PalingénésieLa palingénésie (du grec ancien : παλινγενεσία, palingenesía) est un concept de philosophie métaphysique qui désigne le retour à la vie des divers éléments de la nature, sous la forme d'un éternel retour. ConceptLa palingénésie est un concept large utilisé par un grand nombre d'écoles de pensée. Le terme signifie en grec ancien « naissance à nouveau », « régénération ». On appelle parfois ce type de palingénésie la « palingénésie cosmique ». Le terme a parfois été utilisé sans son acception religieuse ou philosophique, d'une manière générale. Ainsi, dans le cycle toujours recommencé où les plantes se nourrissent de minéraux, les animaux de plantes, les hommes des animaux, etc., on trouve une « palingénésie universelle ». UtilisationsDans l'orphismeSelon certains chercheurs, l'orphisme des origines enseigne la réincarnation ou la métempsychose, tandis que d'autres pensent le contraire [1]. Proclos (Ve siècle) est le premier à attribuer à Orphée la « doctrine d'un cycle de réincarnations[2] ». L'orphisme croit en la palingénésie, au retour à la vie. Toutes les âmes reprennent d'autres formes d'existence, par exemple de père à fils, d'humain à plante et animal. Les naissances viennent donc des morts.
— Orphée, fragments 223-224, éd. Kern, tirés de Proclos, Commentaire de La République de Platon. Chez les présocratiquesL'idée d'une renaissance ou régénération du cosmos est déjà présente chez Héraclite. Il s'agit de la doctrine de l'éternel retour. Elle inspirera ensuite les stoïciens[4]. Dans le platonismePlaton est inspiré, via son maître Socrate, par l'orphisme[5]. Il expose ainsi, notamment dans le Phédon, la doctrine de la palingénésie orphique :
— Phédon, 40. Chez les stoïciensLe terme est employé par les philosophes stoïciens pour désigner la reconstitution ou apocatastase du monde après que le feu l'a détruit. Chez VirgileVirgile semble adhérer à cette théorie (Géorgiques, IV, 220 sq. ; Énéide, VI, 724 sq.). Les abeilles naissent de la corruption du jeune taureau (Géorgiques, IV, 295 ss.).
— Énéide, VI, 724. En OrientDans une des versions de l'eschatologie individuelle védique, le corps du défunt que l'on brûle s'envole en fumée, et les divers éléments dont il était constitué redeviennent eau (pour le sang), vent (pour le souffle), etc.[6] ; l'atman ou âme individuelle continue son cheminement : si l'âme éternelle n'atteint pas le nirvana, elle se dirige vers le dieu-lune, puis se réincarne en pluie, puis en plantes, puis en animaux (dont les humains), cycle dont les réincarnations en état de vie non humaine sont très nombreuses avant d'obtenir une nouvelle fois un corps humain [7]. Dans l'Ancien TestamentDans l'Ancien Testament, les prophètes annoncent une palingénésie selon deux perspectives : l'une plus proche et plus limitée, qui consiste dans le retour des exilés et la reconstruction de la ville sainte (par exemple dans le Deutéronome) ; l'autre, plus universaliste et plus eschatologique, qui consiste dans la reconstruction finale de Jérusalem et l'appel vers elle de toutes les nations (par exemple dans Isaïe). L'idée de cycle est absente des deux perspectives : le monde sera le monde définitif. Dans le Nouveau TestamentDans le Nouveau Testament, la « palingénésie » désigne la situation qui se produira avec l'avènement du Règne de Dieu ; le mot « régénération » est mis sur les lèvres de Jésus lui-même : « Oui je vous le dis à vous qui m'avez suivi : lors de la régénération, quand le Fils de l'homme s'assoira sur son trône de gloire, vous vous assoirez vous aussi sur douze trônes...» (Matthieu XIX, 28). Dans l'épître à Tite, saint Paul affirme que la palingénésie du chrétien est donnée par le baptême : « il nous a sauvés... par un bain de régénération et de renouvellement... » (III, 5). Tout en restant dans le contexte eschatologique, la notion biblique de « palingénésie » oscille entre l'idée de renouvellement de l'individu en rapport avec son être chrétien et celle de la réconciliation finale de toute réalité dans la croix par la parousie ou venue du Christ glorieux. Dans le socialisme utopiquePierre-Simon Ballanche, dans son Essai de palingénésie sociale (1827-1829), avait posé les bases de la régénération collective par l'accumulation des rédemptions individuelles. La métempsycose lui permettait d'échapper à la contradiction entre le destin mortel de l'homme et la pérennité des sociétés humaines en renvoyant au débat millénaire sur la préexistence des âmes à la naissance. « Palingénésie » fit partie du vocabulaire des premiers socialistes comme Pierre Leroux (1797-1871) et Proudhon (1809-1865). Pierre Leroux et Jean Reynaud étaient amis. Pierre Leroux, défenseur d'un socialisme religieux, dans son livre De l'humanité (1840), croit à la métempsycose dans l'humanité même. Ce sont les hommes qui renaissent sans cesse. C'est une immortalité individuelle et non pas personnelle. L'individu n'est pas absorbé dans la substance absolue ; mais, en entrant dans un autre corps individuel, il perd la mémoire et la personnalité. Jean Reynaud, dans Terre et Ciel (1854), pour conserver la personnalité et la responsabilité, admet que la transmigration se fait d'astre en astre avec toutes les conséquences morales qu'exige le principe du mérite et du démérite. Les mondes sont habités et constituent pour l'être humain ses demeures successives ; chacun de nous est un lutteur éternel qui passe incessamment de Terre en Terre, tombant, se relevant, se rachetant, jusqu'à ce qu'il parvienne enfin au sommet du progrès, sous les yeux du Créateur, qui reste son guide, son appui et son juge. Le peintre Paul Chenavard (1807-1895), inspiré par les idées de Pierre-Simon Ballanche, donne à l'un de ses tableaux le titre de La Palingénésie sociale (1875). Dans Quatrevingt-treize, qui lui donne l'occasion d'exposer les fruits de sa longue réflexion sur la Révolution française et sa légitimité tout en faisant implicitement référence à la Commune, Victor Hugo utilise le terme de Palingénésie. Dans Les Dieux ont soif, roman d'Anatole France, le héros Evariste Gamelin, révolutionnaire idéaliste et intransigeant, est déçu par la ressemblance des juges révolutionnaires avec ceux de l'Ancien Régime. Conscient qu'il s'agit en fait des mêmes personnes, il se rassure en croyant à la « palingénésie révolutionnaire » (fin du Chapitre IX). Notes et références
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