Les massacres de Signes sont des épisodes de la Résistance en France pendant la Seconde Guerre mondiale, au cours desquels trente-sept résistants français et un officier américain sont fusillés par l'armée allemande, les et à Signes, dans le Var. Le charnier de Signes est découvert en septembre 1944 dans un vallon entre Le Camp et Signes. Il est depuis un lieu de mémoire.
Déroulement des exécutions
Ces résistants sont principalement de Marseille mais aussi des Basses-Alpes (aujourd'hui Alpes-de-Haute-Provence), pour la plupart membres du comité départemental de libération (capturés le lors du guet-apens d'Oraison) ou du Var, la plupart responsables régionaux. Ils ont été arrêtés, puis emprisonnés et horriblement torturés au 425 rue Paradis, siège de la Sipo-SD (Gestapo) de Marseille, avant d'être amenés dans ce vallon, devenu le Vallon des Martyrs. Après un simulacre de jugement, ils sont fusillés, vingt-neuf le et enfouis sur place, et neuf le . Les corps sont ramenés plus tard à Marseille et inhumés au cimetière Saint-Pierre.
Découverte du charnier de Signes
Témoignages
L'existence du charnier a pu être connue par plusieurs sources :
les révélations que Ernest Quirot (Max Landry dans la Résistance)[1], le seul rescapé de Signes, confie aux membres du Groupe Franc qui l'avait fait évader de l'hôpital Salvator le , révélations qu'il confirme dans sa déclaration à la police du de la même année, à la suite de la commission rogatoire délivrée par le juge d’instruction Bouquier du tribunal de Marseille ;
le témoignage du jeune bûcheron de Cuges-les-Pins, Maurice Percivalle, qui se trouve dans les parages du lieu du drame le . Avant d'être chassé par un soldat allemand, il a aperçu les résistants, certains grièvement blessés, creuser en chantant la Marseillaise la fosse destinée à les enterrer. Terrorisé par ce qu'il a vu, il garde d'abord le silence puis a, avec la Libération, le courage de parler et de mener les enquêteurs jusqu'à l'endroit exact du charnier.
les deux rapports secrets de la SIPO-SD de Marseille signés par Ernst Dunker et retrouvés après la Libération : le rapport Catilina[2] du qui mentionne le nom d'un résistant exécuté à Signes et le rapport Antoine[3] du qui en cite 24 autres. On apprend dans ces rapports que les arrestations des 25 résistants sont la conséquence de la trahison de Maurice Seignon de Possel-Deydier, alias Noël dans la Résistance, devenu l'agent Érick dans la Gestapo[4]. Albert Chabanon aurait été, comme Ernest Quirot, victime d'un piège tendu par Edward Desdemaines, alias Hugon[5].
Reconnaissance des corps
Ce sont des prisonniers allemands regroupés au Camp du Coulin (Gémenos) qui sont contraints de déterrer les cadavres sous la surveillance des FFI. Les médecins légistes commis aux fins d'autopsie concluent à un abominable carnage. Deux des victimes ont reçu des balles dans la tête mais, enterrés encore vivants, leur mort est due à l'asphyxie. Trois sont morts par fracture du crâne, consécutive à un enfoncement par un instrument contondant ; un mort par strangulation. Un a reçu une balle dans la nuque. Un a reçu une balle dans le dos. Cinq ont été tués par des balles tirées dans la tête, mais de face ; vingt-cinq dont la mort a été provoquée par éclatement du crâne (Hypothèse : rafale de mitraillette à bout portant tirée sur le côté droit de la tête, qui a provoqué un éclatement du crâne). La reconnaissance des corps fut rendue très difficile à cause de la chaux que les Allemands avaient versée sur les visages des fusillés pour leur enlever toute identité[1] ; quatre d'entre eux n'ont pas été identifiés.
Hommages
Cérémonies
Des obsèques nationales eurent lieu le au cimetière Saint-Pierre de Marseille en présence du commissaire régional Raymond Aubrac, pour les neuf fusillés dont les corps avaient été ramenés à Marseille. Puis les corps furent remis à la disposition des familles qui désiraient les inhumer dans leur caveau familial.
Chaque année, une cérémonie commémorative se déroule le au Charnier de Signes.
Nécropole nationale
Le charnier de Signes est désormais une nécropole nationale dont le chemin est indiqué sur la route départementale 2 par un monolithe revêtu d'une plaque commémorative sur laquelle on peut lire « Aux héros et martyrs de la Résistance, tombés pour la libération dans ce vallon en juillet- ». Sur le lieu du charnier, se trouvent les plaques nominatives en marbre des fusillés, une croix de Lorraine et un autel sur lequel est apposée une plaque indiquant que sous l'autel « un coffre renferme les ossements des fusillés ».
