La méthanogenèse est un ensemble de voies métaboliques produisant du méthane chez certains microorganismes, qualifiés de méthanogènes. De tels microorganismes n'ont été identifiés qu'au sein du domaine des archées, un groupe de procaryotes distincts des bactéries et des eucaryotes d'un point de vue phylogénétique, bien que de nombreuses archées vivent étroitement associées à des bactéries anaérobies. La production de méthane est une manifestation importante et très répandue du métabolisme microbien. C'est bien souvent la dernière étape de la décomposition de la biomasse, participant ainsi au processus plus général de méthanisation.
Certaines études réalisées au début du 21e siècle indiqueraient que les feuilles des plantes vivantes produiraient elles aussi du méthane[1], tandis que d'autres recherches établiraient plutôt que les plantes rejetteraient par les feuilles du méthane absorbé au niveau des racines[2]. Il se peut que des processus inconnus produisent du méthane chez les végétaux, mais ceci n'est en aucun cas attesté.
On peut diviser les organismes méthanogènes en trois classes en fonction de leur substrat : les hydrogénotrophes, les méthylotrophes et les acétotrophes[4].
Cette voie de synthèse fait intervenir successivement plusieurs enzymes, coenzymes et cofacteurs en sept étapes majeures en utilisant le dihydrogène comme donneur d'électrons principal, la plupart des méthanogènes hydrogénotrophes pouvant également utiliser le formate comme donneur d'électrons[4].
Cette voie de synthèse fait intervenir successivement plusieurs enzymes, coenzymes et cofacteurs en quatre étapes majeures[4].
Un groupe acétyle est transféré sur la coenzyme A à partir d'une molécule d'acétate pour former l'acétyl-coenzyme A. Ceci peut se faire de deux manières[6] :
Le composé disulfure est ensuite réduit à l'aide de la coenzyme F420 pour régénérer les deux thiols.
Risques d'inhibition de la méthanogenèse
Une température trop basse ou trop élevée peut inhiber ce processus.
Les microbes responsables de la méthanogénèse sont également vulnérables à certains inhibiteurs, dont : certains antibiotiques ou biocides, cations, métaux lourds, sulfates, ammoniaque et acides gras volatils (dont les effets sont encore cependant controversés : certains auteurs (Aguilar et al., 1995) estiment qu'il faudrait 10 g/L de chaque acide pour avoir une inhibition significative[7] mais selon d'autres comme Yuen et al. (1995) estiment que dès 3 g/L d’AGV la méthanogénèse peut être inhibée[8]. On s'accorde néanmoins sur l'importance du suivi de ce paramètre lors de la dégradation anaérobie pour la stabilité du processus (Bolzonella et al., 2003) et sur le fait qu'en cas d'inhibition de la méthanisation les AGV s’accumulent[9],[10].
Valorisation industrielle
La méthanation qui cherche notamment à catalytiquement « reconvertir » du CO2 anthropique en méthane exploitable s'avère plus complexe qu'on ne le pensait mais elle progresse.
Parallèlement la R&D universitaire et industrielle explorent des voies plus biotechnologiques, dites de « catalyse microbienne »[11] ou biométhanation[12]. D'une manière plus ou moins biomimétique, la biométhanation industrielle cherche à s'inspirer des processus commun dans certains milieux naturels où certaines archées (groupe de procaryotes aujourd'hui distinct de celui des bactéries) utilisent le dioxyde de carbone et le dihydrogène abondants dans leur environnement pour produire du méthane (il s'agit d'une méthanogénèse naturelle, dont la première étape consiste à réduire le CO2)[13]. La plus grande partie du méthane terrestre est produit de cette manière[13]. Les électrons produits par oxydation du dihydrogène ne sont pas naturellement assez énergétiques pour spontanément réduire le CO2, mais au cours de l'évolution, certains groupes d'archées ont appris à utiliser des complexes métalloenzymatiques (Méthyl-coenzyme M réductase et coenzyme B) pour produire CoM-S-S-CoB et du méthane en dynamisant la moitié des électrons dérivés du H2 (au détriment de l'autre moitié)[13]. Wagner et al. ont montré (en 2017 dans le Journal Science) comment chez certaines archées les électrons reçoivent la poussée d'énergie nécessaire : grâce à la structure cristalline du complexe metalloenzymatique qui contient une chaîne de transfert d'électrons en forme de T, qui divise le flux d'électrons d'un seul donneur vers deux accepteurs (un accepteur doit se lier à une paire de nouveaux groupes fer-soufre à réduire)[13],[14].
