Le programme Cosmic Vision (en français : « Vision cosmique ») est le programme spatial scientifique de l'Agence spatiale européenne pour la décennie 2015-2035. Il comporte plusieurs missions réparties dans trois classes (mission lourde, moyenne, de petite taille). Le programme, qui comporte cinq missions de classe moyenne (coût intermédiaire) et trois missions de classe lourde, ont été sélectionnées ou sont sur le point de l'être avec un lancement programmé entre 2017 et 2037 ainsi qu'un certain nombre de missions à faible cout. Les missions sont sélectionnées par un comité scientifique et sont financées par les contributions fixes des états membres de l'agence dont le montant est proportionnel au PIB.
Les missions moyennes et lourdes sélectionnées sont l'observatoire solaire Solar Orbiter, Euclid (lancé en 2023), un télescope spatial qui doit collecter des données sur l'énergie sombre, la sonde spatiale JUICE (2023) chargée d'observer les satellites de Jupiter et le télescope spatialPLATO (lancement prévu en 2026) détecteur d'exoplanètes, l'observatoire spatial à rayons XATHENA (2031) le télescope spatial ARIEL (2028) analysant l'atmosphère des exoplanètes, l'orbiteur EnVision (2030) qui doit étudier Vénus et l'observatoire d'ondes gravitationnelles LISA (2032). Le programme Cosmic Vision ne comprend pas les projets de l'Agence spatiale européenne d'exploration de la planète Mars et de la Lune.
Historique
L'Agence spatiale européenne initialise son programme Cosmic Vision en . Celui-ci prend la suite des programmes Horizon 2000 (1984) et Horizon 2000+ (1994-1995) qui avaient constitué le cadre des missions scientifiques de l'agence européenne lancées entre 1990 et 2014[1]. Une importante réunion de travail organisée par le Comité de Conseil scientifique (SSAC) de l'agence rassemble en septembre 2004 près de 400 membres de la communauté scientifique européenne à Paris pour examiner 151 propositions d'objectifs scientifiques portant sur les quatre domaines suivants : Astronomie, Astrophysique, Exploration du Système solaire et Physique. Le programme Cosmic Vision, selon ses initiateurs, doit répondre à quatre grandes interrogations :
Quelles sont les conditions de formation d'une planète et d'émergence de la vie ?
Comment le Système solaire fonctionne-t-il ?
Quelles sont les lois fondamentales de la physique de l'univers ?
Comment est apparu l'univers actuel et de quoi est-il fait ?
Les séances de travail permettent de dégager 22 thématiques[2].
Les missions sélectionnées sont rattachées à quatre classes qui se distinguent par le budget alloué :
Les missions lourdes (classe L) dont le coût est plafonné à 900 millions d'euros.
Les missions moyennes (classe M) dont le coût est plafonné à 470 millions d'euros.
Les petites missions (classe S) dont le coût est plafonné à 50 millions d'euros. Cette catégorie a été ajoutée au début des années 2010.
Les missions rapides (classe F) qui doivent avoir un développement rapide (moins de 10 ans de la sélection au lancement) et une masse inférieure à 1 000 kg[3],[4].
Synthèse des missions sélectionnées ou prévues (Voir le programme Voyage 2050 pour les missions sélectionnées à compter de 2024)
En 2007, le processus de pré-sélection de la première mission lourde L1, dont le lancement est planifié vers 2020, est engagé. Trois missions sont pré-sélectionnées en (JGO, LISA et IXO) tandis que la mission TandEM (Titan and Enceladus Mission) est éliminée[9]. Ces missions lourdes devaient, à l'époque, être développées conjointement avec la NASA qui doit participer notamment à hauteur de 50 % à deux d'entre elles (IXO, LISA). Début 2011 des réductions importantes du budget de l'agence spatiale américaine entrainent l'annulation de sa participation à ces missions. Compte tenu du changement de budget disponible l'Agence spatiale européenne demande aux équipes projets d'étudier d'ici 2012 si elles peuvent poursuivre le développement de ces missions avec une participation limitée de partenaires extérieure[10]. Pour JUICE, la participation américaine se traduisait par le développement d'une seconde sonde spatiale, Jupiter Europa Orbiter, chargée d'explorer la lune Europe ; il est demandé à l'équipe de JUICE d'ajouter aux objectifs de la sonde européenne le survol d'Europe.
