Le grec ancien a exercé une influence durable sur de nombreuses langues pendant et après l'Antiquité, et cela jusqu'à nos jours. De nombreux mots ont été empruntés au grec ancien (parfois par l'intermédiaire du latin). Cette langue continue d'être utilisée pour forger certains néologismes, notamment dans le domaine des sciences et de la médecine. Une journée mondiale de la langue grecque est célébrée chaque 9 février[2].
Au grec ancien s'est progressivement substitué un grec médiéval, qui apparaît entre la fin du règne de l'empereur Justinien Ier, en 565, et la fin du règne de l'empereur Héraclius, en 641. À cette époque, l'Empire byzantin connaît de profondes mutations territoriales, en perdant de vastes territoires qui sont conquis par les Arabes, après 632, dont la Syrie, l'Égypte, la Palestine, et le reste de l'Afrique du nord. L'Empire byzantin se limite désormais à ses terres traditionnelles, qui s'étendent du sud des Balkans au sud de l'Italie, à l'Anatolie, aux côtes de la mer Égée et aux côtes Pontiques, ce qui correspond à l'ensemble du monde hellénistique des origines.
À l’origine, il existait une grande variété de dialectes, regroupés en quatre groupes : arcadochypriote, dorien, éolien et ionien-attique[3]. Parler du grec ancien n’a pas grand sens lorsqu'on veut se référer à un des idiomes antiques : dans les faits, cependant, le grec ancien désigne l’attique (dialecte du groupe ionien-attique), langue de l’Athènes antique. C'est en effet la langue dans laquelle est écrite la majeure partie de la littérature grecque classique[3]. Pendant l’époque hellénistique et le brassage des populations hellénophones en résultant, la koinè, langue commune (c’est le sens de l'adjectif κοινός / koinós) issue de plusieurs dialectes du groupe ionien-attique, s'est progressivement imposée au détriment des dialectes, devenant ainsi la lingua franca de l’Antiquité, en concurrence avec le latin[3].
La première forme d'écriture attestée pour noter un dialecte grec est le linéaire B, un syllabaire sans rapport avec l'alphabet grec, servant à transcrire le mycénien, forme archaïque d'un dialecte arcadochypriote utilisée en Grèce continentale et en Crète entre environ 1550 et 1200 av. J.-C. Entre 1050 et 200 av. J.-C., une écriture proche, le syllabaire chypriote, a été utilisée à Chypre pour transcrire le grec et l'étéochypriote (une langue non indo-européenne partiellement déchiffrée, peut-être apparentée au lemnien et à l'étrusque).
Des écritures plus anciennes ont existé en Grèce, mais n'ont vraisemblablement pas servi à noter du grec :
le disque de Phaistos (datation discutée) comporte une écriture sans autre exemple ;
le syllabaire chypro-minoen, quelquefois appelé linéaire C (entre 1500 et 1200 av. J.-C., à Chypre), peut-être dérivé du linéaire A et vraisemblablement à l'origine du syllabaire chypriote plus tardif. Il servait probablement à noter une forme primitive d'étéochypriote.
Toutes ces écritures étaient vraisemblablement de nature syllabique.
Le grec ancien est une langue à accent de hauteur possédant deux intonations : aiguë et circonflexe[5]. Il se caractérise aussi par un système de consonnes aspirées et par un jeu d'oppositions de quantités vocaliques. Il existe plusieurs règles de sandhi, tant internes qu'externes.
Les noms possèdent cinq cas (nominatif, vocatif, accusatif, génitif et datif)[6], trois genres (masculin, féminin et neutre)[7] et trois nombres (singulier, duel, pluriel)[8]. Le grec moderne n'utilise plus le datif, excepté dans quelques expressions comme en taxei, mais les autres cas sont généralement conservés.
On compte trois grands types de déclinaisons, tant pour les noms que les adjectifs (type en -α / -η, type thématique en -ος et type athématique), lesquels possèdent plusieurs sous-types. Les pronoms suivent un système qui leur est propre et qui, ayant influencé les types nominaux, n'en sont pas très éloignés.
