Un venin est une substance toxique produite par des animaux qui s'en servent pour tuer ou paralyser leurs proies, ou pour se défendre. Les venins sont souvent des mélanges complexes de substances chimiques variées, surtout des enzymes qui servaient probablement originellement à faciliter la digestion des proies.
Plus ces sucs digestifs sont concentrés, plus le venin est puissant. Toutefois, la dangerosité de l'animal venimeux est également fonction de son agressivité et de la dose de venin injectée (quand il existe un système inoculateur tel que dard ou dent, ce qui n'est pas toujours le cas), de sorte que les espèces les plus venimeuses ne sont pas forcément les plus dangereuses.
Jusqu'en 2005, seuls les serpents contenant des crochets à venins à l'avant de la mâchoire étaient considérés comme très venimeux, donc les plus étudiés (soit 600 espèces comme les cobras, les vipères ou les serpents à sonnette). Des études depuis 2005 sur la systématique des serpents montrent que leur glande à venin est à l'origine de toutes celles des reptiles (4 900 espèces sont concernées soit 60 % des reptiles) dont les Colubridae qui n'ont pas de crochet mais sont majoritairement venimeux. De plus, la méthode de criblage à haut débit permet d'extraire et d'identifier rapidement toutes les molécules thérapeutiques[1]. L’Australie est le seul pays où l’on trouve plus de serpents venimeux que non venimeux. On y trouve aussi le plus grand nombre d'animaux venimeux au monde et parmi les espèces les plus venimeuses au monde.
Dans le cas de plantes vénéneuses, on ne parle pas de venin, mais plutôt de « toxines » ou de « poisons ».
Au Venezuela, il existe entre 150 et 200 espèces de scorpions, inoffensifs pour l’être humain, mais ceux appartenant au genre Tityus (contenant 28 espèces) sont très dangereux. Toute piqûre de scorpion ayant lieu à plus de 600 mètres d'altitude doit être considérée comme dangereuse car les espèces de ce genre vivent au-dessus de cette altitude, dont le très venimeux Tityus discrepans[2].
On classe parfois le dragon de Komodo — un varan géant d'Indonésie et le plus grand lézard actuel — comme venimeux, car sa salive, contenant des bactéries pathogènes, est toxique.
Cette notion populaire concernant l'utilisation des bactéries toxiques a été rejetée par le scientifique Brian Grieg Fry et son équipe de spécialistes du Venomics Research Laboratory de l'université de Melbourne. Il a découvert des glandes à venin et déclare dans son étude : « Nous rejetons la notion populaire concernant l'utilisation des bactéries toxiques. Au lieu de cela, nous démontrons que les effets des blessures profondes infligées sont potentialisés par le venin avec des activités toxiques, notamment l'anticoagulation et l'induction de choc »[3].
Les principaux composants du venin sont des enzymes comme les protéases, qui détruisent les tissus, l’hyaluronidase, qui augmente la perméabilité des tissus (le venin peut se propager plus rapidement), les phospholipases, qui attaquent les membranes cellulaires, et les phosphatases, qui dégradent divers composés chimiques.
Le venin est un composé de polypeptides assemblés en des chaînes alpha et beta. Chaque peptide est responsable d'un caractère du venin. Les caractères du venin les plus incriminés dans la mort par inoculation de venin sont les neurotoxines, qui affectent directement l’exocytose au niveau des neurones, ce qui engendre une paralysie des muscles et des troubles respiratoires.
Par le passé on déterminait les types de venins en fonction de deux types de symptômes : action soit sur le système sanguin, soit sur le système nerveux (neurotoxiques). Dans la pratique, cette distinction n'est pas si simple. Ainsi un venin qui perturbe le système sanguin provoque souvent des troubles nerveux et inversement. Et un venin peut être à la fois anticoagulant et coagulant, ce qui complique alors le traitement.
Les principaux agents toxiques des venins sont les suivants :
des neurotoxines paralysantes dont l'action est comparable à celle du curare (« curare-like ») mais qui ne sont pas contrecarrées par les antagonistes du curare telle l'ésérine (ce produit sera donc inutile dans la trousse de survie) ;
des cytolysines détruisant les cellules, à l'origine de nécroses cutanées parfois très importantes, allant jusqu'à l'os (myotoxine des hydrophiidés en particulier) ;
des hémolysines attaquant plus spécifiquement les globules rouges du sang (voir hémolyse) ;
des substances histaminiques entraînant des réactions vasomotrices responsables du choc observé après morsure par les vipéridés. Il existe beaucoup d'autres substances aux actions enzymatiques très diverses.
Et comme la plupart des venins combinent plusieurs de ces actions, cela rend alors une systématisation des venins quasiment impossible.
