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Outremeuse est un quartier administratif et une île de la ville de Liège en Belgique. Il est dénommé en wallonDju d'la Mouse (« au-delà de la Meuse »), ou plus simplement Djud'la. Dans l'ancienne principauté de Liège, il faisait partie du quartier Vinåve des Prés (un des trois anciens vinåves (« quartiers ») de la Cité de Liège).
À l'origine, le terme désignait le faubourg situé en rive droite de la Meuse, face au centre historique de Saint-Lambert situé en rive gauche, au-delà du pont des Arches. Actuellement, il désigne l'ensemble du quartier situé entre le fleuve et la Dérivation depuis les réaménagements fluviaux du XIXe siècle.
Le quartier a également abrité durant plusieurs siècles l'hôpital de Bavière, dont une grande partie a été démolie à la fin du XXe siècle.
C'est un des plus anciens et des plus populaires quartiers de la ville. Au XIXe siècle, les bras de la Meuse et ses biefs sont comblés, et de grandes artères y sont créées. Outremeuse a conservé le même aspect au début du XXIe siècle.
Les origines du quartier
Entre Ourthe et Meuse
Entre Ourthe et Meuse[1] était autrefois un immense marécage habité par quelques pêcheurs. Anciennement Vinåve des Prés[2], qui comme l'Île ne reçoit des remparts qu'au XIIIe siècle, cette île fut rattachée à la Cité au XIe siècle. Le prince-évêqueRéginard ordonna la construction d'une chaussée reliant Liège à Aix-la-Chapelle dans le but de faciliter les contacts avec l'empire. Outremeuse a d'abord eu une enceinte assez restreinte qui passait par la rue Large[3], le long du vieux Saint-Pholien, pour rejoindre la Meuse le long du boulevard Saucy où coulait le bief du Barbou[4]. Une deuxième enceinte est construite en 1537 sous la conduite de Paul de Richelle[5]. Un balloir[6] de 18 mètres de hauteur prévu pour tirs canonniers est prévu de part et d'autre de la rue Curtius. Les murs étaient de 3,6 m d'épaisseur et de 8,4 m de hauteur. Il reste un vestige de ce mur paré de petit corbeaux sous les maisons faisant le coin du quai des Tanneurs et de la rue Sainte Barbe. Un biez se trouvait rue Curtius, reliant la Meuse au Barbou, il faisait mouvoir deux engins, les moulins à poudres du marchand Curtius, fournisseur à la fin du XVIe siècle des armées du roi d'Espagne.[réf. nécessaire]
La chaussée d'Aix-la-Chapelle
Le long de cet axe, prolongement du pont des Arches, et qui englobait la chaussée des Prés, Puits-en-Sock et Entre-Deux-Ponts séparé par le pont Saint-Nicolas, s'élevèrent dès le XIIe siècle des propriétés cossues épargnées par les crues des nombreux biez que comptait l'île et qui inondaient régulièrement les habitats modestes répartis dans les autres artères.
L'abbaye du Val-des-Écoliers de Notre-Dame de l'Isle à Liège, fondée au XIIe siècle par les Écoliers du Christ, fermait le quartier d'Outremeuse au Nord. L'ordre du Val-des-Écoliers y installa un prieuré dès le XIIIe siècle et une abbaye dès le XVIe siècle qui sera un des trois plus importants de leurs prieurés. Le bâtiment principal abrite toujours l'antique salle capitulaire aux six voûtes à nervures en tuffeau, seul témoin de l'architecture gothique du XIVe siècle à Liège. L'abbaye deviendra à la Révolution une caserne et récemment une école supérieure d'art et d'architecture.
Les tanneurs quittent le Lulay pour le Barbou
Du fait de la présence abondante de l'eau, les tanneurs, présents à Liège depuis sa fondation, s'étaient implantés en Île, le long du Lulay, un des nombreux bras de la Sauvenière qui parcouraient le quartier au Moyen Âge. Devant les dangers et l'insalubrité liés à cette profession, les cuves de décantages étant fort dangereuses et nauséabondes, des règlements très stricts furent édictés par la corporation dès le XVe siècle, délimitant un périmètre pour l'exercice de leur industrie. Exception faite de la rue Lulay-des-Fèbvres, les tanneurs durent s'installer dans la paroisse de Saint-Pholien, le long de la Meuse.[réf. nécessaire]
L'obligation de résidence et d'activité engendra des unions entre parents, tant et si bien qu'au XVIIIe siècle, les habitants de Saint-Pholien se considéraient tous cousins.[réf. nécessaire]
L'importance économique d'Outremeuse
La population passe de 10 525 habitants en 1806, à 13 831 en 1831, puis à 29 000 en 1866. Dans le quartier Saint-Pholien un rapport de police de 1866 précise 3 000 personnes pour 250 habitations. Lors des deux inondations principales de 1850 et 1890, tout le Quartier de l'Est est atteint[réf. nécessaire][7].
