Le système vocalique allemand est riche de 16 à 17 voyelles et 3 diphtongues auxquelles s'ajoutent une dizaine de phonèmes d'origine étrangère.
Système vocalique de base
Les voyelles vont par paires constituées d'une voyelle tendue et d'une relâchée. On peut, par exemple, considérer les paires du /iː/ tendu dans Stil /ʃtiːl/ 'style' et du /ɪ/ relâché dans still /ʃtɪl/ 'calme', ou bien du /oː/ tendu dans Polen /ˈpoːlən/ 'Pologne' et du /ɔ/ relâché dans Pollen /ˈpɔlən/ 'pollen', ou encore du /øː/ tendu dans Höhle /ˈhøːlə/ 'grotte' et du /œ/ relâché dans Hölle /ˈhœlə/ 'enfer'. La forme tendue se retrouve en général dans les voyelles longues et dans certaines voyelles courtes de mots étrangers. La voyelle /ɛː/ ne fait pas partie d'une telle paire parce qu'elle est la seule voyelle longue qui est relâchée. L'existence réelle de l'opposition de tension dans la paire /ɑː/ dans Kahn 'barque' et /a/ dans kann 'peut' est réfutée par de nombreux linguistes pour qui ce n'est qu'une opposition de quantité /aː/ vs /a/.
Le schwa [ə] est considéré comme faisant partie du système des voyelles allemandes par quelques linguistes, mais comme un allophone de /ɛ/ dans les syllabes non accentuées par d'autres. Certaines variétés de l'allemand n'ont pas de [ə] mais seulement [ɛ] surtout dans l'allemand standard en Suisse ou dans le chant classique.
Le /r/ postvocalique est souvent vocalisé, surtout après les voyelles longues et dans la terminaison /ər/ et moins souvent après les voyelles courtes, par exemple wir [ˈviːɐ̯] 'nous', Messer [ˈmɛsɐ] 'couteau', Wirt [ˈvɪɐ̯t] 'tavernier'. Comme certaines variétés ne possèdent pas cette vocalisation, comme le standard prescriptiviste d'après Theodor Siebs ou l'allemand standard en Suisse, et [ɐ] est normalement considéré comme un allophone de /r/.
Une caractéristique morpho-phonétique du système allemand est l'alternance des paires de voyelles a /aː - a/ en ä /ɛː - ɛ/, o /oː - ɔ/ en ö /øː - œ/, et u /uː - ʊ/ en ü /yː - ʏ/. Cette alternance résulte essentiellement de la morphologie, par exemple prétérite ich war 'je fus'/'j'étais' vs. subjonctif passé ich wäre 'je serais' ou singulier Mutter 'mère' vs. pluriel Mütter 'mères').
Les nasales [ɛ̃] (in), [ɑ̃] (an), [œ̃] (un) et [ɔ̃] (on) sont importées du français et ont tendance à se dénasaliser dans la prononciation relâchée, par exemple /ˈtɛŋ/ au lieu de /ˈtɛ̃/ pour Teint.
Diphtongues
Les diphtongues faisant partie du système vocalique allemand sont fermantes et au nombre de trois : /aɪ̯/ (ei et ai), /aʊ̯/ (au) et /ɔʏ̯/ (eu et äu).
Un certain nombre de diphtongues, ouvrantes ou fermantes, sont importées de l'anglais (ex. Know-how, Aids).
Si /r/ est vocalisé, le nombre des diphtongues se multiplie.
Consonnes
Table 1. Consonnes de la langue allemande[1]. Sont soulignés les sons ne faisant pas partie du système phonétique fondamental de l'allemand mais intervenant dans les Fremdwörter (mots d'origine étrangère).
mode articulatoire
point d'articulation
sourdes
sonores
occlusif
bilabial
p
plus = plus
b
Birne = poire
dental
t
Tat = acte
d
denken = penser
vélaire
k
Kohl = chou
g
Garage = garage
glottal
ʔ¹
nasal
bilabial
m
Mutter = mère
alvéolaire
n
nein = non
vélaire
ŋ
Ring = alliance
fricatif
labio-dental
f
Fehler = faute
v
Wein = vin
dental
θ
Thriller
alvéolaire
s
Straße = rue
z
Sache = chose
post-alvéolaire
ʃ
Schule = école
ʒ
Journal
palatal
ç
China = Chine
ʝ²
Jahr = année
vélaire
x
Rache = vengeance
uvulaire
ʁ³
Reise = voyage
glottal
h
Hochzeit = mariage
affriqué
bilabial
p͡f
Pfeife = fifre
alvéolaire
t͡s
Zoll = Douane
post-alvéolaire
t͡ʃ
tschüss = salut (, au revoir)
d͡ʒ
Gentleman
latérale
alvéolaire
l
lecken = lécher
vibrante
alvéolaire
r³
Ring
uvulaire
ʀ³
Ring
Notes :
[ʔ], le coup de glotte ne correspond à aucun caractère écrit. Par exemple, Anne se prononce [ʔanə]. Il est absent dans les prononciations du sud et donc n'est souvent pas considéré comme faisant partie du système des voyelles allemandes ;
/j/ est classé, suivant les auteurs, comme une spirante [j] ou une fricative [ʝ] ;
/r/ a plusieurs prononciations possibles : [r] (vibrante alvéolaire roulée, par exemple en prononciation suisse), [ʀ] (vibrante uvulaire roulée, par exemple en prononciation autrichienne) et [ʁ] (fricative uvulaire, prononciation identique au "r" français, la plus courante en Allemagne) ; postvocalique, elle est souvent vocalisée produisant [ɐ̯], notamment après les voyelles longues et dans la terminaison /ər/, prononcée [ɐ].