Pour des usages locaux, dans les pays en développement notamment, on cherche à produire des bioréacteurs rustiques de conception et entretien simple[15]. Un prototype récent associe deux bioréacteurs solides montés en série reliés par un système d'alimentation et de recirculation[15]. Il a pu produire jusqu'à 6,35l de méthane par litre de réacteur (pour un débit d'hydrogène de 25,2 l/l de réacteur), avec une source nutritive simple (déchets organiques liquides), et acceptant un milieu de culture simple (vermiculite et grains de perlite dans l'expérimentation) ; le taux de conversion pour l'hydrogène a été de 100 %, mais le fonctionnement de ce type de réacteur reste instable et doit être amélioré[15].
Le principe du lit fluidisé a été aussi été testé (en Allemagne en 2015-2017) pour une culture anaérobie d'archées thermophiles afin obtenir un réacteur de biométhanation à haute performance non pressurisé[16]. Le prototype (d'une contenance de 58,1 litres) a pu produire 5.4 m3 de CH4/(m3·d) avec plus de 98 % de conversion en CH4. Il a aussi montré l'importance du contrôle du pH, des nutriments pour une stabilité de la production. Dans ce cas l'inoculum original était mésophile, et il s'est rapidement adapté aux conditions thermophiles du réacteur dit ATBR (pour « anaerobic trickle bed reactor »). Le fonctionnement du réacteur s'est montré sensible au phénomène de dilution par l'eau métabolique produite par la communauté microbienne. Ce type de réacteur peut être ensemencé (inoculé) simplement par des boues digérées : leur biodiversité intrinsèque les rendent capables de fournir une population microbienne qui va bien et rapidement s'adapter aux conditions thermophiles du réacteur. Dans ce cas les auteurs n'ont jamais observé de biofilm macroscopique en conditions thermophiles (même après 313 jours d'opération). Ils concluent que cette technologie est « très efficace » et a un « potentiel élevé d'utilisation comme moyen de conversion et de stockage de l'énergie ».
Un nouveau type de réacteur à flux continu a aussi été récemment (publication 2017) prototypé et testé : il contient un biofilm microbien anaérobie mésophile mixte. Le temps de séjour y est lent mais le système est simple. Dans les 82 jours après mise en route des tests, des rendements de conversion (du CO2 en CH4) de 99 % et de 90 % ont été atteints pour des débits de gaz totaux qui étaient respectivement de 100 et 150 v/v/j. Pour un débit d'entrée de gaz de 230 V/V/J, les vitesses d'évolution du méthane ont atteint 40 V/V/J (record à ce jour pour « une biométhanation par biofilm fixe », avec peu de sources de consommation "parasite" d'énergie grâce à un nouveau concept d'écoulement par bouchons faisant alterner des phases liquides (avec nutriment), solides (croissance du biofilm) et gazeuses (absorption du CO2) très différente du réacteur CSTR qui nécessite en outre un refroidissement constant et important). Ce travail a aussi été l'occasion d'inventer un type de réacteur qui pourrait avoir d'autres usages biotechnologiques connexes[17].
En 2017 on cherche à encore améliorer l'efficience énergétique de ces voies nouvelles de biométhanation[18], qui pourrait par exemple être intégrée au processus d'épuration des eaux usées[19].
Notes et références
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Bibliographie
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