Commerce et moulins
Dès 1830, dans la Cité de Liège, les cours de la Meuse et de l'Ourthe ont été modifiés, les bras d'eau ont disparu pour faire place à de nouvelles rues et à quelques boulevards mais Outremeuse garde son caractère de faubourg[8]. C'est une caractéristique des villes coupées par un fleuve, la division n'est jamais égale, en général l'établissement originel se fait sur l'une des deux berges. Outremeuse n'est pas au départ un site favorable. Entourée et traversée de bras d'eau, l'île est sujette à de nombreuses inondations et cette humidité constante va provoquer une insalubrité élevée[9]. Mais la construction du pont des Arches et le principal itinéraire Est-Ouest vers les grandes foires allemandes permet le développement du commerce de part et d'autre de la chaussée et les bras d'eau apportent la force motrice nécessaire à la Cité. À la fin du XIXe siècle on comptera 33 moulins[10].
Moulins d'Outremeuse
Moulin des Petites-Oies, moulin des Grandes-Oies, moulin à huile des Petites-Oies sur Rivelette, moulin du Chapeau-de-Fer sur Rivelette, moulin Henkar En-Châtre, moulin Cassar En-Châtre, moulin Deltour et moulin Chapelle rue des écoliers, Moulin Gillement et Moulin d'amont en Saulci, moulin Ancions et moulin Chapelle en Gravioûle, moulin Levoz et moulin Kinet et Målikou.[réf. nécessaire]
Absence de rénovation
Cette importance économique explique qu'une population dense se soit installée dès avant la révolution industrielle, mais elle est groupée dans un réseau de rues, ruelles et impasses qui se développe de part et d'autre de l'itinéraire vers l'Allemagne. Les rues sont considérées comme des annexes de la maison, l'endroit où les gens vivent, se rencontrent, et l'étroitesse est leur défaut majeur, des rues de trois mètres sont bordées d'immeubles de douze mètres, la bourgeoisie ne s'y installe pas[11]. C'est probablement ce qui explique qu'Outremeuse fut le dernier quartier à profiter des embellissements du XIXe siècle.
Les épidémies
La nécessité de rénover se fait fortement sentir au XIXe siècle, des rapports rédigés à l'initiative de la ville, en 1860 et 1890, font état de l'insalubrité du quartier et des mauvaises conditions de logement des habitants, ainsi que de l'urgence des travaux pour y remédier. La dégradation progressive des cours d'eau qui traversaient le quartier en accentue la dégradation. Il semble que jusqu'à la fin du XVIIe siècle les autorités curaient les biefs et assuraient leur bon état. Mais au fil des ans, ils vont devenir des égouts à ciel ouvert : la Dérivation, la suppression du bras d'Avroy et du bras de la Sauvenière a comme conséquence une diminution du débit des petits biez qui, pendant l'été, stagnent et deviennent source d'épidémies. Les déchets des égouts mélangés à ceux du terre-plein de la rue des Tanneurs, ceux des pêcheurs (derrière le quai van Beneden), ceux de l'hôpital de Bavière, (à l'époque place de l'Yser), ou encore les déchets des chevaux de la Caserne des écoliers, ne vont pas arranger les choses. La mortalité dans le quartier lors des épidémies est double par rapport au quartier du Marché de la Cité. Les autorités[12] de l'époque constatent en 1866, que la rue Puits-en-Sock a quatre fois moins de décès que la rue Porte-aux-Oies, la Måle vôye, ou la Rualette. L'épidémie de 1883 a semble-t-il eu d'autres origines puisque les travaux qui comblaient les biez et certains boulevards étaient faits. Les tranchées faites pour les égouts et le gaz sans précautions de désinfections et le reflux des égouts dans les caves lors des inondations propagent à nouveau l'épidémie.
Les grands travaux du XIXe siècle
Entre le quartier d'Outremeuse en 1830 et celui de 1880, la différence est nette. D'un côté une semi campagne, de l'autre un ensemble complètement urbanisé[13]. De l'ancien Dju dla Moùse, il reste au début des années 2000 la voie commerciale qui conduit du pont des arches au pont d'Amercœur et les rues et impasses adjacentes. Du quartier Saint-Pholien, dont l'emplacement de l'église même est modifié[14], le plus populeux et le plus insalubre d'Outremeuse, il ne reste que la Gravioûle, la rue (du Couvent) des Écoliers, la rue des Tanneurs et la place Sainte-Barbe. L'hôpital de Bavière est démoli, pour laisser la place à la place de Bavière[15](aujourd'hui la place de l'Yser), l'abattoir de 1823 déménage du quai des Pêcheurs (aujourd'hui le quai van Beneden) au quai de l'abattoir réalisé en 1864 et le nouvel abattoir en 1866[16] (aujourd'hui le quai Godefroid Kurth).
