat est l'un des plus diversifiés sur le plan socioculturel et l'un des plus pauvres au Canada[15]. Il emporte le siège en battant la députée sortante Vivian Barbot (Bloc québécois). Il est réélu en 2011, en 2015 et en 2019. En 2023, à la retraite du juge Russell Brown, il propose la nomination de l'honorable Mary T. Moreau au poste de juge de la Cour suprême du Canada[16].
À la suite du scandale Mike Duffy, qui met en évidence l'absence de contrôle des dépenses des sénateurs, il propose un plan selon lequel les dépenses des parlementaires seraient publiées chaque trimestre, et annonce le dépôt d'un projet de loi visant à ouvrir au public les débats du Bureau de régie interne de la Chambre des communes[18]. En , il dépose au Parlement un projet de loi prévoyant notamment de donner au commissaire à l'information le pouvoir d'ordonner au gouvernement de dévoiler des documents[19],[20].
Il prête serment et devient le 23epremier ministre du Canada le , succédant à Stephen Harper. Au printemps 2016, le magazine Time le classe parmi les cent personnalités les plus influentes du monde[21]. Six mois après son élection, le New York Times consacre un article à son extraordinaire popularité dans les médias sociaux, et rapproche son expertise en matière de médias de celle de Barack Obama et de John Kennedy[22].
Le cabinet ministériel de Justin Trudeau est assermenté le . Donnant suite à une promesse du Parti libéral, il nomme trente ministres en respectant la parité hommes-femmes, soit 15 femmes et 15 hommes (le cabinet du premier ministre Stephen Harper comptait douze femmes sur 39 ministres)[23]. C'est la première fois dans l'histoire du Canada qu'un cabinet ministériel fait une telle place à des membres des Premières Nations et à des femmes tout en leur confiant des postes importants[24]. Parmi les membres du cabinet, neuf sont capables de s'exprimer en anglais et en français, dont quatre Québécois ; Trudeau s'engage à ne pas exiger de ses ministres unilingues anglophones qu'ils suivent des cours de français[25]. Le jour de son assermentation, le magazine Forbes classe Justin Trudeau au 69e rang sur sa liste annuelle des personnes les plus influentes au monde[26].
Politique économique et sociale
À son arrivée à la tête du gouvernement, qui bénéficie de la politique de rigueur initiée par son prédécesseur, il promet d’augmenter les dépenses publiques, mais de revenir à l’équilibre budgétaire en 2019[27]. Le déficit s’élève ainsi à quelque 20 milliards de dollars chaque année à partir de 2016, une situation jugée tenable dans une période de croissance économique[27]. En 2019, le ministre des Finances constate l’échec de la promesse de retour à l’équilibre budgétaire, estimant qu'il faudra attendre « au moins 2040 » avant de le retrouver[27]. Il insiste sur le fait que les dépenses supplémentaires en infrastructures sont nécessaires pour assurer la croissance à long terme et que le chiffre à considérer n'est pas le déficit budgétaire, mais la proportion de la dette par rapport au produit intérieur brut[28].
Conformément à une promesse électorale, Trudeau met en place en 2016 une allocation pour les familles ayant des enfants de moins de 18 ans[29]. Le montant maximal annuel est de 6496 $ par enfant de moins de six ans et de 5481 $ par enfant de moins de 18 ans. Ces montants sont augmentés en 2018[30].
En 2019, le taux de chômage est tombé de façon continue, jusqu'à atteindre 5,4 % en juin, ce qui est le taux le plus bas enregistré au pays depuis 40 ans. La croissance de l'emploi est le signe que l'économie a rebondi substantiellement, et permet d'envisager un taux de croissance de 2 % pour l'année, bien au-dessus des prévisions initiales[31].
Régime canadien de soins dentaires
En 2022, le gouvernement Trudeau déclenche la mise en oeuvre du régime canadien de soins dentaires, comme le prévoit l'entente de soutien et de confiance avec le NPD. Au départ, le programme offre une couverture dentaire de 260 $ à 650 $ pour chaque enfant de moins de 12 ans aux familles n'ayant pas l'assurance privée et dont le revenu annuel est inférieur à 90 000 $[32]. Il est élargi aux mineurs, personnes âgées et personnes handicapées, soit environ neuf millions de Canadiens, à partir de [33]. Ceux dont le revenu annuel se situe entre 70 000 $ et 90 000 $ auront toutefois à payer une quote-part[34].
