Biomass est un projet scientifique de satellite d'observation de la Terre faisant partie du programme Living Planet de l'Agence spatiale européenne. Il doit évaluer le volume global de la biomasse tropicale de la planète afin d'estimer les quantités de carbone stockées et les flux de celui-ci. Ceci permet de mieux comprendre le cycle du carbone sur Terre, qui concerne à la fois la société (changement climatique, pollution organique, pollution de l'air et santé environnementale) et les sciences (modélisation du fonctionnement de la biosphère). Biomass utilisera pour la première fois dans l'espace un radar à synthèse d'ouverture en bande P qui lui donne des capacités uniques pour les mesures à effectuer (mesure de la hauteur de la biomasse et des arbres avec une résolution de 200 mètres, évaluation des surfaces au sol (résolution de 50 m). Cette septième mission du programme Living Planet est sélectionnée le 7 mai 2013.
Le satellite de 1 200 kg (dont 70 kg de carburant[1]), construit par Airbus Defence and Space[2] devait être lancé à Kourou en 2023 sur une orbite héliosynchrone (à 666 km d'altitude) pour une mission de cinq ans, par le lanceur européen Vega[3], date repoussée à 2024[4].
Contexte et enjeux
Rôle de la biomasse et enjeux de quantification
Le volume et la répartition de la biomasse des forêts des zones tropicales, tempérées et boréales sont encore mal connus. Or, ces données et leur évolution sont vitales pour ne pas surexploiter cette biomasse, et pour mieux comprendre le cycle du carbone et réduire les incertitudes existantes dans les calculs des stocks de carbone et des flux associés à la composante terrestre de la biosphère.
Les émissions de dioxyde de carbone dans l'environnement par les activités humaine sont l'un des facteurs-clé du changement climatique. La biosphère joue un rôle complexe en libérant du carbone (via l'utilisation des terres et la déforestation...) et inversement en puisant du carbone (via la biomasse puis en partie via la nécromasse). Des indices solides montrent que la composante terrestre de la biosphère joue un rôle de puits de carbone (en captant, des années 1980 à 2010, environ 30 % du dioxyde de carbone libéré par l'usage de carburants fossiles) Mais avec de fortes incertitudes concernant le volume de carbone plus ou moins provisoirement stocké dans la biomasse, sur sa distribution et sur son évolution ainsi que sur la quantité de carbone libéré par l'activité humaine et les processus naturels. La biomasse des forêts est particulièrement mal connue, presque partout et notamment en zone tropicale[5].
Histoire et sélection de la mission
L'Agence spatiale européenne (ESA) via son programme Living Planet appuie la recherche pour mieux comprendre les différents processus à l'œuvre dans la biosphère. Six missions Earth Explorer, telle que GOCE, sont en mars 2005 à différents stades de conception, lorsque l'ESA lance un appel à candidature pour une septième mission[6]. Les scientifiques de différents pays européens soumettent 24 propositions dont six sont présélectionnées en mai 2006[7] :
Biomass.
TRAQ (TRopospheric composition and Air Quality).
PREMIER (PRocess Exploration through Measurements of Infrared and millimetre-wave Emitted Radiation).
FLEX (FLuorescence EXplorer).
A-SCOPE (Advanced Space Carbon and Climate Observation of Planet Earth).
CoReH2O (Cold Regions Hydrology High-resolution Observatory).
Au milieu de 2007, un radar aéroporté valide le concept instrumental retenu par Biomass[8]. En mars 2009, trois des six candidats, Biomass, CoReH2O and PREMIER, sont sélectionnés[9]. En juin 2012, les rapports de sélection décrivant les projets à la fois sur le plan technique et scientifique sont mis à disposition[10]. Le , Biomass est sélectionnée et devient la septième mission Earth Explorer pour un lancement planifié en 2021[11]. En octobre 2019, la mission est reportée à octobre 2022[3].
Le , il est annoncé que le satellite sera lancé en 2023, le retard ayant pour cause la pandémie de COVID-19[12].
