Église Saint-Nicolas de CivrayÉglise Saint-Nicolas de Civray
L'église Saint-Nicolas est une église catholique située à Civray, commune du département de la Vienne, en région Nouvelle-Aquitaine en France[1]. C'est l'un des édifices majeurs de l'art roman en Poitou. Histoire et descriptionSaint-Nicolas de Civray est une église du XIIe siècle à façade saintongeaise rectangulaire richement sculptée sur deux étages de trois arcades, limitée par deux clochetons d'angle. Ces clochetons couverts d'écailles ont été rajoutés au XIXe siècle. Il est rare, en Poitou, que l'agencement de la façade corresponde à l'articulation intérieure de l'église. Saint-Nicolas en offre, pourtant, un bel exemple. En effet, les arcatures aveugles du deuxième étage, alignées au même niveau, répondent par leur position aux trois nefs de l'église-halle. L'église est classée au titre des monuments historiques dès la première liste de 1840 ; les terrains attenants sont classés en 1934[1]. L'église Saint-Nicolas est construite en moyen appareil ocré et régulier en façade, et en appareil irrégulier sur les flancs. Son planLe plan de l'église est traditionnel pour une église romane. Ainsi, il se retrouve dans une soixantaine d'églises en Poitou. Il prend la forme d'une croix latine avec une nef et deux collatéraux, un transept saillant sur lequel ont été rajoutées deux absidioles et un chœur d'une travée qui se termine par une abside. Aspect extérieurLa façade - vue d'ensembleIndubitablement, l’intérêt de l'église Saint-Nicolas de Civray réside dans sa façade même si cette dernière a souffert du temps et des hommes. Elle présente toujours de nos jours, un ensemble décoratif et iconographique d'une grande richesse et d'une remarquable qualité. La façade de l'église Saint-Nicolas est, avec celle de l'église Notre-Dame-la-Grande de Poitiers, une des façades d'église de l'époque romane du Poitou les plus riches. Sa façade-écran rectangulaire, flanquée de deux faisceaux de colonnes, est plus large que haute : 19 mètres de largeur pour 14 mètres de hauteur. La façade est rythmée verticalement par trois travées d'arcatures et horizontalement par des corniches saillantes formées d'une succession de petits arcs reposant sur des modillons. Ces derniers offrent des surfaces qui permettent aux sculpteurs romans de laisser libre cours à leur imagination : têtes d'animaux sauvages (aigle, renard tenant un fromage dans sa gueule) ou domestiques (une vache aux cornes très reconnaissables), diablotins, têtes humaines, très réalistes, présentées de face et toutes différentes, grimaçantes, difformes ou souriantes. À noter, le visage d'une femme aux longs cheveux, vue de profil, avec deux dés sculptés devant elle. La façade accuse une forte horizontalité du fait de l'absence d'un pignon triangulaire qui lui aurait donné de l'élan. Est-ce un parti pris architectural ou, peut-être, un manque de moyens financiers ? Restauration de la façadeAu XIXe siècle, la façade occidentale présente deux pathologies : la partie basse est altérée par des remontées capillaires d'eau, la partie haute au niveau du pignon est désolidarisée de la voûte de la première travée et penche vers l'ouest. Pour traiter ces problèmes trois architectes ont été successivement consultés entre 1838 et 1840. L'architecte voyer J. Serpt est consulté en septembre 1838. Il propose de remplacer les pierres endommagées et d'accrocher la façade aux murs gouttereaux par des tirants. Les travaux ne sont pas entrepris immédiatement et l'église subit les crues de la Charente pendant l'hiver 1839-1840. L'architecte départemental de la Vienne Dulin a proposé un nouveau devis en décembre 1840 reprenant les solutions de son prédécesseur. L'église est classée au titre des monuments historiques en 1840. À la demande du ministre de l'Intérieur et des Cultes charge Maximilien Lion d'une mission pour la Commission des monuments historiques. Il se rendit sur le chantier au début de l'année 1841. Dans son rapport, il écrit que l'origine des pathologies vient du chéneau situé à l'arrière du parapet qui avait pris l'eau et les maçonneries étaient gorgées d'eau. Il déconseille la pose de tirants, propose de couler du lait de chaux dans le corps du mur et de rejointoyer la totalité des blocs de la façade après les avoir brossé. Dulin s'opposant à la dépose des tirants, un autre architecte, membre de la Commission des monuments historiques, est missionné : Auguste Caristie. Dans son rapport du il écrie que les maçonneries de la façade ne sont pas en assez bon état pour être ancrées sur les murs gouttereaux et qu'il faut d'abord les restaurer. Il est décidé de restaurer la partie basse par des reprises en sous-œuvre, de déposer et de remonter le registre supérieur de la façade, de poser des tirants reliant la façade aux piliers orientaux de la première travée, de consolider la voûte de la première travée et de rejointoyer la façade. Le chantier est repris le sous la direction de Maximilien Lion. Les travaux sont confiés à J.