Régime fédéral d'assurance médicaments
Lors de la campagne électorale de 2019, Trudeau promet d'instaurer un régime universel d'assurance médicaments[35] en commençant par la création d'une nouvelle agence fédérale, l'Agence des médicaments du Canada[36]. Le nouvel organisme, qui remplace l'ancienne Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, est établi en 2024[37]. La même année, les libéraux déposent un projet de loi qui s'engage à une couverture préliminaire de contraceptifs et de médicaments contre le diabète[38].
Fédéralisme et question du Québec
Justin Trudeau se rallie en 2006, sous le gouvernement de Stephen Harper, à une forme de reconnaissance du Québec en acceptant la proposition du gouvernement Harper de reconnaître la nation québécoise comme « une nation au sein d'un Canada uni. » Cette position s'oppose à des épisodes antérieurs où il était plutôt contre la notion de société distincte[39]. En 2017, Justin Trudeau refuse l'invitation lancée par le gouvernement libéral du Québec et son premier ministrePhilippe Couillard de rouvrir la question constitutionnelle au Canada[40],[41],[42]. En 2018, il affirme que la présence d'un mouvement séparatiste dans un pays, en incluant le Canada, peut constituer un risque de violence[43].
Dans son approche du fédéralisme canadien, il affirme vouloir travailler avec les provinces dans un esprit de consultation et de cogestion. Il suggère principalement un fédéralisme de réconciliation et un retour à l’esprit fédéral. Les moyens qui devraient être utilisés pour promouvoir cette vision du fédéralisme sont selon lui la collaboration dans le respect des différences en vue d’atteindre des objectifs communs. Dans sa perspective fédérale, Justin Trudeau semble aussi vouloir tendre la main aux provinces et aux peuples autochtones. Enfin on peut également noter que l’approche fédérale de Justin Trudeau, dans un langage plus technique, s'oriente surtout autour d'une mixité où fédéralisme coopératif exécutif et fédéralisme coopératif axé sur les provinces se côtoient[44],[45],[46]. En , il évoque l'existence d'une nation québécoise[47].
Mais à l’issue de son mandat, les relations entre le gouvernement fédéral et plusieurs provinces sont fortement dégradées, notamment en raison de questions financières ainsi que de plusieurs projets d’infrastructures et environnementaux[27].
Premières Nations
Lors de sa nomination, Trudeau affiche son souhait d’améliorer les relations du gouvernement avec les autochtones. Lors d'une rencontre, en , avec des centaines de chefs et délégués des Premières Nations, il s'engage à faire la lumière sur les femmes disparues ou assassinées, à augmenter les dépenses en éducation et à mettre en œuvre les recommandations issues de la Commission de vérité et réconciliation du Canada[48]. En 2018, il promet un meilleur cadre légal afin de garantir le respect des droits des Autochtones, inscrits dans la Constitution du Canada[49],[50]. La Commission sur les femmes et filles autochtones disparues ou assassinées, mise en place en 2016[51], dépose son rapport final en . Celui-ci suscite des réactions variées dans le public, notamment en raison de l'emploi du terme « génocide »[52]. Il s’abstient cependant de signer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui précise que les États doivent consulter les peuples autochtones concernés par des projets ayant des incidences sur leurs terres et leurs ressources[53].
Fonctionnement de la Chambre
En 2015, il se déclare favorable à des votes libres des députés au Parlement, à un processus ouvert de nomination des candidats et à l'élimination de toute publicité gouvernementale à coloration partisane. Il se prononce contre un mode de scrutin proportionnel. Affirmant durant la campagne de 2015 que cette élection serait la dernière dans le mode de configuration uninominal à un tour s'il était élu, il abandonne toutefois en 2017 tout projet de réforme du mode d'élection de la Chambre des communes estimant qu'il ne se dégage pas de « consensus » autour de la question. Cette décision est critiquée comme une « trahison des électeurs » par Elizabeth May ou Rona Ambrose[54], qui estiment que le Parti libéral fait passer ses intérêts avant le bien commun.
