Pierre Nord (de son vrai nom André Brouillard) est un militaire et romancier français né le au Cateau-Cambrésis (Nord) et mort le à Monaco. Il mène une carrière de militaire dans les services de contre-espionnage puis d'écrivain historien et romancier.
Biographie
Vie privée
André Brouillard est le fils de Léon Michel Brouillard (1871-1948), employé de commerce, et de Céline Burillon (1872-1953), giletière. le , il épouse Marion Whitney Lopp à Paris puis, divorcé, il se remarie le avec Françoise Monique Myriam Bernard[1].
Première Guerre mondiale
Son destin de spécialiste du renseignement se révèle très tôt. Sa ville étant occupée par les troupes allemandes de 1914 à 1918, il se livre à la collecte d'informations au sein du réseau La Dame blanche[2] pour les alliés en observant les mouvements de trains allemands. Il est arrêté par l'occupant à Saint-Quentin en 1916. Condamné à mort, il est gracié en raison de son jeune âge et envoyé dans un « Strafbataillon » (bataillon disciplinaire).
Il publie son premier roman en 1936, Double crime sur la ligne Maginot, un roman policier situé dans le contexte militaire d'une ligne Maginot qui évoque déjà la future « drôle de guerre ». Son deuxième ouvrage, Terre d'angoisse, en 1937, est un vrai roman d'espionnage inspiré de ses souvenirs du premier conflit (la ville de Saint-Quentin y est rebaptisée Saint-Quorentin). Ses deux livres ont un grand succès et ont immédiatement adaptés au cinéma.
Seconde Guerre mondiale
Redoutant le pacifisme et le défaitisme qu'il croit voir triompher avec le Front populaire, il se rapproche des réseaux militaires d'extrême droite. Alain Griotteray dira de lui : « Catholique et conservateur, c'est avant tout un nationaliste passionné »[4].
Pierre Nord devient ensuite chef des services spéciaux des 9e et 10e armées lorsqu'il est fait prisonnier (à nouveau) par les troupes allemandes en 1940. Il s'évade et devient l’un des animateurs de la Résistance intérieure. En 1943-1945, après avoir appartenu au réseau de résistance « Travaux ruraux », il est — sous les ordres de son ami, le commandant Hubert de Lagarde — le second du réseau Éleuthère. Les renseignements fournis par ce réseau permettront à l'aviation alliée de pulvériser, dans la nuit du 4 au , la division blindée 9e Panzerdivision SS Hohenstaufen regroupée dans la région de Mailly-le-Camp/Châlons-sur-Marne (10 à 12 000 hommes tués ou hors de combat, 400 chars détruits, ainsi que de nombreux camions et autres véhicules).
« Reconstituée et regroupée dans la région de Mailly Arcis-sur-Aube, la division devait être acheminée sur le front de l'est grâce à 60 rames de 50 wagons. Grâce à des informations précises fournies à Londres par le réseau de résistance Éleuthère, animé notamment par les commandants Hubert de Lagarde et Pierre Nord, l'aviation alliée mena dans la nuit du 4 au une attaque de grand style sur les emplacements où étaient massés les différents éléments de cette division. Au prix de 35 appareils abattus par la Flak, 400 chars furent détruits ou incendiés, 10 à 12 000 hommes tués ou mis hors de combat, sans compter les camions et véhicules. »
À la Libération, Pierre Nord quitte l'armée avec le grade de colonel[réf. nécessaire] pour se consacrer à la littérature. Il participe à la réalisation d'un troisième film, Peloton d'exécution, tiré de son roman de même titre en 1944-45.
Il publie de très nombreux romans policiers, d'aventure et surtout d'espionnage. Pour Michel Lebrun, « il peut être considéré comme l'un des pères du roman d'espionnage »[5], genre qui sera repris notamment par Jean Bruce et Gérard de Villiers. Ses romans, très documentés, ont pour héros récurrent le colonel Dubois, maître-espion tranquille inspiré d'un ancien chef du contre-espionnage français, Roger Lafont qui fut responsable du Service 23 du service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) jusqu'à sa mort en 1952. Leur action se déroule sur les divers théâtres d'opérations de la guerre froide et de la décolonisation.
Ses premiers ouvrages sont parus dans la collection Le Masque à la librairie des Champs-Élysées. Par la suite, Pierre Nord est resté fidèle aux éditions Fayard. En 1956, il y crée la collection L'Aventure criminelle appelée également « Collection Pierre Nord » qu'il dirige jusqu'en 1965. Ses livres n'ont pas été réédités depuis plusieurs décennies. Pierre Nord est aussi l'auteur d'ouvrages historiques et de récits sur la guerre secrète : Mes camarades sont morts (trois volumes qui retracent l'histoire des réseaux « Société de travaux ruraux », Éleuthère et L'intoxication, explicitant notamment les manœuvres des alliés pour tromper Adolf Hitler sur le projet de débarquement en Normandie et l'aide apportée aux Alliés par les réseaux de la Résistance.
Un hommage en forme de clin d'œil lui est rendu dans le film de Bertrand Tavernier, Laissez passer (2002) où Pierre Nord est joué par l'acteur Philippe Saïd : chargé de réceptionner Jean Devaivre (incarné par l'acteur Jacques Gamblin), parachuté en pleine forêt au retour d'une équipée-éclair en Angleterre, on le voit pester contre « les amateurs qui gâchent le métier du renseignement ».
Trois romans ont été adaptés en bandes dessinées publiées dans la presse quotidienne avec des dessins d'Angelo Di Marco et des textes de Georges Cheylard :
Capitaine Ardant (1951) réédité aux éditions Prifo (1977)
↑Jean Chrétien est le « colonel C... » de son récit Mes Camarades sont morts et a inspiré le personnage du « colonel Christian » de son roman Le Guet-Apens d’Alger, « Il n’y a plus d’inconvénient à dire que le général Chrétien est le colonel C... de Mes Camarades sont morts et qu’il a inspiré le personnage du colonel Christian du roman Le Guet-Apens d’Alger. », Pierre Nord, L'intoxication Arme absolue de la guerre subversive, Fayard, 1971, p. 441
↑« Le colonel Groussard et le capitaine Chrétien décident dans un premier temps de mettre sur pied « une organisation de résistance à la subversion » . Ils s'assurent tout de suite le concours d'une recrue de choix, le capitaine André Brouillard, chef du IIeme Bureau de la région militaire de Paris. Puis, ils nouent des relations avec Loustaunau-Lacau, de sorte que leur [réseau] fusionne à la fin du mois d'août 1936 avec le réseau Corvignolles pour ne donner qu'une seule organisation secrète dirigée par le triumvirat Loustaunau - Lacau, Groussard et Chrétien », Thierry Vivier, L'armée française et la guerre d'Espagne: 1936-1939 Officine, 2007, p. 65
Références
↑Acte de naissance no 70 du 16 avril 1900 de Le Cateau-Cambresis, côte 3 E 6585
↑ abc et dPréface de Gabriel Veraldi dans Pierre Nord, L'intoxication Arme absolue de la guerre subversive, Fayard, 1971, p. 20
↑Philippe Bourdrel, La Cagoule, Histoire d'une société secrète du Front populaire à la Ve République, Albin Michel, 2017, p. 178
↑Simon Epstein, Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, Paris, A. Michel, coll. « Histoire », , 622 p. (ISBN978-2-226-17915-9, OCLC470867615), p. 410