Outre le temps, le verbe exprime surtout trois aspects (imperfectif, perfectif et statique)[9] et, comme toutes les langues, plusieurs modes de procès (inchoatif, itératif, fréquentatif, etc.). Seul l'indicatif marque toujours le temps ; aux autres modes, c'est l'aspect qui est généralement indiqué.
Il existe deux grandes catégories de conjugaisons : les thématiques (ou verbes en -ω) et les athématiques (dits verbes en -μι)[10] : les verbes thématiques se caractérisent par la présence d'une voyelle avant la désinence, absente dans les verbes athématiques. Ces catégories se divisent en un grand nombre de sous-catégories. Le système verbal est très complexe car la flexion met en œuvre de nombreux procédés comme l'alternance vocalique, la suffixation par le jeu de désinences, l'utilisation d'une voyelle thématique, celle de l'augment et du redoublement. À tous ces procédés s'ajoutent des modifications phonétiques importantes au sein d'un même paradigme.
En sorte, il n'est pas exagéré de dire qu'il existe plus de verbes irréguliers que de verbes réguliers, si du moins on s'en tient à la définition de verbe irrégulier ayant cours dans la grammaire française.
Syntaxe
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Tout ceci est donné à titre indicatif, car, comme beaucoup de langues flexionnelles, le grec ancien s'accorde une grande liberté dans la place des groupes.
Pour les verbes, le grec met souvent le verbe en fin de proposition, qu'elle soit principale ou subordonnée, mais bien moins systématiquement que le latin. Il existe une exception pour les impératifs et les verbes à tournure impersonnelle (comme le verbe « être » : ἐστί, « il/elle est », traduisible par « il y a ») qui sont généralement en tête de proposition.
Règle du génitif enclavé : le génitif se place sous l’article, soit entre l’article et le mot désignant le possesseur, soit après répétition de l’article[11]. Dans le groupe nominal « le fils du citoyen » on écrira en grec : Ὁ τοῦ πολίτου υἱός, littéralement « le du citoyen fils » ; mais il est également possible de positionner le génitif après répétition de l'article, par exemple : Ὁ υἱὸς ὁ τοῦ πολίτου, « le fils le du citoyen ». L’adjectif quant à lui, se place généralement soit entre l'article et le nom (τὸ μικρὸν ἄνθος : la petite fleur), ou bien après le nom avec une répétition de l’article (τὸ ἄνθος τὸ μικρόν, littéralement « la fleur la petite »).
Le grec ancien se caractérise également par le maintien d’une règle de l’indo-européen commun, qui stipule qu’un verbe dont le sujet est un nom neutre pluriel ne se conjugue pas au pluriel mais au singulier[12]. Voir l’article consacré à la règle dite « Τὰ ζῷα τρέχει ».
Influence du grec ancien sur les langues modernes
Mots savants et radicaux grecs
Un grand nombre de mots en latin, français et anglais, pour ne citer que ceux-là, sont d'origine grecque, et la majorité des néologismes savants utilisés de par le monde est bâtie sur des radicaux grecs (souvent mêlés de radicaux latins). Seules quelques langues européennes, comme l'islandais, de manière systématique, et, dans une moindre mesure, l'allemand, le turc, le tchèque et le croate, n'utilisent pas ces radicaux mais traduisent par calque les termes savants grecs au moyen de radicaux qui leur sont propres.
Mots courants
Des mots comme « boutique », « caractère » ou « beurre » viendraient aussi du grec ancien. Passés par le latin et hérités comme tel dans la langue française (via d’autres langues, comme l’occitan), ils ont subi les mêmes modifications phonétiques que les autres mots hérités et sont maintenant très éloignés de leur étymon grec puisqu'il faut reconnaître derrière chacun d’entre eux : ἀποθήκη, apothếkê ; χαρακτήρ, kharaktếr et βούτυρον, boúturon.