-B. Barles, sculpteur, mouleur et appareilleur[2]. Lors du démontage de la façade en 1842, il a été possible de constater la présence de nombreuses traces de polychromie, notamment des bleus et des rouges. Les sculptures étaient donc peintes[3]. Le rez-de-chausséeLe portailLe portail comporte quatre voussures :
Le recours simultané aux deux formes d'agencement (radial et tangentiel) des figures témoigne d'une étroite parenté avec le portail occidental de l'église Saint-Pierre d'Aulnay. Ce dernier servit, en effet, de modèle pour de nombreux portails du Poitou et de la Saintonge. Les arcatures encadrant le portail
L'intérieur des deux arcatures géminées encadrant le porche sont richement décorées. Parmi ce décor caractérisé par des motifs géométriques très soignés, il est possible de reconnaitre quelques scènes bibliques :
La porte en bois avec ses pentures, a été réalisée par Pierre Amédée Brouillet (1826-1901). Le premier étage de la façadeL'arcature centraleL'arcature centrale abrite une baie d'axe en plein cintre. Elle est plutôt petite mais deux séries de voussures la mettent en valeur. La première est décorée de palmettes et de rinceaux. La deuxième évoque le thème emprunté à l'écrivain latin Prudence, de la psychomachie, c'est-à-dire du combat des vertus et des vices. Les vertus sont représentées par des chevaliers au nombre de six, portant casque, cotte de mailles et bouclier pointu comme ceux représentés sur la tapisserie de la reine Mathilde à Bayeux. Certains boucliers sont marqués d'une croix. Les chevaliers, de leur lance, transpercent des diablotins squelettiques. Autant les chevaliers ont une pose hiératique, autant les diablotins sont contorsionnés et convulsionnés. Certains diables se suicident avec leur épée. Au Moyen Âge, la gesticulation est mal perçue. Le "gesticulateur" est un possédé du diable. Cette scène peut être vue aussi à l'église Saint-Pierre d'Aulnay, à l'église d'Argenton-Château... Les deux voussures reposent sur des chapiteaux qui représentent, à gauche deux sirènes-oiseaux à tête unique et deux quadrupèdes affrontés et à droite, un buste de femme tenant deux disques ornés de croix. Cette sculpture symboliserait l'Église présentant au monde l'Eucharistie. La fenêtre est entourée d'une statue de saint Paul à gauche et de saint Pierre à droite. L'arcature de gaucheL'arcature de gauche représente des anges louant Dieu avec des instruments de musique du XIIe siècle. En dessous était placée une statue équestre, très mutilée pendant les Guerres de Religion que les historiens, notamment Émile Male, ont longtemps supposé représenter l'empereur Constantin. En effet, pour Émile Male, les clercs et les pèlerins allant à Rome avaient vu devant l'église du Latran, qui était l'église du Pape avant la construction de la basilique Saint-Pierre, la statue équestre de l'empereur Marc Aurèle. Sur celle-ci, une inscription mal interprétée la faisait passer pour celle de Constantin le Grand, premier empereur à avoir associé l'église chrétienne à son pouvoir, symbolisant l'alliance du pouvoir temporel au pouvoir spirituel. Il est l'archétype du Roi Très Chrétien. Ceci peut expliquer que plus de 30 façades poitevines et plus de 60 façades d'églises en France soient ornées d'un cavalier. En fait, il s'agirait du Christ en Roi des Rois et le petit personnage au sol incarnerait le paganisme vaincu. La voussure principale est sculptée de 18 anges aux ailes déployées qui semblent sortir de médaillons. Ils ont tous des attitudes différentes et jouent d'instruments de musique différents : viole, flûte de pan, clochette, flûte, vielle, olifant, harpe trigone, tympanon, triangle ou sistre. Ces anges jouent un concert qui célèbre le triomphe de la Foi. Sur le cordon externe, se succèdent