De 1933 à 1970, il est une figure importante du Parti communiste français. Après en avoir été exclu, il se rapproche des milieux écologistes conservateurs. Outre ce parcours politique, il s'est aussi engagé dans les questions religieuses et s'est converti successivement au protestantisme, au catholicisme puis à l'islam.
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Il devient ensuite rédacteur en chef de Radio-France à Alger, mais démissionne au bout de quelques mois pour devenir le collaborateur d'André Marty à l'hebdomadaire communiste Liberté.
Membre du comité central du PCF en 1945, il est élu député communiste du Tarn (1945-1951), puis de la Seine (1956-1958), et sénateur de Paris (1959-1962). En février 1949, il est notamment témoin cité par les avocats de la défense du journal Les Lettres françaises, attaqué en diffamation par Viktor Kravtchenko.
Directeur du Centre d'études et de recherches marxistes, Roger Garaudy a longtemps été l'un des « philosophes officiels »[7] du Parti communiste jusqu'à son ralliement aux thèses de l'extrême gaucheautogestionnaire en mai 1968. À cette époque, il défend déjà des thèses négationnistes concernant le goulag. L'historien Marc Ferro lui reproche aussi d'avoir minimisé les appels au terrorisme de Lénine lors de la révolution d'Octobre : à propos d'une lettre de juin 1918 où Lénine appelle à la « terreur de masse », Marc Ferro pointe que « Roger Garaudy oubliera ce passage dans l’édition des œuvres complètes de Lénine (1958-1976) »[8] dont il avait dirigé la traduction en 47 volumes aux Éditions sociales[9].
Il est exclu du PCF en juin 1970 pour ses positions non-conformes à la « ligne du Parti ». Après l'étouffement du « printemps de Prague », il a critiqué les formes de communisme du « bloc de l'Est ». Puis dans Le grand tournant du socialisme, il a évoqué une « nouvelle révolution scientifique et technique » qui impose une « nouvelle analyse de la lutte des classes » (le « bloc historique nouveau ») et une démocratisation du parti. Il a aussi défendu la vision d'un communisme humaniste et ouvert aux spiritualités, ce qui l'a amené à de vives oppositions avec la lecture du marxisme défendue par Louis Althusser.
Écologie et candidature à la présidence de la République
En 1978, Roger Garaudy témoigne au procès de Fañch Le Henaff, un objecteur de conscience inculpé de « refus de carte du service national ». Il déclare au président du tribunal :
« Je vous remets ma médaille militaire, ce qui fut autrefois le symbole de la liberté, ma croix de guerre avec deux citations car si Fanch Hénaff était condamné, elle n'aurait plus aucun sens. Vous en ferez ce que vous voudrez[10]. »
Après son exclusion du Parti communiste, Roger Garaudy se rapproche des milieux régionalistes et écologistes[11]. Il annonce même son souhait de présenter sa candidature à l'élection présidentielle française de 1981 en publiant en mai 1979 son livre Appel aux vivants. Une association du même nom est créée[12], et cette candidature est débattue, parmi d'autres, à l'occasion des assises de Lyon du Mouvement d'écologie politique qui se tiennent en mai 1980 : au terme d'une élection primaire, c'est toutefois la candidature de Brice Lalonde qui est retenue, tandis que Roger Garaudy défendait, selon l'historien Alexis Vrignon, qui a étudié les archives de l'époque, une « critique naturiste et conservatrice du progrès »[13].
Conversion à l'islam
Roger Garaudy s'implique alors dans le dialogue international des cultures et des religions, question déjà très présente dans son Appel aux vivants, et se convertit à l'islam en 1982 sans pour autant renoncer au marxisme. Ibn Baz, cheikhsalafistesaoudien, le nomme membre du Conseil supérieur international des mosquées. Cependant, là aussi, Garaudy adopte une vision personnelle de ses appartenances idéologiques, déclarant en novembre 1996 : « J'ai atterri dans l'islam sans me défaire de mes croyances personnelles ni de mes convictions intellectuelles ». Ce qui a fait dire au cheikh dans une fatwa que le philosophe français était un « hypocrite » et un « impie originel »[14].
Fondation
Roger Garaudy a créé sa propre fondation en Espagne à Cordoue, dans la tour de la Calahorra, la « fondation Roger-Garaudy ». On y découvre plusieurs personnages qui retracent l'histoire de l'islam en Espagne à l'époque d'Al-Andalus. La fondation octroie en 1991 son prix pour la recherche historique à Ismaël Diadié Haïdara — qui découvrira plus tard être un descendant de Juifs d'Espagne — pour son ouvrage L’Espagne musulmane et l’Afrique subsaharienne[15],[16].
Controverses
De l'antisionisme au négationnisme
Roger Garaudy est l’auteur d’un ouvrage intitulé Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, qui fut publié en 1995 par les éditions La Vieille Taupe qui ne le servit qu'à ses propres abonnés, puis réédité en 1996. Cet ouvrage, se compose de trois chapitres principaux : « Les mythes théologiques », « les mythes du XXe siècle » et « l'utilisation politique du mythe ».