Réforme du Sénat
Estimant que le Sénat est miné par les deux problèmes majeurs que sont le sectarisme et le favoritisme politique, il annonce en un plan de réforme en vertu duquel « seuls les députés élus de la Chambre des communes seront membres du caucus libéral national ». En conséquence, les 32 anciens sénateurs libéraux ne sont plus membres du caucus. Il s'engage également à « mettre en place un processus public, ouvert et transparent pour nommer et confirmer les sénateurs [et à] nommer seulement des sénateurs indépendants »[55].
Une fois au pouvoir, Trudeau n'a nommé au Sénat que des personnes recommandées par un comité consultatif indépendant auprès duquel tout citoyen canadien âgé d’au moins 30 ans et de moins de 75 ans peut déposer sa candidature[56]. En , sur 105 sénateurs, on compte un groupe de 54 indépendants, 31 conservateurs, 10 libéraux indépendants et 10 sans affiliation. Trudeau envisage des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada[57] afin que les ressources financières ne soient plus distribuées entre deux partis (celui du pouvoir et l'opposition) mais entre tous les groupes. Il vise ainsi à consolider sa réforme du sénat et à rendre un retour en arrière plus difficile[58].
Pour sa part, le chef conservateur, Andrew Scheer, entend renouer avec l'ancienne pratique de ne nommer que des partisans conservateurs. Selon l'historien John Ibbitson, ce serait là une erreur et un gâchis, car, dans l'ensemble, la réforme du Sénat a été bénéfique[59].
Questions de société
Immigration et accueil des réfugiés
Justin Trudeau s'engage en faveur de l'accueil des réfugiés. En 2015, il annonce vouloir accueillir 25 000 réfugiés syriens et met en place un programme gouvernemental de parrainage afin de faciliter leur intégration dans la société[60]. Au cours des trois années qui suivent, le Canada accepte en fait plus de 40 000 réfugiés[61],[62]. Plusieurs des nouveaux arrivants ont toutefois de la difficulté à se trouver un emploi[63].
Le gouvernement se donne pour objectif d’accueillir de façon annuelle 340 000 résidents permanents d'ici à 2020, avec une augmentation de 60 % pour l’immigration économique[64].
Il assouplit également les conditions d’accès à la nationalité canadienne et abroge la loi introduite par Stephen Harper sur la déchéance de citoyenneté des binationaux condamnés pour actes de terrorisme ou crimes contre l'intérêt national[65],[66].
Il défend le port du hidjab, qu'il considère comme un droit individuel. En , le port du hidjab est ainsi autorisé au sein de la police fédérale[67], tout comme l'est le port du turban pour les sikhs dans la Gendarmerie royale du Canada depuis 1990[68].
Depuis 2017, il est confronté aux grands flux migratoires du chemin Roxham.[69]
En , une enquête de Radio-Canada révèle que le gouvernement de Justin Trudeau a donné 30 fois plus d’argent au cabinet international de conseil en stratégie McKinsey & Company que lorsque les conservateurs étaient au pouvoir. Les sommes versées à McKinsey passent ainsi de 2,2 millions de dollars en neuf ans, sous Stephen Harper, à 66 millions de dollars en sept ans. Parfois, avec des contrats sans appel d’offres. Le cabinet-conseil jouerait notamment un rôle central dans les politiques d’immigration au pays. À l'automne 2022, Ottawa avait dévoilé un plan historique, avec l’objectif d’accueillir 500 000 nouveaux résidents permanents, chaque année, d’ici 2025 pour mettre l’accent sur la croissance économique[70]. Justin Trudeau et McKinsey & Company appuient tous deux Initiative du siècle, un groupe qui milite pour une hausse radicale du taux d'immigration au Canada afin que le pays atteigne une population de 100 millions en 2100[71],[72]. Le groupe Initiative du siècle ne jouit d'aucun support provincial ou local au pays. Ses critiques au Québec citent que l'idéologie « noierait » le Québec, anglicisant ses francophones, aggravant la crise du logement, et créant plus de disparité socio-économique[73],[74],[75].
