Paul d'Albert de Luynes (connu sous le nom de cardinal de Luynes), né à Versailles le et mort à Paris le , est un prélat et homme de cour du royaume de France du XVIIIe siècle.
Initialement connu sous les titres de comte de Monfort (son père étant connu sous le titre de duc de Montfort) et de comte d'Albert[3], il se destinait au métier des armes. Il devient ainsi colonel d'un régiment d'infanterie à son nom le [3] (à l'âge de 16 ans) mais, gravement insulté par un officier, il refuse de se battre en duel et choisit d'épouser une carrière ecclésiastique.
A l'âge de 26 ans, il devient évêque de Bayeux (1729-1753), puis à 50 ansarchevêque de Sens (1753-1788). À l'âge de 53 ans, lors du consistoire du , il est créé cardinal, sur présentation du roi Jacques II d'Angleterre[3]. Accessoirement, il devient abbé commendataire de l'abbaye de Corbie au diocèse d'Amiens de 1755 à 1788. En 1769 il est l'un des deux Cardinaux Français, avec le cardinal Pierre De bernis, au Conclave a Saint Pierre de Rome qui se tint du 15 Février au 19 Mai 1769 qui élira le Pape Clément XIV.
Constatant les progrès de l'irréligion, il cherche à les combattre déplorant l'abandon du jeûne dans son mandement du carême 1779 et composant une Instruction pastorale contre la doctrine des incrédules et portant condamnation du Système de la Nature du baron d'Holbach (1770). Il protège le parti des Feuillants, anti-jansénistes modérés.
À Sens, Il s'occupe activement de son archidiocèse, multipliant les visites paroissiales, comme en 1761 où il effectue une visite générale au cours de laquelle il nomme l'abbé Blaise Bégon à la cure de Quarré-les-Tombes.
En 1762, il est à l'origine, avec le chapitre, de la superbe grille qui orne aujourd'hui le chœur de la cathédrale ; œuvre du serrurier parisien Guillaume Doré, elle est ornée des armes du cardinal. Il dotera aussi, semble-t-il, la cathédrale d'une statue de la « Vierge à l'enfant » située dans la chapelle de la Vierge.
Nommé archevêque de Sens en 1753, membre honoraire de l'Académie des Sciences en 1755, cardinal en 1756, il est à l'époque « élève » de l'abbé La Caille qui lui présentera Bailly[5]. Répondant à une invitation du cardinal, ce dernier viendra à Noslon « mettre son observatoire en état » et ils y feront des observations qui seront publiées.
Travaux publiés
Ses observations et travaux sont publiés dans les recueils de l’Académie des sciences entre 1743 et 1777.
Lunette de 2,5 pieds de foyer et grand télescope probables.
Pour mener à bien des observations astronomiques, il est nécessaire d'enregistrer les instants où elles ont lieu. À cette époque, le passage obligé est l'emploi de méridiennes qui permettent d'appréhender l'heure solaire du lieu avec précision, à l'aide de pendules à secondes. On trouve trace des méridiennes de Luynes sur tous ses sites d'observations : à Bayeux, Sommervieu, Sens, Noslon, Versailles. Les méridiennes des trois dernières résidences sont à fil[19], fleuron technologique de l'époque.
Parmi les observations astronomiques, les éclipses de Lune (ici au nombre de quatre) sont intéressantes pour déterminer la longitude mais, l'observation la plus complète est celle du passage de Vénus sur le Soleil qui a lieu le . Cet évènement astronomique était attendu au plan international et, en France, le cardinal de Luynes est cité pour avoir obtenu un des meilleurs résultats, au même titre que Lalande, Granjean de Fouchy, la Condamine, le Monnier, Maraldi, la Caille, etc[20].
Dans le domaine de la physique, il possède des laboratoires, réalise des études innovantes et publie un mémoire sur les propriétés du mercure dans les baromètres (1768), mémoire qui n'est pas sans rappeler les plans d'expériences utilisés de nos jours.