Georges Barthélemy, 38 ans, Marseille, responsable AS et mouvement Libération
Lucien Barthélemy, 41 ans, frère de Georges, Marseille[Notes 1]
Charles Boyer, « César », 60 ans, Marseille, ancien conseiller général radical-socialiste d’Aups, docteur en droit, négociant, membre du réseau La France au Combat
Henri Chanay, « commandant Manuel », « Grand Michel », 31 ans, officier parachuté, chef de la mission interalliée
Roger Chaudon, 36 ans, Oraison, directeur de coopérative, responsable local des parachutages
Georges Cisson, « Dubosc », « Roumi », 34 ans, les Arcs, ingénieur des Ponts et Chaussées, chef régional Libération et NAP en R2[Notes 2], responsable de la publication du journal des Mouvements Unis de Résistance (MUR) de R2 (Provence Libre)
Paul Codaccioni, « Kodak », 56 ans, Marseille, contrôleur principal des PTT, responsable du service des liaisons téléphoniques et télégraphiques de la résistance en R2
François Cuzin, « Étienne », 30 ans, Toulon/Digne, professeur agrégé de philosophie (école normale supérieure), chef du service de renseignements des MUR des Basses-Alpes, membre du CDL
Docteur André Daumas, 44 ans, Oraison
Jean-Pierre Dubois, « Allain », 49 ans, Marseille, membre des MUR
Guy Fabre, « Berger », 20 ans, Marseille, étudiant à l'école de navigation, un des animateurs de la presse clandestine du M.L.N et responsable militaire des jeunes étudiants du M.L.N., adjoint de Valmy
Maurice Favier, « Élan », 27 ans, membre du CDL des Basses-Alpes
Émile Latil, Sisteron, membre du CDL des Basses-Alpes
Jean Lestrade, « Chac », 20 ans, Marseille, étudiant, agent de liaison de l’Organisation Universitaire[Notes 3]
Maurice Levy, 32 ans, Nîmes, membre des services de renseignements américains
René Mariani, « Gaillard », 23 ans, Marseille, étudiant, responsable adjoint de l’Organisation Universitaire
Louis Martin-Bret, « Michel », 46 ans, Manosque, ancien conseiller général socialiste, directeur des silos et coopératives du département, chef des MUR des Basses-Alpes, président du CDL
Jules Moulet, « Bernard », 45 ans, entrepreneur, chef NAP des Bouches-du-Rhône
Jean Piquemal, « Jacqueine », 40 ans, Draguignan/Digne, infirmier, chef adjoint des MUR, membre du CDL des Basses Alpes
Terce Rossi, 29 ans, Oraison
Robert Rossi, « Levallois », 31 ans, capitaine de l’armée de l’air, chef régional des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) pour toute la région R2, compagnon de la Libération[6]
↑Louis, frère de Georges et Lucien, avait été abattu par la Gestapo au moment de son arrestation.
↑La Région 2 de la Résistance comprenait 7 départements : Marseille, le chef-lieu de la région, considéré comme un département à part entière vu son importance, les Bouches-du-Rhône, le Var, les Alpes-Maritimes, le Vaucluse, les Basses-Alpes et les Hautes-Alpes.
↑Il s'agit bien de Jean Louis Georges Lestrade "Chac", né le 21 mars 1924 à Marseille (voir Robert Mencherini, Midi rouge, ombres et lumières, 3, Résistance et Occupation (1940-1944), Éditions Syllepse, Paris, avril 2011, p. 506, et Adrien Blès, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Éditions Jeanne Laffitte, Marseille, 2001, p.267) et non pas de Adolphe-François Lestrade "Vial", né le 20 novembre 1906 à Givors (Rhône), responsable régional de l'Action Ouvrière et responsable départemental des Corps francs de la Libération, toujours en vie à la Libération (voir Baudouin 1962, p. 85).
↑L'un des inconnus devrait être le capitaine Michel Lancesseur, « Victor », 24 ans, né le 15 janvier 1920, Saint-Cyr (1939-1941, amitié franco-britannique), capitaine de l'infanterie coloniale, membre de la mission interalliée et adjoint du commandant Henri Chanay, arrêté avec ce dernier le 15 juillet 1944 à Marseille. Voir l'article « Signes, haut lieu de la Résistance provençale », sur Var 39-45.
↑Officier formé aux techniques du sabotage à Blida (Algérie), Maurice Seignon est parachuté en avril 1944 pour être instructeur dans les maquis en vue du débarquement en Provence. Par besoin d'argent, et peut-être aussi parce qu'il considérait que ses compétences n'avaient pas été reconnues, il propose à Ernst Dunker, alias Delage, le chef de la SIPO-SD de Marseille, de lui donner contre trois millions de francs tous les renseignements nécessaires permettant de démanteler les maquis et les réseaux de résistants provençaux. Après l'avoir utilisé et ne lui avoir donné qu'une petite partie de la somme demandée, Dunker-Delage fait exécuter son agent Érick le 7 août 1944 près des (Baumettes).
Madeleine Baudouin, Histoire des Groupes Francs (M.U.R.) des Bouches-du-Rhône (de septembre 1943 à la Libération), Paris, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », .
Madeleine Baudouin (3 tomes), Témoins de la Résistance en R2 : intérêt du témoignage en histoire contemporaine (thèse de doctorat d'État), Université de Provence, .
Henri Noguères (en collaboration avec Marcel Degliame-Fouché), Histoire de la Résistance en France, t. 3 : octobre 1943-mai 1944, Robert Laffont, , p. 326-328.
Jean-Claude Pouzet, La Résistance Mosaïque, Éditions Jeanne Lafitte, . (ISBN9782862762111)
Nicolas Balique et Vladimir Biaggi, Ernst Dunker et la Gestapo de Marseille, éd. Vendémiaire, .