En , néanmoins, il réinstaure les visas obligatoires pour les Mexicains[76]. En avril 2024, pour la première fois, Justin Trudeau remet en question les seuils d’immigration du Canada et leurs impacts sur l’économie. L’immigration temporaire a, en effet, explosé en quelques années. Elle est composée essentiellement de travailleurs étrangers et d’étudiants internationaux, et dans une proportion moindre, de réfugiés. Ensemble, ces derniers représentent 7,5 % de la population canadienne, soit plus du triple (2 %) qu’en 2017. L’immigration permanente et temporaire ont représenté 97,6 % de la croissance démographique nette en 2023. Trudeau estime alors que l’immigration temporaire a dépassé les capacités d’« absorption » du Canada. Il annonce son intention de réduire la proportion de résidents temporaires dans le pays, en la faisant passer de 6,2 % de la population générale à 5 % d’ici 2027[76].
En , Marc Miller, le ministre de l'Immigration canadien, informe que la promesse de Justin Trudeau d'un plan de régularisation massive de sans-papiers avant les prochaines élections ne serait pas tenue, les sondages montrant un changement sensible dans l'opinion publique concernant l'immigration après plusieurs années d'une politique considérée « comme très ouverte »[77].
Défenseur de la lutte anti-raciste et des droits LGBT
Il participe tous les ans depuis 2016 au défilé de la fierté gaie et revendique d'avoir accompli « des choses incroyables » pour la « communauté LGBTQ2 ». En , il a présenté « des excuses officielles (…) en reconnaissance de la discrimination institutionnelle pratiquée pendant des décennies au sein de diverses organisations gouvernementales canadiennes, notamment les Forces armées et la police, contre des membres de la communauté LGBT »[80].
En 2019, il présente ses profonds regrets et ses excuses à plusieurs reprises après la publication dans la presse de photos prises au cours de soirées lycéennes et étudiantes et où il apparaît grimé en noir[81]. Le , il rejoint une manifestation « Black Lives Matter » à Ottawa et s'agenouille pendant plus de huit minutes devant les manifestants et les caméras de télévision.
Pour plusieurs personnalités conservatrices comme Tom Leonard, du Daily Mail, Justin Trudeau a exploité chaque cause « woke » pour redorer son blason libéral[82]. Selon Denise Bombardier et Mathieu Bock-Côté, Justin Trudeau s'efforce d'incarner la « culture woke »[83],[84].
Euthanasie
Le , le gouvernement dépose le projet de loi C-14, qui autorise l'aide médicale à mourir pour les personnes qui remplissent « trois conditions : le demandeur devrait être atteint de problèmes de santé « graves et irrémédiables », éprouver des « souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition », et être en mesure d'offrir un consentement éclairé[85] ». Lors du vote à la Chambre, les députés libéraux n'ont pas de directive à suivre, à l'exception des membres du Cabinet. Les autres partis laissent la liberté de choix à leurs députés sur cette question[86]. La loi sur l'aide médicale à mourir est adoptée le [87].
Légalisation de la marijuana
Lors de la « journée internationale du cannabis », le , la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, annonce l’intention du Canada de déposer un projet de loi afin de légaliser et réglementer la marijuana à des fins « récréatives », notamment pour limiter le marché noir[88]. Ce projet de loi est déposé le et est finalement adopté le [89]. Il est prévu de mettre en place des programmes de prévention gérés par les provinces et que l'âge minimal de 18 ans puisse être augmenté selon chaque province. Le texte prévoit également que les citoyens puissent avoir quatre plants de 100 cm maximum en plus d'une possession légale de 30 g de cannabis en public[90].
Environnement
Accord de Paris sur le climat
En , quelques semaines après son élection, Justin Trudeau participe à la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques. Le , il se rend à New York afin de signer l'accord de Paris sur le climat, qui sera ratifié le , à la suite d’un vote du Parlement, et entrera en vigueur le [91]. À la conférence de Marrakech, en novembre, il soumet la stratégie du Canada en vue d'effectuer une transition vers une économie à faibles émissions[92] et rappelle que « son gouvernement s'est engagé à verser 2,65 milliards de dollars sur cinq ans pour aider certains pays à lutter contre les changements climatiques »[93].
En dépit de ces déclarations écologiques, il signe un projet visant l'exportation de gaz de schiste liquéfié à partir de Prince Rupert, pour une valeur de 36 milliards de dollars[94].