L'Agence spatiale européenne a émis en un appel à propositions pour les futures missions lourdes L2 et L3 qui seront lancées respectivement en 2028 et 2034. Le processus de sélection comprend deux étapes. Une trentaine de propositions de thèmes scientifiques ont été envoyées en à l'ESA dont deux ont été sélectionnés en novembre de la même année par un comité rassemblant des personnalités du monde scientifique (Senior Survey Committee) présidé par Catherine Cesarsky. Les thèmes de ces deux missions choisis fin par le comité scientifique désigné par le directeur des missions scientifiques sont : l'univers chaud et énergétique pour la mission L2 et l'univers gravitationnel pour la mission L3[12],[13],[14],[15]. C'est le projet ATHENA (Advanced Telescope for High ENergy Astrophysics) qui a été choisi en pour la mission L2[16]. La mission LISA dont l'objectif est d'identifier les ondes gravitationnelles et de localiser leurs sources est sélectionnée pour devenir la troisième mission lourde. La sélection suit de peu la fin de la mission LISA Pathfinder chargée de mettre au point les technologies nécessaires et les premières détections d'ondes gravitationnelles par des détecteurs terrestres (projet LIGO). Le lancement de la mission comprendra une constellation de trois satellites mesurant par interférométrie laser les variations de distances inter-satellite, directement reliés au passage d'une onde gravitationnelle. Son lancement est planifié en 2034[17].
Les missions moyennes
Sélection des missions M1 et M2 : Solar Orbiter et Euclid
En , un premier appel à propositions est lancé pour les deux premières missions de classe moyenne M1 et M2, qui doivent être lancées en 2017-2019. Il aboutit à la formulation de 60 propositions de mission dont 19 en astrophysique, 12 dans le domaine de la physique fondamentale et 19 missions d'exploration du système solaire[18],[19]. Six projets puis trois projets sont pré-sélectionnés en pour les deux missions de classe moyenne qui doivent être lancées en 2017/2019 (M1 et M2)[20].
En l'Agence Spatiale européenne pré-sélectionne parmi 47 candidats, 4 projets pour la future mission M3 auquel s'ajoute PLATO finaliste non retenu des missions M1 ou M2. La mission M3 doit être lancée entre 2020 et 2022[22]. Les quatre candidats sélectionnés sont :
Exoplanet Characterisation Observatory (EChO). Placé au point de Lagrange L2, ce télescope spatial pourrait utiliser une optique de 1,5 mètre de diamètre équipée de plusieurs spectro-photomètres fonctionnant en lumière visible et en infrarouge. En utilisant la technique de spectroscopie de transit, EChO mesurerait les caractéristiques de l'atmosphère d'un échantillon représentatif d'exoplanètes. Il mesurerait en particulier la composition de celles-ci, les profils de température et de pression et l'albédo. L'objectif est d'améliorer notre connaissance sur la manière dont les planètes se forment et évoluent.
Large Observatory For X-ray Timing (LOFT) pourrait étudier les mouvements de matière à proximité des trous noirs et son état à l'intérieur des étoiles à neutrons en analysant les émissions de rayons X et les fluctuations du spectre électromagnétique. LOFT devrait emporter deux instruments : un détecteur de rayons X doté de la plus grande superficie collectrice jamais réalisée et un instrument d'observation grand angle chargé de surveiller une large fraction de la sphère céleste.
MarcoPolo-R est un projet recalé lors des pré-sélections de M1 et M2 qui consiste à ramener sur Terre des échantillons d'un astéroïde placé sur une orbite proche de notre planète.
STE-QUEST (Space-Time Explorer and Quantum Equivalence Principle Space Test) est une expérience de physique fondamentale consistant à mesurer de manière particulièrement précise l’effet de la gravité sur la matière et le temps et de tester le principe d'équivalence au niveau atomique.