Liste des effets et actions sur l'organisme
Les venins peuvent entraîner des manifestations cliniques d'ordre toxiques ou allergiques, locales, loco-régionales ou systémiques, d’apparitions immédiates, semi-retardées ou retardées selon le mécanisme physiopathologique[4] :
effets neurotoxiques sur le système nerveux, le cerveau et la moelle épinière ;
paralysie du système respiratoire ;
action coagulante sur le sang ;
altération des vaisseaux sanguins provoquant des hémorragies ;
action anticoagulante ;
destruction des globules rouges ;
action sur le cœur, baisse de la tension artérielle ;
La dose létale médiane d'une substance (DL50) correspond à la dose de cette substance qu'il est nécessaire d'injecter pour provoquer le décès de la moitié des animaux testés. L'indicateur mesure donc la masse du produit permettant de tuer 50 % des animaux. Ainsi, plus le chiffre donné par l'indicateur est petit, et plus le produit est dangereux. Elle se mesure en général en milligrammes de substance par kilogramme d'animal testé (mg/kg).
L'idée de dose létale médiane a été énoncée en 1927 par J. W. Trevan dans l'objectif de classer les substances chimiques en fonction de leur létalité[5]. Cet indicateur de mesure n'est absolument pas spécifique aux venins, il a initialement été conçu pour des produits utilisés fréquemment en chimie de laboratoire.
La dose létale médiane est extrêmement difficile à déterminer car elle dépend de nombreux paramètres notamment :
le type d'animal testé. Les résultats sont différents si on effectue les tests sur des souris, des rats, ou d'autres espèces ;
le mode d'introduction dans l'organisme : ingestion, inhalation, etc. ;
le sexe et les caractéristiques physiques de l'animal.
L'homme n'étant évidemment jamais l'objet des tests, les mesures de DL50 trouvées avec d'autres animaux ne sont pas applicables à l'homme. On peut toutefois en déduire une idée relative de la toxicité pour l'homme.
Les gènes codant les nombreuses toxines des venins[b] procèdent de gènes codant des protéines utiles au métabolisme des taxons devenus venimeux. La dynamique évolutive d'une dizaine de gènes de toxines a été étudiée chez 52 espèces de serpents venimeux (des colubridés, des élapidés et des vipéridés)[14] : le réseau de régulation de ces gènes, qui en contrôle l'expression, est très conservé, identique à celui agissant dans les glandes salivaires des autres amniotes (dont les mammifères et les oiseaux). Il semble que chez les ancêtres de ces serpents le réseau a d'abord surexprimé des protéines de la salive, notamment des kallicréines. Ces dernières, quand elles sont ingérées avec les aliments, favorise leur assimilation grâce à un afflux de sang autour du tube digestif (par vasodilatation) ; mais quand elles sont injectées dans des proies, elles leur sont toxiques par inflammation et coagulation sanguine. Ces protéines ont ensuite divergé par de nombreuses mutations et sont devenues plus toxiques sous la pression de la sélection naturelle[13].
Les venins des serpents sont très puissants : les 110 mg de venin délivrés par une morsure du Taïpan du désert (Oxyuranus microlepidotus), par exemple, suffiraient à tuer 250 000 souris, 12 000 cochons d'Inde ou 100 humains[13]. À première vue la sélection naturelle aurait dû privilégier un dosage plus proche du minimum nécessaire, moins coûteux. La comparaison des génomes de vingt habus de Taïwan (Protobothrops mucrosquamatus)[15] suscite une explication possible : chaque protéine du venin, et donc aussi le gène qui la code, peut être divisée en différents domaines dont certains sont constants d'un individu à l'autre (sans doute le résultat d'une forte sélection) et d'autres très variables (par dérive génétique). Le grand excès de venin injecté à chaque morsure pourrait permettre d'explorer de grandes variations des protéines du venin sans courir le risque que des mutations défavorables (rendant le venin moins efficace) mettent en danger la survie du prédateur, la sélection naturelle faisant en définitive le tri[13].
↑Le venin des serpents, notamment, comporte généralement 27 toxines principales[13].
Références
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↑(en) J. W. Trevan « The Error of Determination of Toxicity » Proc. R. Soc. Lond. B 1927 ;101(712):483-514. DOI10.1098/rspb.1927.0030
↑(en) Ivakhnenko, M.F., « The first Whaitsiid (Therocephalia, Theromorpha) from the Terminal Permian of Eastern Europe », Paleontological Journal, vol. 42, no 4, , p. 409–413 (DOI10.1134/S0031030108040102, S2CID140547244)
↑(en) J. Liu et F. Abdala, « The emblematic South African therocephalian Euchambersia in China: a new link in the dispersal of late Permian vertebrates across Pangea », Biology Letters, vol. 18, no 7, , p. 20220222 (ISSN1744-957X, DOI10.1098/rsbl.2022.0222, S2CID250496663)
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(en) Sullivan JB, Wingert WA, Norris Jr RL. North American Venomous Reptile Bites. Wilderness Medicine: Management of Wilderness and Environmental Emergencies, 1995 ; 3: 680-709.