« Le dédale synchrone du cosmos politique »
Voici, pour illustrer la prégnance du grec dans les langues occidentales, la traduction en français d'un texte anglais de Xenophón Zolótas (Ξενοφών Ζολώτας) dans lequel chaque mot (hormis les mots-outils) est d’origine grecque [13] :
« Kyrié, sans apostropher ma rhétorique dans l’emphase et la pléthore, j’analyserai elliptiquement, sans nul gallicisme, le dédale synchrone du cosmos politique caractérisé par des syndromes de crise paralysant l’organisation systématique de notre économie. Nous sommes périodiquement sceptiques et neurasthéniques devant ces paroxysmes périphrastiques, cette boulimie des démagogues, ces hyperboles, ces paradoxes hypocrites et cyniques qui symbolisent une démocratie anachronique et chaotique. Les phénomènes fantastiques qu’on nous prophétise pour l’époque astronomique détrôneront les programmes rachitiques, hybrides et sporadiques de notre cycle atomique. Seule une panacée authentique et draconienne métamorphosera cette agonie prodrome de l’apocalypse et une genèse homologue du Phénix. Les économistes technocrates seront les stratèges d’un théâtre polémique et dynamique et non les prosélytes du marasme. Autochtones helléniques, dans une apologie cathartique, psalmodions les théorèmes de la démocratie thésaurisante et héroïque, soyons allergiques aux parasites allogènes dont les sophismes trop hyalins n’ont qu’une pseudodialectique. En épilogue à ces agapes, mon amphore à l’apogée, je prophétise toute euphorie et apothéose à Monsieur Giscard d’Estaing, prototype enthousiasmant de la néo-orthodoxie économique et symbole de la palingénésie de son ethnie gallique. »
Enseignement contemporain
Le grec ancien en Belgique
En Belgique, la section latin-grec est l'une des branches possibles dans l'enseignement secondaire général : le grec s'y enseigne à partir de la 3e année (dans la numérotation "moderne" 1-2-3-4-5-6). Le grec ancien s'enseigne bien sûr aussi à l'université, en philologie classique.
Le grec ancien en France
En France, l'enseignement du grec ancien est proposé dans quelques collèges et lycées. Les élèves peuvent le débuter dès la troisième ou la seconde et le passer en option pour le baccalauréat. Il s'apprend aussi dans l'enseignement supérieur pour que les universitaires puissent avoir accès aux textes originaux et en établir des éditions scientifiques.
Le grec ancien en Suisse
Le grec ancien est une option spécifique dans les établissements d'enseignements secondaires préparant à la maturité gymnasiale, et peut être choisi comme sujet d'examen pour ce diplôme.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Dictionnaires de grec ancien
Henri Estienne, Thesaurus linguæ græcæ, 1572. C'est le plus complet des dictionnaires de la langue grecque[réf. nécessaire]. Il fut réédité en 2008 par l'éditeur italien La scula di Pitagora en 9 volumes.
Anatole Bailly (dir.), Dictionnaire Grec-Français, Paris, Hachette, 1895, 2204 p. (nombreuses rééditions, plusieurs refontes).
Victor Magnien, Maurice Lacroix et Raymond Salesses, Dictionnaire Grec-Français, Paris, Librairie classique Eugène Belin, , 2170 p.
Grammaires du grec ancien
Éloi Ragon, Grammaire grecque, Paris, De Gigord, 1889 (édition refondue par A. Dain, J. De Foucault et P. Poulain en 1951).
Études historiques et linguistiques du grec ancien
Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1968 (3e éd., 1980 ; nouvelle éd. avec un supplément, 2009).
Charles de Lamberterie, « Le grec ancien », dans Dictionnaire des langues, Paris, PUF, 2011, p. 487–498.
M. Meier-Brügger, Griechische Sprachwissenschaft, 2 vol., Berlin, Walter de Gruyter, 1992.
Antoine Meillet, Aperçu d'une histoire de la langue grecque : Avec bibliographie mise à jour et complétée par Olivier Masson, Paris, Klincksieck, coll. « Études et Commentaires », , 8e éd. (1re éd. 1913), 346 p.
J. Perrot, « Le grec ancien », dans Le langage, sous la dir. de A. Martinet, Paris, Gallimard (La Pléiade), 1968, p. 906–928.
Ouvrages grand public
(it) Andrea Marcolongo, La lingua geniale : 9 ragioni per amare il greco, GLF editori Laterza, , 156 p. (ISBN978-88-581-2525-0, OCLC981545565), traduit en français sous le titre La Langue géniale. 9 bonnes raisons d'aimer le grec.
Bernard Sergent, Notre grec de tous les jours. Petit dictionnaire pour un usage quotidien, Imago, 2017.