Le , il approuve deux projets d'oléoducs au départ de l'Alberta — Trans Mountain jusqu'à Vancouver et Enbridge Line 3(en) jusqu'au Lac Supérieur —, mais rejette celui du Northern Gateway[95]. En 2018, lorsque la société Kinder Morgan renonce à élargir la capacité de l'oléoduc Trans Mountain en raison des oppositions qu'elle rencontre, Trudeau annonce le rachat de ce pipeline par le gouvernement pour 4,5 milliards de dollars[96]. Cette décision surprend, car elle va à l'encontre de ses engagements en faveur de l'accord de Paris[97]. En , il relance les travaux d'agrandissement de cet oléoduc, une décision saluée par l'industrie pétrolière mais décriée par les écologistes. Une fois achevé, le projet pourrait générer environ 500 millions de dollars (environ 340 millions d'euros) de plus par année en recettes fiscales mais aussi entraîner une hausse de 15 millions de tonnes des émissions de gaz à effet de serre du Canada[98]. Au terme de ces quatre années, le Canada ne respecte pas son projet de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (baisse de 30 % d’ici à 2030), la différence entre les promesses et les résultats augmentant même chaque année[27].
En , le Parlement ratifie un projet de loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Andrew Scheer, chef du Parti conservateur, s'oppose à cette loi et, dans les mois qui suivent, base sa campagne électorale sur la promesse d'abolir cette « carbon tax »[99], en dépit du fait que cette mesure n'est pas une taxe car elle est neutre sur le plan fiscal comme le rappellent les analystes et les principaux journaux[100]. Plusieurs provinces s'adressent aux tribunaux pour faire déclarer la loi inconstitutionnelle.
Le , le gouvernement publie un projet de norme sur les combustibles propres, qui devrait déboucher, lors de sa mise en application, sur une exigence annuelle de réduction de l’intensité en carbone de la plupart des carburants[101], notamment en obligeant les raffineries canadiennes à produire dès 2022 une essence rejetant de 10 à 12 % moins de carbone[102]. Cette mesure est critiquée par le chef de l'opposition, Andrew Scheer, qui promet d'abroger cette « taxe secrète » s'il est élu, en plus de la « taxe carbone »[103].
En 2020, le gouvernement annonce l’abolition du processus d’évaluation environnementale pour les forages pétroliers dans une large zone maritime au large de Terre-Neuve, puis autorise quarante forages exploratoires dans ce secteur. Les subventions gouvernementales aux énergies fossiles (7,1 milliards d’euros par an en moyenne, en plus de l’argent consacré à Trans Mountain) ont légèrement augmenté par rapport aux années Harper[104].
En 2021, six ans après son entrée en fonction, le Canada affiche le pire bilan des pays du G7 en matière d'augmentation des émissions de gaz à effet de serre depuis l’Accord de Paris. Le Canada est alors le septième pays du monde en matière d’émissions de CO2 par habitant (15,5 tonnes par an), étant seulement dépassé par des petits pays comme le Qatar, le Koweït ou Brunei[104].
Autres enjeux
En , Santé Canada autorise l’élevage de saumons transgéniques[105]. Ces saumons, qui produisent plus d'hormone de croissance, grandissent deux fois plus rapidement qu'un saumon normal[106]. En 2017, le même ministère renouvelle pour une période de 15 ans l'autorisation de l'usage du glyphosate[107],[108].
Politique étrangère
États-Unis
Dès son entrée en fonction, le président Donald Trump annonce sa volonté de renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), affirmant que ce traité a été désastreux pour son pays. Les négociations commencent formellement le . Les principaux points en litige sont le système canadien de gestion de l'offre en matière de produits laitiers, le pourcentage de pièces importées dans l'industrie automobile, les salaires et les droits de négociation collective des travailleurs, la durée de protection de la propriété intellectuelle, les mécanismes de résolution de conflit, une clause de renégociation[109]. Après des pressions de toute sorte de la part du gouvernement américain, les parties arrivent à une entente le [110]. Le nouvel accord comprend d'importantes concessions : il octroie notamment aux États-Unis un droit de veto concernant les futures négociations commerciales entre le Canada et la Chine et leur permet d’appliquer d’importants droits de douane sur l’aluminium et l’acier[111]. Toutefois, la ratification est retardée en raison de différends persistants, notamment en matière de droits sur l'acier et l'aluminium[112]. En outre, le Parti démocrate, qui contrôle la Chambre des représentants des États-Unis, souhaiterait rouvrir l'entente, ce qui suscite un refus catégorique de la part du Canada[113].