tiges perlées entrelacées, feuilles, palmettes avec une petite tête d'animal à chaque extrémité. De part et d'autre, les chapiteaux des colonnettes représentent des gloutons, ces monstres qui avalent le fut de la colonne. Le glouton saintongeais est un symbole de menace qui peut peser sur tout pilier de l’Église. C'est l'anti-Atlante. Le glouton porte le nom aussi de Grande-Goule, Engouleur ou Bouffe-colonne. Le plus beau est visible sur l'église d'Échillais. À côté du chapiteau de la colonnette de droite, figure une main dont les doigts sont dirigés vers le haut et dont la signification est inconnue. L'arcature de droiteL'arcature de droite est supportée par deux statues-colonnes représentant la musique et la danse. Sur l'arcature elle-même sont sculptés les Vieillards de l'Apocalypse. Ils sont au nombre de 12, avec des attitudes variées.Ils portent à la main différents objets : livre,parchemins... et font un signe de bénédiction de l'autre main. Un des vieillard présente de ses deux mains, un livre ouvert vers le spectateur. Un autre, à gauche de la clé de voute de l'arc, a une viole. Ils entourent deux registres de statues : en haut quatre personnages tiennent des livres ou des phylactères. Il s'agirait soit de prophètes, soit d'Apôtres, soit d'Évangélistes, et en bas la légende de saint Nicolas de Myre (vers 270 - 342), patron de l'église, sauvant trois jeunes filles. La popularité de saint Nicolas de Myre, né en Asie Mineure, ne s'est jamais démentie durant tout le Moyen Âge, aussi bien d'ailleurs dans l'église grecque que dans l'église latine. Douze autres églises du département de la Vienne ont ou ont eu le même patronage. Sa légende s'est emparée très vite de lui et en fait un personnage fabuleux. C'est l'un des épisodes les plus connus de sa légende : trois jeunes filles pauvres étaient destinées à la prostitution par leur père. Nicolas les a dotées en leur offrant une bourse pleine d'or qui permit de les marier honorablement. C'est cette légende qui serait à l'origine de saint Nicolas distribuant des cadeaux au moment de Noël. Il ne s'agit pas, ici, de la représentation vivante d'une action mais plutôt d'une évocation à travers des personnages statiques. L'influence du gothique naissant se sent. Le chevetLe chevet de l'église, très orné, peut-être admiré depuis le jardin du presbytère. L'abside et les absidioles sont très décorées. Une frise de pointe de diamant se développe tout autour de l'abside au niveau des arcs des trois baies. Celles-ci sont encadrées de colonnettes et ornées de billettes, de losanges, de cylindres en bout. Un chapiteau situé à côté de la baie de la quatrième travée de la nef représente avec fantaisie deux éléphants. Le clocherLe clocher est une tour lanterne octogonale située à la croisée du transept. Elle abrite une lanterne à six fenêtres et une belle coupole. Le double lanternon qui la surmonte est moderne. Aspect intérieurL'église mesure à l'intérieur, 45,50 mètres de long pour 16 mètres de large. L'intérieur comprend :
La voute est en berceau brisé, les murs latéraux sont renforcés par de grands arcs de décharge. Un banc de pierre court le long des murs. La première travée de la nef est plus longue que les trois autres. Les travées de la nef diminuent de largeur de l'ouest vers l'est et sont aussi de hauteur décroissante. Le carré du transept est limité par de puissants arcs brisés et éclairé par une tour-lanterne. C'est le seul exemple en Poitou avec celle de l'abbatiale Saint-Sauveur de Charroux. Les pendentifs triangulaires de la coupole sont plats, comme c'est souvent le cas en Limousin. Chaque pendentif est souligné par une figure grotesque: atlantes, équilibristes, tête de taureau. L'intérieur a été entièrement repeint en 1865 par Pierre Amédée Bouillet, mais on peut encore admirer sur le bras du transept sud une fresque du XIVe représentant trois épisodes de la légende de saint Gilles.
Les peintures du XIXe siècle représentent une Vierge en Majesté dans le chœur et un Christ en Gloire avec le tétramorphe sur la voûte. Les Apôtres sont représentés sur les murs. La nef et les collatéraux sont couverts de motifs décoratifs inspirés de deux anciennes bandes ornementales conservées sur la voûte. Les chapiteaux dans la nef sont sculptés.
Références
Voir aussiBibliographie
Articles connexesLiens externes
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