Comblement des cours d'eau et des biefs
Les cours d'eau, la Bêche (quai van Beneden), le bief Saucy (boulevard Saucy) se divisant en deux parties (boulevard de l'Est d'une part et rue Henri de Dinant et rue Gaston Grégoire d'autre part), le bief Saint-Nicolas (boulevard de l'Est), le Barbou (boulevard de la Constitution), la Rivelette (de l'institut van Beneden à la place Delcour, la rue de Berghe et la rue Saint-Julien où elle se jetait dans le Barbou), la Gravioûle devant la caserne des écoliers, les biefs des Grandes Oies et les Petites Oies (disparu sous le quartier autour de la place du Congrès), sont tous comblés, transformés en égouts et recouverts. La Meuse, l'Ourthe et la Dérivation sont canalisées, enfermées dans leurs digues de pierres. Il ne reste aucun prés ou cotillages des Prés Saint-Denis. On construit aligné selon des plans bien précis : du début de la Rue Méan on voit le quartier Bavière à près de 900 mètres.
Le comblement des bras d'eau signifie la mort des moulins et des fabriques qui en dépendaient.
Sur un plan moderne, les nouvelles percées du XIXe siècle apparaissent clairement : les rues Méan, Jean d'Outremeuse et Saint-Pholien ont été tracées par les ingénieurs et aux Prés Saint-Denis (actuellement place du Congrès), ils ont adopté un tracé en étoile[17]. Ces artères vont se border peu à peu de constructions bourgeoises dont certaines bâties en style art nouveau comme la Maison Counet[réf. nécessaire]. Le nouveau visage du quartier ne va plus se modifier jusqu'au XXIe siècle. Seule grande modification, la rue Louis Jamme qui va accueillir, en 1939, un ensemble social.
Tchantchès, avec sa commère Nanesse, est l'autre figure populaire du quartier, au cœur des festivités annuelles en l'honneur de Sainte Marie le 15 août.
Littérature wallonne
L'auteur Joseph Vrindts (1855-1940) y est né et y a vécu. De nombreux poèmes sont consacrés au quartier, notamment dans son recueil Vîx Lîge de 1901 ou il y commente la rénovation du quartier.
Cette sculpture en pierre et bronze réalisée par Joseph Zomers en 1936 se situe rue Pont-Saint-Nicolas, au croisement des rues Puits-en-Sock et Surlet.
L’œuvre montre une monumentale hiercheuse[18] qui présente de la main droite la marionnette de Tchantchès. Un grand socle porte en son centre l’inscription Tchantchès en lettres massives dites « lettres-blocs » et sur le côté une plaque apposée en 2002 rappelant les cérémonies du 75e anniversaire de la République libre d'Outremeuse. La sculpture constitue un hommage à l’industrie minière liégeoise et aux traditions folkloriques de la cité.
Buste de Zénobe Gramme
Située devant l'entrée de l'athénée Maurice Destenay (ancienne École industrielle où étudia Zénobe Gramme) sur le boulevard Saucy, Zénobe Gramme, est représenté en buste. Sa barbe, son front plissé et son regard grave soulignent le sérieux de l’inventeur de la dynamo.
Notes et références
↑Jean Lejeune, Les Van Eyck : peintres de Liège et de sa cathédrale, Liège, Georges Thone, , 213 p., p. 108 : peut-être à l'origine du nom, vide : entre Urte et Mouse.
↑Théodore Gobert, Liège à travers les âges : Les rues de Liège, vol. II, Liège, Georges Thone, , p. 488
↑le terme balloir, en walon balwèr du thiois bolwerk étant la correspondance wallonne de boulevard - dont le sens premier est bastion, construction ronde, chemin de ronde, On parle à Liège du Balloir de la Gravioûle au nord d'Outremeuse et du Balloir de Bêche à la gauche de la porte d'Amercœur[réf. nécessaire]
↑Outremeuse est systématiquement appelé par la ville "Quartier de l'Est" dans ses rapports
↑Étienne Hélin, Le paysage urbain de Liège avant la révolution industrielle, Liège, Commission communale de l'histoire de l'ancien pays de Liège, coll. « Documents et mémoires » (no VII), , 269 p., in-8°, p. 118
↑O. Tulipe, Cours de géographie humaine, t. II, Géographie de l'Habitat, Liège 1944, p. 81 sq.
↑Plan figuratif des moulins et usines situé sur le cours de l'Ourthe : Auguste Hock, Liège au XIXe siècle : les transformations, H. Vaillant-Carmanne, , 262 p. (présentation en ligne, lire en ligne), p. 233
↑Théodore Gobert, Liège à travers les âges : Les rues de Liège, vol. IX, Liège, Georges Thone, , p. 264-297 : ce changement fut tellement controversé que la nouvelle église ne fut terminé qu'en 1914 alors que les mesures avaient été adoptées par le collège en 1872
Dominique Donnay, « Outremeuse 1830-1985 », dans Pierre Frankignoulle, Visages urbains de Liège depuis 1830, Bruxelles, Imp. Buteneers, , 200 p., p. 101-123
François-Xavier Nève, Vincent Botta, Paul Henri Thomsin et Erwin Woos, Joyeuse et frondeuse Outremeuse de Liège, Éditions du Perron, (ISBN978-2-87114-211-9)