En , au nom de la « sécurité nationale », le président Trump impose des droits de douane supplémentaires (tariffs) de 25 % sur l'acier et 10 % sur l'aluminium en provenance du Mexique et du Canada, ainsi que de l'Union européenne. Il veut notamment faire pression pour une prompte renégociation du traité de l'Alena et imposer une clause de renégociation tous les cinq ans[114]. Ces droits sont finalement levés le [115]. Cette décision est saluée par les analystes[116].
Les États-Unis et le Canada lancent en 2020 la construction de l’oléoduc Keystone XL. Ce projet controversé est soutenu par Justin Trudeau qui, sur la question pétrolière, semble plus proche de Donald Trump, selon le site Reporterre, que du Parti démocrate[117].
Chine
En 2016, Trudeau fait une première visite en Chine à l'occasion de la tenue du sommet du G20 à Hangzhou, où le public lui donne le surnom affectueux de « petite patate » (la prononciation de son nom de famille étant proche du mot mandarin pour «patate»)[118]. Il retourne en Chine en pour lancer des négociations sur un éventuel accord de libre-échange. Avant même de commencer les discussions, il déclare vouloir placer ces négociations dans un cadre plus large englobant l’environnement, les droits des travailleurs, l’égalité des sexes et la bonne gouvernance. Les négociations échouent cependant[119]. L'échec est attribué par certains analystes au manque de travaux préparatoires par l'ambassadeur canadien en Chine, John McCallum[120].
Le , Meng Wanzhou, directrice financière de la compagnie Huawei, est arrêtée à la demande des États-Unis alors qu'elle prenait un vol de correspondance à Vancouver[121]. Cette arrestation irrite les dirigeants chinois, qui réagissent en arrêtant les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor sous une accusation d'espionnage. La Chine bloque ensuite successivement, sous divers prétextes, les exportations canadiennes de semences de canola, de pois, de soja, de viande de porc et de viande de bœuf[122]. L'ambassadeur John McCallum est poussé à la démission pour avoir suggéré que les États-Unis utilisaient l’extraterritorialité comme une arme[111].
Arabie saoudite
En 2014, John Baird, ministre du gouvernement de Stephen Harper, avait conclu une entente avec l'Arabie saoudite portant sur la vente de plusieurs centaines de véhicules blindés légers, du type LAV 6, fabriqués par General Dynamics Land Systems à London ; ce contrat, négocié par la Corporation commerciale canadienne, pouvait atteindre un total de quinze milliards de dollars[123]. Lors de l'élection du gouvernement libéral, plusieurs voix se font entendre afin que ce contrat soit résilié en raison de la situation des droits de l'homme en Arabie saoudite, des guerres au Yémen et en Syrie. Le , le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, décide toutefois de respecter ce contrat militaire et signe le permis d'exportation[124]. Cette décision, en plus de contrevenir au cadre législatif canadien en matière de vente d'armes, ne respecte pas le traité sur le commerce des armes de l'ONU, que le gouvernement Harper avait refusé de signer. Elle contraste aussi avec une décision du Parlement européen réclamant un embargo sur les ventes d'armes à l'Arabie saoudite et avec le fait que le gouvernement allemand avait précédemment refusé d'autoriser une transaction similaire que voulait effectuer la compagnie Rheinmetall[123]. Enfin, il apparaît que la compagnie américaine General Dynamics se sert de sa filiale et d'un relâchement des règles canadiennes en matière d'exportation d'armes, autorisée par le gouvernement Harper, afin de contourner le contrôle du Congrès américain sur ce type d'exportations[123].
Le , Chrystia Freeland, ministre des Affaires étrangères, émet un tweet demandant à l'Arabie saoudite de libérer immédiatement deux activistes saoudiens défendant les droits de la personne. Ce tweet est repris en arabe par l'ambassade canadienne à Riyad. En réaction, le chef saoudien rappelle son ambassadeur à Ottawa[125]. Devant le refus de Justin Trudeau de s'excuser, le royaume bloque les achats de blé et d'orge canadien et rappelle ses 800 médecins résidents au Canada[126].
Justin Trudeau conduit une politique étrangère opposée à l'utilisation directe de la force militaire et favorable à une action dans le cadre de l'ONU et des casques bleus. L'une de ses premières décisions dans ce domaine est la fin des frappes canadiennes contre l'État islamique (EI) en Syrie et en Irak, déclarant souhaiter concentrer ses efforts dans la formation de troupes locales pour combattre les djihadistes[127].