Le cardinal est aussi connu pour un anneau astronomique qu'il « a perfectionné et fait construire sous ses yeux pour son usage particulier, par le sieur [Jacques Nicolas] Baradelle[21], ingénieur pour les instruments de mathématiques, à Paris ».
Cet instrument a fait l'objet d'une description sur plus d'une dizaine de pages dans un livre de gnomonique de Bedos de Celles publié en 1774[22],[N 1]. L'anneau du cardinal est considéré aujourd'hui, comme le plus abouti de ce type d'instrument[23].
L'anneau astronomique du cardinal de Luynes
Vue d'ensemble.
Vue en position d'usage.
Vue en position repliée.
Armoiries
Ecu : D'or, au lion couronné et lampassé de gueules (qui est d'Albert)[24] ;
↑Bedos de Celles et le cardinal se connaissaient probablement : Dans les années 1770, Dom Bedos est l'hôte de Duhamel du Monceau, membre de l'Académie des Sciences (comme Luynes), au château de Denainvilliers sur la commune de Dadonville située dans le diocèse du cardinal. Il y traça plusieurs cadrans solaires et se consacra probablement à la deuxième édition de La Gnomonique ; en , Dom Bedos, viendra aussi à Sens expertiser, comme facteur d'orgue, les travaux de restauration de l'orgue de la cathédrale.
Références
↑ ab et cJean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, Œuvres de Condorcet, vol. 3, Firmin Didot frères, , p. 306.
↑Société de l'histoire de France, Annuaire-bulletin, Société de l'histoire de France, 1863, page 138.
↑ abcd et eJean-Charles Poncelin de La Roche-Tilhac, Etat des cours de l'Europe et des provinces de France pour l'année 1785, Lamy, , p. 21.
↑C. Fournerat, Recherches sur les personnes qui dans le département de l'Yonne se sont occupées d'astronomie, vol. 16, Auxerre, coll. « Bulletin de la société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne », (lire en ligne), p. 52-53.
↑Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences, Paris, (lire en ligne), p. 511.
↑Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences, Paris, (lire en ligne), p. 415.
↑Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences, (lire en ligne), p. 153.
↑Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences, (lire en ligne), p. 127.
↑ Entre autres, Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, (lire en ligne), p. 65.
↑Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, (lire en ligne), p. 277.
↑Académie des sciences (France), Histoire et Mémoires de mathématiques et de physique, (lire en ligne), H 116 et M 273.
↑Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. VI, (lire en ligne), p. M 428.
↑Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, (lire en ligne), H 10, M 247.
↑Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, (lire en ligne), p. 343.
↑Académie des sciences (France), Histoire et Mémoires de mathématiques et de physique, t. I, (lire en ligne), H 86, M 160, 378.
↑Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, (lire en ligne), p. 183.
↑Abbé Boscovich, Nouveaux ouvrages : Optique et astronomie, t. V, (lire en ligne), p. 170-178, 457.
↑Gérard Aubry, Les méridiennes du cardinal de Luynes, vol. 33, Paris, SAF, coll. « Cadran Info », , p. 9-21.
↑Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences, (lire en ligne), p. 98-117 ; voir aussi Jean-Baptiste Delambre, Histoire de l'astronomie au XVIIIe siècle, Paris, (lire en ligne), p. 622
Nicolas de Condorcet, Éloge de M. le cardinal de Luynes, dans Éloges des académiciens de l'Académie royale des sciences, morts depuis l'an 1783, chez Frédéric Vieweg, Brunswick et Paris, 1799, p. 328-336(lire en ligne)
Jean de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières, Robert Laffont, collection « Bouquins », Paris, 1995. (ISBN2221048105)
Maurice Vallery-Radot, Un administrateur ecclésiastique à la fin de l'Ancien Régime. Le Cardinal de Luynes, archevêque de Sens. 1703-1788, thèse de Droit Histoire du Droit, Paris, . Publiée sous le titre: Un administrateur ecclésiastique à la fin de l'Ancien Régime: le cardinal de Luynes, archevêque de Sens (1753-1788), préface de M. Gabriel Le Bras, éd. Sté d'histoire et d'art du diocèse de Meaux, Meaux, 1966.