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L'expression « pensée unique » est généralement utilisée dans le monde politico-médiatique européen pour accuser de conformisme les idées considérées comme majoritaires dans leurs pays respectifs et dans l'Europe communautaire, surtout depuis le dernier quart du XXe siècle.
Elle vise à dénoncer :
pour les uns ce qu'ils considèrent comme une domination idéologique qui promeut certains choix de société, présentés comme seuls légitimes, concernant l'économie, l'intégration européenne, la libéralisation des mœurs, l'immigration, etc.
pour les autres ce qu'ils voient comme la permanence d'un esprit étatique, collectiviste, centralisateur et nationaliste promu comme seule voie respectable pour servir l'intérêt général et devant primer les libertés et responsabilités individuelles ainsi que l'ouverture sur le monde[réf. nécessaire].
Des groupes ayant chacun une pensée déterminée peuvent s'accuser mutuellement d'avoir une « pensée unique ». Il s'agit alors en fait d'une pensée de groupe.
Histoire
Pour une majorité de spécialistes français et internationaux, Jean-François Kahn est « l'inventeur de l'expression »[1] ainsi que « l'inventeur du concept »[2] et le premier à avoir parlé de pensée unique au début des années 1990 dans les colonnes de L'Événement du jeudi[3]. Il aurait su « le premier capturer dans une formule choc une tendance de l'opinion française »[4]. C'est lui qui aurait popularisé son usage en France dès 1991 dans un article de L'Événement du jeudi, puis à travers son best-seller de 1995 intitulé La Pensée unique[5]. Il semblerait cependant que le premier usage de son expression date de janvier 1992 dans un éditorial intitulé « Les Risques de la pensée unique », et publié à l'occasion de l'Affaire Habache, secrétaire général du FPLP venu se faire soigner en France d'une attaque cérébrale en [6]. Le mot est repris immédiatement et il connaît une vogue instantanée. Les interprétations « à chaud » sont variables. Ainsi, le psychiatre Guy Laval soutient que ce que Jean-François Kahn nomme « pensée unique » est en fait « un néo-libéralisme a-contradictoire »[7]. Pour l'avocat serbe Vladimir Vukadinovic, c'est « l'inertie de nos grands moyens d'expression » que « Jean-François Kahn, qui […] n'est jamais à court de bonnes formules, a appelé […] la pensée unique »[8]. Enfin, pour l'historien et philosophe Lucien Jerphagnon, Kahn nomme « pensée unique » « l'ère du vide obligatoire »[9].
↑(en) Jeremy F. Lane, Bourdieu's Politics: Problems and Possibilities, 2006, page 17.
↑Edmond Alphandéry, L'inventeur du concept, Jean-François Kahn
↑(en) Emmanuel Godin, Tony Chafer, The French Exception, , p. 39
↑(en) Christopher Flood, Laurence Bell, Political Ideologies in Contemporary France, , p. 15
↑(en) Philip H. Gordon, Sophie Meunier, The French Challenge: Adapting to Globalization, , p. 137
↑Jean-François Kahn, Les Risques de la pensée unique, L'Événement du jeudi, 30 janvier-5 février 1992, p. 6 :
« Qu'a-t-on constaté, en effet, à l'occasion de l'affaire Habache ? Que l'ensemble des médias, écrits ou audiovisuels, développait le même discours, chacun confortant l'autre et le serpent se mordant indéfiniment la queue. En cela réside la principale nouveauté : quelque chose de terrifiant est en train de prendre corps qui ressemble furieusement à une pensée unique. Tout se passe comme si un même clan, réparti stratégiquement de gauche à droite, branché en direct sur « l'air du temps », sociologiquement et culturellement homogène, tissait au jour le jour la nouvelle pensée dominante, mise en forme par la presse écrite nationale et diffusée ensuite en boucle par la radio et la télévision. »
↑Guy Laval, Malaise dans la pensée : essai sur la pensée totalitaire, Publisud, , p. 115
↑Collectif, À quoi servent les économistes s'ils disent tous la même chose ?: Manifeste pour une économie pluraliste, les liens qui libèrent, (ISBN979-10-209-0303-7, lire en ligne)