Il juge les objectifs d’aide au développement fixés par les Nations unies (0,7 % du produit intérieur brut annuel) « trop ambitieux »[111]. Les chercheurs Matthew Gouett et Bridget Steele remarquent à ce sujet que « le discours du Canada sur le développement international (…) ne s’accompagne pas d’un réel engagement financier ciblé »[111].
Concernant les grands thèmes de politique internationale, Justin Trudeau s'inscrit dans la continuité de son prédécesseur Stephen Harper et épouse en grande partie la vision du président américain Donald Trump. Le gouvernement Trudeau a placé le Venezuela, la Syrie, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord tout en haut de sa liste de priorités, imitant — et soutenant — les initiatives de l’administration Trump : sommets, sanctions, pressions politiques et déploiement militaire. Le Canada a rejoint le groupe de Lima, qui rassemble les gouvernements américains résolus à renverser le gouvernement vénézuélien, et tenté d'écarter la Russie et la Chine des négociations concernant le Venezuela et la Corée du Nord (bien que ces deux pays possèdent un frontière commune avec Pyongyang)[111].
Sa politique internationale fait régulièrement l'objet de critiques et d'accusation d'amateurisme[27]. En matière de diplomatie, l'Université Carleton lui accorde en la note de C-[27]. En , il provoque un incident diplomatique lors d'un séjour en Inde en invitant un sikh séparatiste extrémiste à une réception ; il se voit également critiqué et moqué lorsqu'il revêt chaque jour une tenue traditionnelle indienne différente[27]. Il est aussi tenu partiellement pour responsable de l'échec de Michaëlle Jean à se voir reconduire à la fonction de secrétaire général de la Francophonie[27]. Pour le Toronto Star, l’administration Trudeau consacre un « retour des faucons libéraux », tandis que l’ancien diplomate Daryl Copeland estime que « la ministre des affaires étrangères Freeland (…) semble fascinée et en bonne partie aveuglée par le hard power ».
En 2019, son ancien conseiller Jocelyn Coulon déclare : « En 2015, Justin Trudeau a promis le retour du Canada sur la scène internationale. Non seulement cela ne s'est pas concrétisé, mais quatre ans après son élection, notre situation est très embarrassante. Le Canada se retrouve dans la situation exceptionnelle où il entretient des relations tendues sinon exécrables avec les quatre grandes puissances mondiales : les États-Unis, la Russie, la Chine et l'Inde. […] Il existe un aveuglement idéologique de la part de dirigeants canadiens qui font de l'imposition des principes libéraux au reste du monde une véritable croisade »[27].
Élections fédérales de 2019
Le , son parti remporte les élections fédérales avec 157 sièges, ce qui lui donne un gouvernement minoritaire considéré comme « fort »[128], vu qu'il ne lui manque que 13 sièges pour avoir la majorité au parlement et que divers scénarios d'alliances lui sont favorables, à moins d'une coalition des trois autres principaux partis contre lui[129]. Il a obtenu 33 % du vote populaire, contre 34,4 % pour les conservateurs (121 sièges), 15,9 % pour le NPD (24 sièges), 7,7 % pour le bloc québécois (32 sièges) et 6,5 % pour les verts (3 sièges).
Élections fédérales de 2021
Le , il annonce la tenue d'élections anticipées pour le [130]. Alors que le but du premier ministre était de renforcer sa majorité (sa directrice de campagne Mélanie Joly déclarant notamment à la veille du scrutin « On veut avoir les deux mains sur le volant »[131]), son camp s'impose finalement sur le fil, n'atteignant pas la majorité de 170 sièges, ce qui le contraint à former un gouvernement minoritaire comme dans la législature précédente[131].
Mouvement des camionneurs
En , de nombreux camionneurs canadiens organisent un « convoi de la liberté » pour dénoncer les contraintes sanitaires de la lutte contre le Covid-19, et ils bloquent le centre d'Ottawa. Justin Trudeau recourt finalement à une loi d'exception pour mettre fin au blocage, loi qui autorise la saisie des comptes bancaires des protestataires[132],[133].