Il soutient la thèse négationniste d'un « complot sioniste », qui, pour justifier l'expansionnisme israélien, aurait « inventé la Shoah ». Garaudy y nie le génocide commis par les nazis contre les Juifs, et rejette les travaux des historiens accumulés depuis des décennies. Il adopte ainsi les thèses fondamentales du négationnisme : Hitler n'aurait pas donné l'ordre de l'extermination ; le mot « extermination » serait une fausse traduction et désigne en fait l'expulsion des Juifs ; les Juifs furent décimés par le typhus et les fours crématoires servaient à brûler les cadavres des victimes de la maladie ; il n'y aurait pas de sources ni de témoins fiables ; les crimes des Alliés seraient pires que ceux des nazis ; les chambres à gaz n'auraient pas existé ; des tortures auraient été infligées aux prisonniers nazis pour leur faire avouer le génocide ; il y aurait un « complot juif » international ; les thèses négationnistes ne seraient pas scientifiquement réfutables ; il existerait des impossibilités matérielles d'utiliser le gaz Zyklon B pour tuer les victimes et de faire fonctionner les fours crématoires comme cela a été décrit. Comme ses autres convictions successives, l'antisionisme de Roger Garaudy est radical et l'avait conduit, dès 1982, à comparer sionisme et nazisme[17].
Roger Garaudy a été condamné, le , pour contestation de crimes contre l’humanité et diffamation raciale. Dans ses attendus, le tribunal souligne que « loin de se borner à une critique du sionisme […] Roger Garaudy s’est livré à une contestation virulente et systématique des crimes contre l’humanité commis contre la communauté juive ». Rejetant l’argument selon lequel son livre serait « antisioniste » et non « antisémite », les magistrats expliquent que l'auteur, « bien qu’il s’en défende, présente sous forme d’une critique politique […] d’Israël ce qui n’est qu’une mise en cause de l’ensemble des Juifs ». Ce jugement a été confirmé en appel le , Garaudy étant en outre condamné pour provocation à la haine raciale[22],[23],[24],[25]. Ses pourvois en cassation ont été rejetés par la chambre criminelle le 12 septembre 2000[26]. Son recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, fondé sur la violation de l'article 10 (liberté d'expression) de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention, de l'article 4 du Protocole no 7 (droit de ne pas être jugé ou puni deux fois) et des articles 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention, a été déclaré irrecevable par la Cour, le 24 juin 2003[27], les juges européens déclarant :
« Comme les juridictions nationales l'ont démontré, que le requérant a fait siennes les thèses négationnistes et a remis en cause systématiquement les crimes contre l'humanité commis par les nazis envers la communauté juive. [Ce livre, qui a] dans son ensemble, un caractère négationniste marqué, va à l'encontre des valeurs fondamentales de la Convention, à savoir la justice et la paix. […] Aucun élément ne permet d'établir que M. Garaudy n'a pas bénéficié d'un procès équitable[28]. »
Aventures de la dialectique ou dialectique d'une aventure? in Mésaventures de l’anti-marxisme – Les malheurs de M. Merleau-Ponty (ouvrage collectif), Paris, Éditions Sociales, 1956 ; p. 7-98.
L'Économie socialiste au service du peuple, Les Conférences éducatives du Parti communiste français, 14 mai 1956.
Humanisme marxiste : cinq essais polémiques, Paris, Éditions Sociales, 1957.
Questions à Jean-Paul Sartre, précédées d’une lettre ouverte, Paris, Revue Clarté, coll. « Clarté », 1960.
Du surréalisme au monde réel : l'itinéraire d'Aragon, Paris, Gallimard, coll. « Vocations », 1961.
Qu’est-ce que la morale marxiste?, Paris, Éditions Sociales, coll. « Notre temps », 1963.
D'un réalisme sans rivages Picasso Saint-John Perse Kafka, préface de Louis Aragon, Paris, Plon, 1963.
Karl Marx, Paris, Seghers, 1965.
D’un réalisme sans rivage, Paris, Plon, 1965.
De l’anathème au dialogue : un marxiste s'adresse au Concile, Paris, Plon, coll. « Débats de notre temps », 1965.
Marxisme du XXe siècle, Paris-Genève, La Palatine, 1966.
La Pensée de Hegel, Paris, Bordas, coll. « Pour connaître la pensée », 1966.
Le Probleme chinois, Paris: Seghers, 1967.
Le Probleme chinois : suivi de textes essentiels de Mao Tsé-toung et du parti communiste chinois, Paris, Union Générale d'éditions, coll. « Le monde en 10-18 », 1968.
Lénine, Paris, PUF, coll. « Philosophes », 1968.
Pour un réalisme du XXe siècle : dialogue posthume avec Fernand Léger, Paris, Grasset, 1968.
Pour un modèle français du socialisme, Paris, Gallimard, coll. « NRF Idées actuelles », 1968.
Peut-on être communiste aujourd'hui ?, Paris, Grasset, 1968.