En , les deux missions moyennes qui doivent être lancées dans la décennie 2010 sont confirmées : Euclid et Solar Orbiter avec des lancements respectifs en 2019 et en 2017. Le perdant est le projet PLATO qui est donc intégré à la pré-sélection retenue pour la mission M3[23]. En , l'ESA annonce la sélection de PLATO dont le lancement est planifié en 2024. PLATO est équipé de 34 télescopes qui observent en permanence les étoiles proches d'une partie important de la voute céleste. Les exoplanètes sont détectées en mesurant avec une grande précision les variations de l'intensité lumineuse des étoiles tandis que certaines de leurs caractéristiques sont obtenues par la technique de l'astrosismologie[24].
L'appel à propositions pour la mission M4 est lancé en [25]. Début l'agence spatiale européenne annonce que trois candidats ont été retenus par le comité de sélection pour cette mission qui doit être lancée en 2025. Ce sont[26]. :
ARIEL qui doit analyser l'atmosphère autour de 500 planètes tournant autour d'étoiles proches de notre Soleil et déterminer leur composition chimique et les conditions physiques qui y règnent. L'objectif est de mieux comprendre le processus de formation du système solaire.
THOR doit étudier un problème fondamental de la physique des plasmas en étudiant le processus d'échauffement du plasma puis de dissipation de l'énergie accumulée. À cet effet il doit être placé en orbite autour de la Terre et étudier notamment les interactions entre le vent solaire et le champ magnétique terrestre.
XIPE est un observatoire spatial qui doit étudier le rayonnement X émis par les supernovae, les jets galactiques, les trous noirs et les étoiles à neutrons pour mieux comprendre le comportement de la matière dans cet environnement extrême.
A la suite d'un appel à propositions pour la mission M5 qui doit être lancée en 2032, trois projets parmi les 25 proposés sont sélectionnés début . La sélection finale comprend[28],[29] :
SPICA est un projet de télescope spatialinfrarouge proposé en collaboration avec l'agence spatialejaponaiseJAXA. L'observatoire comprend un télescope d'un diamètre de 2,5 mètres fonctionnant en infrarouge moyen et lointain. Les capteurs refroidis à une température de 5 kelvins sans avoir recours à un liquide cryogénique permettent une sensibilité nettement supérieure à son prédécesseur Herschel. Pour les astronomes japonais, SPICA prend la suite du télescope infrarouge Akari.
EnVision doit étudier la nature et l'état actuel de l'activité géologique de Vénus et ses interactions avec l'atmosphère. L'objectif est de mieux comprendre les raisons des divergences entre l'évolution de la Terre et celle de Vénus. La mission est réalisée avec une participation importante de la NASA.
THESEUS est une mission d'astronomie des hautes énergies qui doit observer l'ensemble du ciel en effectuant un recensement systématique des sursauts gamma apparus durant le premier milliard d'années de l'univers. L'objectif est de rassembler des informations sur le cycle de vie des premières étoiles. Le recensement des sursauts gamma détectés par Theseus permettra un suivi par d'autres instruments au sol ou dans l'espace observant dans d'autres longueurs d'onde. Theseus doit être également utilisé pour identifier les sources des ondes gravitationnelles observées par d'autres instruments.
Le projet EnVision est finalement sélectionné le [30].
