Né à Somerville (Massachusetts) dans une famille juive, Nelson Goodman poursuit ses études à Harvard où il est diplômé en 1928 et soutient une thèse de philosophie en 1941. Parallèlement, il gère une galerie d'art à Boston. Son expérience en tant que marchand d'art explique son penchant vers le domaine de l'esthétique, où sa contribution est mieux reconnue qu'en logique et en philosophie analytique.
Il enseigne à l'université de la Pennsylvanie, durant la période 1946-1964, et compte parmi ses étudiants Noam Chomsky et Hilary Putnam. Se voyant refuser le contrôle du département de philosophie, il quitte ce poste et devient assistant de recherches au centre d'études cognitives de Harvard de 1962 à 1963, puis professeur dans diverses universités de 1964 à 1967, avant d'être nommé professeur de philosophie à Harvard en 1968, où il côtoie notamment W. V. Quine. Il est le compagnon de l'artiste Katharine Sturgis, et monte un projet d'éducation artistique nommé Project Zero.
On lui doit d'avoir contribué dans Langages de l'art à la réflexion esthétique et, plus précisément, à la théorie des systèmes symboliques ainsi qu'au questionnement sur la fonction et l'essence de l'art — à cet égard, sa thèse s'écarte significativement des théories développées notamment par Ernst Cassirer ou Erwin Panofsky. Un de ses apports les plus fameux porte sur les deux types d'exemplification : littérale ou métaphorique. Il appelle « expression » l'exemplification métaphorique.
Idées
Dans Manières de faire des mondes[1], Nelson Goodman traite notamment de la question de la vérité. Quand l'homme décrit le monde, il le fait à partir de lui-même, de ses croyances, de ses convictions et depuis sa culture. Bien qu'une conception du monde puisse être cohérente, rationnellement argumentée ou socialement partagée, elle ne sera jamais "vraie" au sens d'un absolu de vérité, elle sera temporairement vraisemblable. D'une certaine manière, la manière utilisée pour expliquer un phénomène est limitée dans une époque et une société.
Dans la pensée de Goodman, un physicien (Copernic, Newton, Einstein) n'est pas plus proche de la vérité, mais utilise une grammaire différente pour décrire le Réel. Là où Newton parle de forces, Einstein parlera d'espace, de temps ou de masse. Le langage pour décrire le monde est simplement différent, bien que le second (relativité générale de Einstein) permette des applications nouvelles, il n'est pas stricto sensu vrai.
Selon la lecture de Goodman, le scientifique construit littéralement le vrai à partir de l'hypothétique[2]. Ce qui fera dire à Marie-Noëlle Doutreix : « Néanmoins, la distinction entre le vrai et le faux ne correspond pas à celle entre les versions du monde correctes et incorrectes. Les sciences et les arts participent au même titre à la création de mondes et utilisent des procédés communs. Ainsi, le scientifique ajuste la vérité à sa mesure. Il décrète en découvrant, dessine en discernant. De plus, la vérité ne constitue pas une notion satisfaisante pour évaluer les mondes car ceux-ci ne consistent pas uniquement en propositions verbales. Goodman analyse les fonctions référentielles sans les hiérarchiser. Montrer et exemplifier peuvent être aussi importants que dénoter verbalement. De même, la vérité métaphorique acquiert sa valeur propre, indépendamment de la vérité littérale »[2].
Œuvres
Traduites en français
Faits, fictions et prédictions, tr. fr. M. Abran, Paris, Minuit, 1985
Esthétique et connaissance : pour changer de sujet (avec Catherine Elgin), tr. fr. J.-P R. Pouivet, Éditions de l'Éclat, 1990
Reconceptions en philosophie, dans d'autres arts et dans d'autres sciences, tr. fr. J.-P. Cometti et R. Pouivet, Paris, PUF, 1994 (ISBN978-2-13-046002-2)
La Structure de l'apparence, traduction par Pierre Livet, Philippe Minh, Nancy Murzili coordonnée par Jean-Baptiste Rauzy, Paris, Vrin, 2004
Langages de l'art : Une approche de la théorie des symboles, tr. fr. J. Morizot, Paris, Hachette, 2005 (ISBN978-2-01-279255-5)
Manières de faire des mondes, tr. fr. M.-D. Popelard, Paris, Gallimard, 2007 (ISBN978-2-07-031830-8)
L'Art en théorie et en action, tr. fr. J.-P. Cometti et R. Pouivet, Paris, Gallimard, 2009
En anglais
(en) « The Calculus of Individuals and Its Uses » (with Henry S. Leonard), in Journal of Symbolic Logic 5 (1940): 45-55
(en) A Study of Qualities. Diss. Harvard U., 1941. Reprinted 1990, by Garland (New York), as part of its Harvard dissertations in Philosophy Series
(en) Languages of Art: An Approach to a Theory of Symbols. Indianapolis: Bobbs-Merrill, 1968. 2d ed. Indianapolis: Hackett, 1976. Based on his 1960-61 John Locke lectures
(en) Problems and Projects. Indianapolis: Bobbs-Merrill, 1972. Currently available from Hackett
(en) Basic Abilities Required for Understanding and Creation in the Arts: Final Report (with David Perkins, Howard Gardner, and the assistance of Jeanne Bamberger et al.) Cambridge: Harvard University, Graduate School of Education: Project No. 9-0283, Grant No. OEG-0-9-310283-3721 (010), 1972
(en) Of Mind and Other Matters. Cambridge, MA: Harvard UP, 1984
(en) Reconceptions in Philosophy and other Arts and Sciences (with Catherine Z. Elgin). Indianapolis: Hackett; London: Routledge, 1988. Paperback Edition, London: Routledge, Indianapolis: Hackett, 1990
↑ a et bMarie-Noëlle Doutreix, « La référence philosophique aux mondes, une mise en scène de la vérité », Revue de littérature générale et comparée, (lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
Comettiet al., Nelson Goodman, Bruxelles, Revue internationale de philosophie, coll. « Revue internationale de philosophie », (ISBN978-2-13-045950-7)
Dominique Chateau, La question de la question de l'art note sur l'esthétique analytique (Danto, Goodman et quelques autres, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, , 156 p. (ISBN978-2-910381-00-4)
Donald Davidson, « Emeroses by other names », Journal of Philosophy 63 (24):778-780 (1966).
Alexandre Declos, « Goodman », in M. Kristanek (dir.), L’Encyclopédie philosophique, lire en ligne
Alexandre Declos, « L'énigme du 'vleu' et l'hyper-nominalisme de Goodman », Igitur, vol. 10, n°1, p.1-27. [1]
Paul Franceschi, « Une Solution pour le Paradoxe de Goodman », Dialogue, Winter 2001, vol. 40, p. 99-123, lire en ligne
Pierre Saint-Germier, « De l'induction à la métaphore : le cercle vertueux des pratiques et des projections chez Goodman », Tracés. Revue de sciences humaines, n° 7, 2004, p. 45-60, lire en ligne
Jean-Pierre Cometti, ch. 2 : « Nelson Goodman à rebours » (Pluralisme des versions, pluralisme des fins - Vérité et correction, connaissance et compréhension - Nelson Goodman en pragmatiste - Une esthétique sécularisée) dans Le Philosophe et la poule de Kircher, 1997 (ISBN2-84162-017-4)