En , Trudeau est accusé d'avoir fait pression sur la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, pour mettre un terme aux poursuites contre le groupe SNC-Lavalin, impliqué dans des scandales de corruption[134]. En raison de ce scandale, Gerald Butts, principal conseiller du premier ministre démissionne, suivi par Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott, ministre du Budget, qui explique ne plus avoir confiance en Trudeau[135].
Hommage à Fidel Castro
À l’occasion de la mort de Fidel Castro, en , Justin Trudeau diffuse un communiqué dans lequel il rend hommage à l'ex-chef d'État cubaincommuniste[136], ami de son père Pierre Elliott Trudeau. Les termes de cette déclaration provoquent de vives réactions politiques[137] et sur les réseaux sociaux[138].
Contrat attribué à We Charity
À l’été 2020, Justin Trudeau est à nouveau l’objet d'une polémique sur son éthique, lorsqu’il est révélé qu’il a contribué à l’attribution d’un important contrat gouvernemental à une association qui a rémunéré son épouse, sa mère et son frère pour quelque 300 000 dollars. Ceux-ci nient les faits avant que l’ONG en cause, WE Charity (UNIS, en français), ne les reconnaisse[139]. L'opposition réclame alors l’ouverture d'une enquête pour fraude.
Le marque la toute première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, une journée créée par le gouvernement Trudeau à la suite de la découverte des restes de 215 enfants à Kamloops[142]. Cette journée vise à rendre hommage aux enfants disparus et aux survivants des pensionnats, à leurs familles et leurs communautés[143]. Trudeau en profite pour prendre des vacances en famille à Tofino, dans une luxueuse maison. Son absence à cet évènement crée de vives réactions de la part des partis d'opposition et de plusieurs chefs autochtones[144].
Hommage à Yaroslav Hunka
Le , à l'occasion de la visite officielle du président ukrainien Zelensky, en pleine guerre russo-ukrainienne, Justin Trudeau applaudit avec Zelensky et la Chambre des communes un homme de 98 ans présenté comme un combattant pour l'indépendance de l'Ukraine contre la Russie, Yaroslav Hunka. Il s'avère bientôt que cet homme a appartenu à la 14e division SS Galicie. Trudeau présente ses excuses pour « cette terrible erreur »[145] tout en rejetant la faute sur le président de la Chambre, Anthony Rota, qui doit démissionner[146].
Autres controverses
Début , CBC ressort une ancienne histoire d'inconduite sexuelle(en) sur une journaliste œuvrant dans un journal national[147]. Dix-huit ans plus tard, Justin Trudeau déclare qu'il se rappelle très bien le voyage en question, mais qu'il n'a aucun souvenir d'avoir eu une « interaction négative » avec qui que ce soit cette journée-là[148]. Interrogé en par une journaliste de CBC, dans une entrevue télévisée, Justin Trudeau déclare qu'il n'existe aucun contexte qui pourrait exonérer une personne de sa responsabilité face à des gestes posés dans le passé[149].
En , Time fait paraître deux photos de jeunesse de Trudeau dans lesquelles il arbore respectivement un brownface et un blackface, tandis que Global News publie une vidéo dans laquelle il est aussi grimé en noir. Trudeau présente ses excuses pour ce qu'il présente comme des erreurs de jeunesse[150]. Le dirigeant conservateurAndrew Scheer affirme que son équipe de campagne a envoyé la vidéo à Global News[151].
↑Mathieu Bock-Côté, « Justin Trudeau et le rêve canadien », Conflits, no 11, oct.-décembre 2016, p. 16-19 ; « Son père est certainement la figure politique canadienne la plus importante de la deuxième moitié du XXe siècle ».
↑Paul Guyonnet, « Une troisième "blackface" de Justin Trudeau dévoilée par la presse », Huffington Post, (lire en ligne)
↑(en) Tom Leonard, « 'Blackface' disgrace of the world's most right-on leader: Canada's Justin Trudeau has exploited every 'woke' cause to burnish his liberal credentials - then these pictures emerged from his past. So, asks TOM LEONARD, how can he survive? », Daily Mail on line, (lire en ligne)
↑Denise Bombardier, « Justin Trudeau: bla, bla, bla… », Le Journal de Montréal, (lire en ligne)
↑Mathieu Bock-Côté, La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Paris, Presses de la Cité, , 239 p. (ISBN978-2-258-19609-4), p. 69-70