Sélection de la mission M7
La sélection de la mission M6 est abandonné en 2019 pour des raisons budgétaires[31]. La sélection de la mission moyenne M7 est lancée en décembre 2021. L'agence spatiale européenne reçoit 27 propositions dont 5 sont retenues - CALICO (étude in situ des composés organiques et ammoniaqués sur la planète naine Ceres), HAYDN (mesures astérosismologiques de larges échantillons d'étoiles pour étalonner certains aspects de l'astrophysique fondamentale, améliorer notre compréhension de la physique des étoiles et de leur structure interne), M-MATISSE, Plasma Observatory et THESEUS - après une analyse scientifique et technique ainsi qu'une revue par les pairs[32]. De janvier à ces projets passent par une phase 0 dont l'objectif est de détailler les retours scientifiques attendus et de produire une étude de conception préliminaire de la mission. Le 8 novembre trois missions sont finalement retenues pour la dernière phase de la sélection : ce sont THESEUS dont l'objectif est de recenser et localiser avec une grande précision les phénomènes célestes transitoires, en particulier les sursauts gamma, durant le premier milliard d'années de l'univers, M-Matisse qui doit étudier l'évolution et l'habitabilité de la planète Mars et Plasma Observatory qui a pour mission d'étudier le plasma présent dans l'espace autour de la Terre. Les trois projets entrent dans la phase A qui comprend une phase d'étude détaillée par deux sociétés aérospatiales. Le processus de sélection doit désigner la mission lauréate mi-2026. L'objectif est de lancer celle-ci au milieu de la décennie 2030[33].
Les petites missions S
Un premier appel à propositions a été lancé en [34]. 74 lettres d'intentions ont été reçues[35] et 26 projets ont été présélectionnés. La première mission doit être lancée en 2017.
En , la mission CHEOPS, destinée à l'étude d'exoplanètes connues a été sélectionnée[36]. Il s'agit d'un développement conjoint de l'ESA et d'instituts de recherche suisses.
La deuxième mission de cette famille est comme CHEOPS, développée conjointement avec un autre pays, la Chine. La mission SMILE a été sélectionnée en et doit être lancée en 2023[37]. Le satellite est destiné à l'étude des interactions de la magnétosphère terrestre et du vent solaire[38].
Le projet de mission Comet Interceptor a été soumis à l'Agence spatiale européenne (ESA) en en réponse à un appel à propositions lancé par l'ESA en qui avait reçu 23 réponses dont six avait fait l'objet d'une pré sélection[39]. L'objectif de la mission est d'étudier les caractéristiques d'une comète ou d'un objet interstellaire n'ayant jamais approché le Soleil et dont les caractéristiques sont donc similaires à celles de leur origine qui remonte à la formation du système solaire. La mission doit mesurer la composition de la surface, la forme de la comète, sa structure ainsi que la composition de sa chevelure. Le recours à trois engins différents doit permettre d'obtenir plusieurs points de vue des interactions entre le vent solaire et la comète. Un objectif secondaire est l'étude du vent solaire en plusieurs endroits dans les phases antérieures et postérieures au survol de la comète[40]. La proposition a été sélectionnée en et est rentrée à cette date dans une phase d'étude détaillée[41].
Le projet de mission ARRAKIHS est soumise à l'Agence spatiale européenne (ESA) en en réponse à un appel à propositions lancé par l'ESA en qui a reçu 19 réponses. ARRAKIHS a pour objectif de mesurer de manière indirecte la présence de la matière noire. La méthode mise en œuvre est la mesure de la concentration de la matière baryonique dans les halos galactiques et les courants de marée entre galaxies. ARRAKIHS est proposée par une équipe scientifique pilotée par l'Espagne (une première pour une mission scientifique de l'ESA). Le responsable du projet est Rafael Guzmán de l'Institut de physique de Cantabrie. La proposition est sélectionnée début et entre en phase d'étude détaillée. L'observatoire spatial pourrait être construit par Airbus Defence and Space ou OHB[42],[43].
Voyage 2050 est le programme spatial scientifique de l'Agence spatiale européenne (ESA) pour la période 2035-2050 qui doit prendre la suite du programme programme Cosmic Vision. Comme ce programme, il comprendra des missions lourdes et moyennes ainsi que des missions moins coûteuses qui seront sélectionnées par un comité scientifique parmi les propositions de la communauté scientifique. Les thèmes scientifiques traités par les futurs missions ont été déterminés en 2021 (étude des lunes des planètes géantes susceptibles d'héberger la vie, étude des exoplanètes bénéficiant d'un environnement modéré, détection avancée des ondes gravitationnelles) et une première mission lourde pourrait être sélectionnée fin 2023 pour traiter le premier thème[44],[45].