Objectifs scientifiques et techniques
Il s'agit principalement - via « une cartographie globale bi-annuelle de la biomasse et de la hauteur des forêts »[13] - de[14] :
Fournir des données scientifiques aux traités internationaux dont l'application nécessite la maîtrise de paramètres quantitatifs associés au cycle du carbone ; le projet améliore le suivi des perturbations en forêt (coupes rases, feux... avec une résolution de 50 mètres) au profit notamment d'une meilleur gestion des feux de forêt.
Permettre d'effectuer des projections sur l'évolution des puits de carbone, selon les scénarios d'évolution du climat ; le projet vise à offrir une quantification bi-annuelle des réductions de biomasse (pour estimer les émissions de dioxyde de carbone dues à la déforestation) et une mesure de l'accroissement global de biomasse (après 5 ans) pour « améliorer les estimations des puits de carbone »[13].
Initialiser et tester la composante terrestre des modélisations du système terrestre.
Mesurer les ressources forestières (état, tendances).
Estimer l'état et l'évolution de la part de la biodiversité qui dépend de la forêt (notamment en zone tropicale).
Secondairement, des données servent au suivi de l'ionosphère, de certains glaciers et inlandsis, à la cartographie de la géologie de subsurface dans les déserts, et de la topographie des zones densément végétalisées.
Caractéristiques techniques du satellite
Biomass pèse environ 1 250 kg au lancement[15]. Sa structure est conçue pour s'accommoder du volume relativement limité de la coiffe du lanceur Vega qui doit être utilisé compte tenu du volume important occupé par le réflecteur radar de 12 mètres de diamètre stocké en position repliée lors du lancement.
La charge utile de Biomass est constituée par un radar à synthèse d'ouverture en bande P (– 435 MHz, longueur d'onde de ~ 69 cm). Seule une bande très étroite de fréquence (6 MHz) est disponible et donc exploitée. La bande P est choisie parce qu'elle permet de réaliser une évaluation relativement précise de la biomasse forestière. Les concepteurs de la mission profitent de la libération d'une bande relativement étroite (– 438 MHz (A) décidée dans le cadre de la Conférence mondiale des radiotélécommunications de 2003 pour répondre notamment aux besoins d'observation de la Terre[17]. Le radar utilise un réflecteur de grande dimension (12 m de diamètre) déployé en orbite. La technologie associée est bien maîtrisée par deux constructeurs américains car elle est notamment déjà utilisée pour des satellites de télécommunications destinés à la téléphonie mobile. Le stockage de cette antenne sous la coiffe relativement étroite du lanceur Vega est l'une des difficultés du projet. Le signal sera émis par une antenne de petite taille puis réfléchie par le réflecteur reçevant le signal. L'instrument a une masse d'environ 200 kg. Plusieurs configurations étaient encore étudiées en 2013[18].
Développement du projet et déroulement de la mission
Biomass devait être placé en 2022 (date repoussée à 2024) sur une orbite héliosynchrone par le lanceur européen Vega à une altitude comprise entre 637 et 666 km. La durée planifiée de la mission est de cinq ans[3],[5].
Les données
Les données sont reçues et analysées par l'Agence spatiale européenne dans son Institut européen de recherches spatiales, Centre for Earth Observation, (ESRIN) à Frascati en Italie. Le 20 février 2017, l'Agence spatiale européenne annonce qu'à partir de maintenant, sauf mention contraire, ses données et images sont mises à la disposition de tous, sous licence de libre diffusion, (licence CC-by-sa 3.0 IGO)[19], tout en améliorant la visibilité de l'Agence spatiale dans le monde[20].
Notes et références
Sources bibliographiques
(en) ESA, Biomass : report for mission selection, (lire en ligne).
Rapport de sélection de Biomass.
(en) ESA, Earth Explorer 7 Candidate Mission Biomass : Addendum to the Report for Mission Selection, (lire en ligne).