Syllabes
Accent tonique
L'accent tonique allemand est un accent d'intensité et peut être primaire ou secondaire (d'intensité moindre). Sa position obéit aux principales règles suivantes (il existe cependant des irrégularités) :
l'adjonction d'un suffixe ou d'une désinence ne modifie pas, en général, la position de l'accent tonique (par exemple leiden ['laɪdn̩] ~ Leidenschaft ['laɪdn̩ʃaft]). Certains suffixes, souvent d'origine étrangère, portent cependant l'accent tonique : -abel/-ibel, -age, -and/-ant/anz, -är, -at, -ei, -eur/-euse, -ier, -ität, -iv, os, ös, -nell, -ur ;
certains préfixes sont accentués : les particules verbales séparables le sont ainsi que les préfixes nominaux erz-, miss-, um- et un-. Les particules inséparables verbales sont atones (dont miss- sauf quand son sens est purement péjoratif) ;
dans les mots composés, le radical de l'élément déterminant (1er terme) porte généralement l'accent principal, celui de l'élément ou des éléments déterminés un accent secondaire.
Écriture
La prononciation allemande est une bonne approximation de l'écrit à l'exception notable de celle des Fremdwörter (mots d'origine étrangère).
Consonnes
Une série de plusieurs consonnes peut être utilisée pour transcrire un seul phonème :
les consonnes doubles sont prononcées comme les consonnes simples : tt comme t, tz comme z, ck comme k ;
les séquences ch, dt, th, ph, dsch et sch.
Si les lettres en question font partie de deux mots différents d'un Kompositum (mot composé), elles se prononcent séparément:
Les consonnes peuvent être redoublées à l'écrit pour indiquer que la voyelle précédente est courte mais il n'y a pas de consonne longue. Les voyelles peuvent aussi être suivies d'un hdiacritique (Dehnungs-h) pour indiquer qu'elles sont longues. Dans une syllabe, une voyelle est généralement longue lorsqu'elle est la dernière lettre ou suivie d'une seule consonne et est toujours longue lorsqu'elle est redoublée ou suivie d'un h diacritique.
Dans les mots d'une seule syllabe, la voyelle est le plus souvent longue.
La liste ci-dessous donne la prononciation des voyelles et des diphtongues.
lettre
son
bref
long
a
[a]
[aː]
ai / ay / ei / ey
[aɪ̯]
au
[aʊ̯]
ä
[ɛ]
[ɛː]
e
[ɛ]
[eː]
[ɔʏ]
[ə] (quand il est atone)
i
[ɪ]
[iː]
ie
[iː]
o
[ɔ]
[oː]
ö
[œ]
[øː]
u
[ʊ]
[uː]
ü / y
[ʏ]
[yː]
Prononciation des mots d'emprunt
Les mots d'emprunt sont généralement prononcés d'après leur prononciation dans leur langue d'origine. Les particularités phonétiques les plus courantes concernent les lettres ou groupes de lettres suivants :
a
[ɛə] dans des mots anglais (Jobsharing)
ai, ais, ait, ei, et
[ɛ] ou [eː] dans des mots français (Portemonnaie)
an, en
[ã] dans des mots d'origine française (balancieren)
[ãː] dans des mots d'origine anglaise (Balance)
ch
[ʃ] dans des mots d'origine française (Chauvi)
[tʃ] dans des mots d'origine espagnole (macho)
dsch
[dʒ] dans la transcription de mots arabes, russes, etc. (Falludscha)
eu
[øː] ou [œː] dans des mots d'origine française (Friseur)
in, ain, ein
[ɛ̋] dans des mots d'origine française (Interieur)
[ɛ̋ː] dans des mots d'origine française (Satin)
oi
[ɔʏ] dans des mots d'origine anglaise (Joint)
[wa] dans des mots d'origine française (Loire)
on
[õ] dans des mots d'origine française (Fondue)
[õː] dans des mots d'origine française (Fonds)
ou
[au] dans des mots d'origine anglaise (Black-out)
[u] dans des mots d'origine française
ow
[oʊ] dans des mots d'origine anglaise (Show)
th
[θ] dans des mots d'origine anglaise (Thriller)
v
[v] dans des mots d'origine étrangère (Rive)
y
[aɪ] dans des mots d'origine anglaise (Style)
Note : la prononciation populaire tend à supprimer les nasales françaises.
Difficultés orthographiques connexes
On notera les ambiguïtés suivantes :
[ɔʏ] peut s'écrire äu ou eu ;
[ɛ] peut s'écrire ä ou e ;
[f] peut s'écrire f, v ou ph dans les mots d'emprunt ;
dans quelques mots, les voyelles courtes sont suivies, contrairement à la règle, par une consonne simple.
L'orthographe traditionnelle recèle ainsi quelques chausse-trapes, y compris parmi les mots de même famille dont le radical connaît plusieurs graphies :
Un coup de glotte débute les mots allemands qui commencent par une voyelle, y compris à l'intérieur d'un mot composé, sauf en allemand du sud.
Codage phonétique des mots
Afin d'automatiser la recherche d'homophonies approximatives, un spécialiste de la lutte contre la contrefaçon, Hans-Joachim Postel (1925 † 2013), a développé l’algorithme phonétique de Cologne (ou méthode phonétique de Cologne). L'idée est similaire à celle de l'algorithme Soundex de Russell, mais ce système est mieux adapté aux spécificités de l'orthographe allemande, notamment pour le système des chuintantes et l'accentuation initiale des mots.
Notes
↑Pour une discussion détaillée des consonnes allemandes du point de vue synchronique et diachronique voir Fausto Cercignani, The Consonants of German: Synchrony and Diachrony. Milano, Cisalpino, 1979.
Bibliographie
(en) Fausto Cercignani, The Consonants of German: Synchrony and Diachrony. Milano, Cisalpino, 1979.