Elle a une fille, Jeanne, ainsi que deux petits enfants: Elie Ruderman et Gabriel Ruderman, plus connu sous le nom d'Edi Rudo[6], magicien et mime[réf. nécessaire].
Carrière
Sa thèse intitulée Fellahs tunisiens : l’économie rurale et la vie des campagnes aux XVIIIe et XIXe siècles (thèse soutenue en 1973, publiée en 1977), relève de l’histoire économique et sociale telle qu’elles se pratique alors. Elle innove néanmoins car les outils de l’histoire économique et sociale des sociétés d’Ancien régime n’ayant pas de pertinence dans le cas du Maghreb, elle fait un pas de côté et part fréquenter l’anthropologie, anglo-saxonne ou autre, d’Ernest Gellner, Evans-Pritchard, Raymond Firth, à Chaianov ou Karl Polanyi, inaugurant ainsi l’histoire anthropologique qui fut la marque de sa génération. Elle introduit aussi, dans l’analyse des faits sociaux, une dimension comparatiste qu’elle place sous le label « Jamais l’un sans l’autre ».
Accueillie aux Annales, dont elle assure le secrétariat de rédaction entre 1978 et 1984, elle contribue à inscrire les mondes non européens dans l’horizon des historiens. Non seulement ils pouvaient être soumis aux mêmes protocoles de recherche que les espaces classiques de l’historiographie - la Grèce et Rome pour l’histoire ancienne, l’Europe chrétienne pour le Moyen-âge, l’Europe encore pour l’histoire moderne et contemporaine, toutes divisions qui ordonnaient les programmes de la licence d’histoire puis des concours -, mais ces mondes éloignés pouvaient être les lieux d’invention d’autres méthodes de recherche, et d’importation d’autres paradigmes. Sa position d’historienne à la frontière entre deux espaces, le parti pris comparatiste, apportent un autre éclairage sur le matériel empirique. Ils font surgir des aspects que l’approche monographique aurait manqués, et enrichissent l’interprétation des données rassemblées.
Les études juives, qui occupaient encore une place discrète dans les universités françaises et dans l’édition connaissent une véritable flambée à la fin des années 1970, avec des travaux plus « laïques », œuvres d’ethnologues, de sociologues, d’historiennes ou de linguistes et spécialistes de littérature. Lucette Valensi apporte sa contribution à ce mouvement.
Lucette Valensi ne se considère pas pour autant spécialiste de l’histoire des juifs et du judaïsme. Son terrain de recherche et d’enseignement a toujours été l’Islam méditerranéen. Et dans ce cadre, c’est plus largement sur les minorités et non pas seulement sur les juifs qu’elle a conduit et dirigé des recherches. Dans les sociétés pluri-ethniques et pluri-religieuses du Moyen Orient et de la Turquie, les juifs formaient en effet la minorité la moins nombreuse. Coptes, arméniens, grecs, chiites, étaient infiniment plus nombreux et aussi dynamiques que les juifs. Lucette Valensi plaide pour que l’on rompe avec l’histoire larmoyante - « lachrymose » selon l’expression du grand historien Salo Baron (1954) : que l’on cesse de voir l’histoire des juifs comme celle d’une constante oppression. Sans nier l’histoire singulière de chaque groupe, se libérer du chacun pour soi, de l’histoire auto-centrée qui privilégie l’étude des relations verticales entre majorité et minorité (ou entre autorités religieuses et politiques et minoritaires) et s’engager dans la comparaison entre les différents groupes : celles-ci révèleront sans doute plus d’analogies que de contrastes. Elles feront mieux voir les lieux et les formes de convivialité, ou à l’inverse, de compétition, de conflits et d’exclusion réciproque.
Publications
Le Maghreb avant la prise d'Alger, Paris, Flammarion, 1969[7]
Fellahs tunisiens: l'économie rurale et la vie des campagnes aux 18e et 19e siècles, Paris, Mouton, 1977[8]
On the Eve of Colonialism: North Africa Before the French Conquest, Londres, Africa publications, 1982
The Last Arab Jews. The communities of Djerba, Tunisia, Harmond Academic Publishers, 1984 ("Les Derniers juifs arabes"), traduit sous le titre Juifs en terre d'Islam. Les communautés de Djerba, Editions des Archives contemporaines, 1985, en collaboration avec Abraham Udovitch[9].
Un siècle de céramique d’art en Tunisie. Les fils de J. Chemla (avec Jacques Chemla, Monique Goffard), Paris-Tunis, Editions de l’éclat-Editions Demeter, 2015 (Nouvelle édition 2021)
Juifs et musulmans en Algérie, Paris, Tallandier, 2016
Juifs de Djerba. Regards sur une communauté millénaire, (avec Abraham Udovitch), Photographies de Jacques Pérez, Paris-Tunis, Editions de l’éclat-Editions Demeter, 2022.
↑André Miquel, « L. Valensi, Le Maghreb avant la prise d'Alger », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 25, no 3, , p. 758-759 (lire en ligne)
↑Mohamed Arkoun, « Lucette Valensi,Fellahs tunisiens : l'économie rurale et la vie des cam pagnes aux XVIIIe et XIXe siècles », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 34, no 3, , p. 626-629 (lire en ligne)
↑Martine Cohen, « Valensi (Lucette) Wachtel (Nathan) Mémoires juives », Archives de sciences sociales des religions, vol. 65, no 2, , p. 308-309 (lire en ligne)
↑Sebti Abdelahad, « Lucette Valensi, Fables de la mémoire. La glorieuse bataille des Trois Rois », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 50, no 5, , p. 1279-1283 (lire en ligne)
Thomas Wieder, « Lucette Valensi : sur les traces de l'insaisissable Mardochée Naggiar », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
Julie Clarini, « Lucette Valensi : “Du Maroc à l'Inde, les discours enflammés contre le monde occidental n'ont jamais été aussi répandus” », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
Daniel Bernoud, « Lucette Valensi, la fille de Tunis », L'Histoire, no 379, , p. 16 (lire en ligne, consulté le ).