La liberté en sursis : Prague 1968, Paris, Fayard, coll. « En toute liberté », 1968.
Le Grand tournant du socialisme, Paris, Gallimard, coll. « NRF Idées actuelles », 1969.
Marxistes et chrétiens face à face, en collaboration avec Q. Lauer, Paris, Arthaud, coll. « Notre temps », 1969.
Toute la vérité, Paris, Grasset, 1970.
Reconquête de l'espoir, Paris, Grasset, 1971.
L’Alternative : changer le monde et la vie, Paris, Robert Laffont, coll. « Libertés 2000 », 1972.
Danser sa vie, préface de Maurice Béjart, Paris, Le Seuil, 1973.
60 œuvres qui annoncèrent le futur : 7 siècles de peinture occidentale, Genève, Skira, 1974.
Parole d'homme, Paris, Robert Laffont, 1975.
Le Projet espérance, Paris, Robert Laffont, coll. « Réponses/écologie », 1976.
Pour un dialogue des civilisations : l'Occident est un accident Paris, Denoël, coll. « Coudées franches », 1977 (ISBN979-1090896000).
Qui dites-vous que je suis ? (roman), Paris, Le Seuil, 1978.
↑« Philosophe officiel » est un oxymore du point de vue strictement philosophique, qui implique une totale liberté de conscience, de pensée et d'expression, mais pas du point de vue historique et social, car les « philosophes officiels » ont été nombreux au cours de l'histoire de la philosophie, engagés dans telle ou telle puissance politique de leur temps par choix intellectuel et/ou par intérêt matériel.
↑Marc Ferro, Russie, 6 janvier 1918 : tout le pouvoir aux bolcheviks, in Le Monde, 22 juillet 2017.
↑Alexis Vrignon, La Naissance de l'écologie politique en France. Une nébuleuse au cœur des années 68, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2017, p. 264.
↑Antoine Basbous, l'Arabie Saoudite en question, Perrin, 2002, p. 147.
↑« Lecture : Jean Moreau », Synergies : Monde méditerranéen n° 2, , p. 287-292 (lire en ligne)
↑Dans son article intitulé « le Sens du l'agression israélienne » publié le 17 juin 1982 dans Le Monde et cosigné par Michel Lelong et Étienne Mathiot, Garaudy « prétend qu'Israël est un « État raciste », dont le modèle, proche du nazisme hitlérien, n'aurait d'autre fin que « la guerre permanente » et « la suppression du peuple palestinien ». Pour Garaudy, le « sionisme » est assimilable à l'antisémitisme » ; voir Michaël Prazan, Adrien Minard, « Le « placard » antisioniste du Monde », dans Roger Garaudy - Itinéraire d'une négation, Calmann-Lévy, 2007, 448 p. (ISBN978-2702145814) [EPUB] emplacements 2741 et suiv. sur 9200. Voir également Pierre-André Taguieff, « L'antisionisme arabo-islamophile », Sens. Revue de l'amitié judéo-chrétienne de France, no 11, novembre 1982.
↑« La cour d'appel alourdit la peine de Roger Garaudy », La Croix, 17 décembre 1998.
↑« Cour d'appel de Paris : peines alourdies pour Roger Garaudy », Le Figaro, 17 décembre 1998.
↑Armelle Héliot, « Jugement le 27 février – Procès Garaudy : Me Jacques Vergès et le catalogue des horreurs », Le Figaro, 17 janvier 1998.
↑Armelle Héliot, « L'écrivain reconnu coupable de contestation de crimes contre l'humanité – Garaudy : les Mythes sans excuses », Le Figaro, 28 février 1998.
Salim Bustros, Socialisme, christianisme et libération de l'homme dans la pensée de R. Garaudy, Thèse de théologie, Université de Louvain, 1976.
Georges Cottier, Chrétiens et marxistes. Dialogue avec Roger Garaudy, préface du Marie-Dominique Chenu, Mame, Tours, 1967.
André Dupleix, Le socialisme de Roger Garaudy et le problème religieux, Privat, 1971.
Serge Perottino, Garaudy, Seghers, collection Philosophes de tous les temps, 1969.
Joseph Gabel, « M. Garaudy, Kafka et le problème de l'aliénation (A propos de l'essai : D'un réalisme sans rivages) », Socialisme ou barbarie, Volume VII (16e année), n° 37, juillet-septembre 1964, p. 54-64. Lire en ligne
Didier J-F Gauvin, Un intellectuel communiste illégitime Roger Garaudy, éditions du Croquant, 2022, préface de Michel Dreyfus (ISBN9782365122825), présentation en ligne).
Claude Glayman, Garaudy par Garaudy, La Table Ronde, 1970.
Robert Goulon, L'itinéraire spirituel de Roger Garaudy, Thèse, Université de Metz, 1983.
Lemba-Tiebwa, Fondements philosophiques du socialisme de Roger Garaudy. Pour une remise en question du socialisme africain, Thèse, Université Lubumbashi, 1982..