Clifton apparaît pour la première fois dans Le Journal de Tintin, numéro 50 daté du pour la Belgique[1] et numéro 588 du daté du pour la France[2], sous la plume de Raymond Macherot, l'un des auteurs vedettes du journal avec sa série Chlorophylle, qui délaisse temporairement la bande dessinée animalière pour s'aventurer dans le récit policier.
Macherot souhaitait « changer d'univers » et faire une histoire de détective. Les grands auteurs de ce genre étant à l'époque, britanniques, il décida de créer un personnage de détective anglais qu'il détermina par un mélange d'archétypes : « J'ai combiné trois personnages folkloriques que l'on retrouve en Angleterre : le chef scout, le colonel en retraite et le détective amateur ». Clifton est l'occasion pour Macherot de faire revivre sous sa plume ces morceaux de villes et de campagnes anglaises qu'il avait connues lors de son séjour en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale : « Je voulais avoir l'occasion de dessiner les petits coins que j'ai connus. Un vrai plaisir ! Il y a certainement une part de nostalgie de cette année 1945 que j'avais passée en Angleterre, tout un univers avec ces pilotes de chasse et leurs moustaches en guidon de bicyclette… ». Pour le véhicule du colonel, il n'aura pas à chercher de documentation puisqu'il le fait circuler dans la même voiture MG T-type qu'il possédait à l'époque. Macherot aimait animer le personnage de Clifton (« Je crois que c'est mon personnage préféré, je me suis vraiment amusé avec le colonel Clifton »), mais Raymond Leblanc, fondateur du Journal de Tintin et des éditions Le Lombard, souhaitait qu'il se consacre uniquement à Chlorophylle[3].
Après seulement trois brèves histoires de 30 pages chacune, Macherot abandonne Clifton lorsqu'il quitte le Journal de Tintin pour rejoindre le Journal de Spirou en 1965 où il va créer le personnage de Sibylline. Son contrat le contraint en effet à abandonner ses personnages (Chlorophylle et Clifton) qui demeurent propriété de l'éditeur, Le Lombard[4].
Rédacteur en chef du journal depuis 1965, Greg, qui s'est attelé à remodeler et rajeunir l'hebdomadaire en lançant nombre de nouvelles séries dont il est lui-même le scénariste (Bruno Brazil, Bernard Prince, Luc Orient, Olivier Rameau...), va ressortir Clifton des tiroirs pour relancer la série, sur un scénario écrit par lui-même, en confiant le dessin à un dessinateur vedette du journal à cette époque avec la série Taka Takata, Jo-El Azara[5]. Les Lutins diaboliques est publié à partir du no 1060 du journal daté du [6].
Azara préférant se consacrer à son héros nippon, Greg confie la série à deux des membres de son studio, qui viennent de lancer leur série Robin Dubois, le scénariste Bob de Groot et le dessinateur Turk[7], qui se rôdent sur deux courts récits, Le mystère de la voix qui court, 14 planches, publié du no 1153 du journal daté du au no 1158 daté du [8], puis Les Émeraudes se font la malle, 16 planches, publié dans Tintin Sélection no 15 du second trimestre 1972[9], avant de se lancer dans des récits plus longs[7].
La parution de la première histoire longue, Le Voleur qui rit, avec l'assistance de Greg pour le scénario, débute dans le no 1249 du journal daté du [10].
Le duo Turk et de Groot anime la série avec succès pendant treize ans, puis Turk est contraint d'abandonner la série après l'album Kidnapping, en fin d'année 1983, pour se consacrer à ses deux autres séries, Robin Dubois et Léonard, ne pouvant soutenir le rythme de production imposé par la réalisation de trois séries en parallèle. Jean-Luc Vernal, alors rédacteur en chef du Journal de Tintin, propose le nom de Bédu, déjà auteur dans l'hebdomadaire de différentes séries depuis huit ans (Le P'tit prof, Ali Béber, Hugo), qui connaît parfaitement le personnage pour être un inconditionnel du travail de Raymond Macherot, de la simplicité, de l'efficacité de son style et de l'élégance de son trait : « Ce qu'il a réalisé n'a jamais été et ne sera jamais égalé ». Bédu se met alors au travail pour placer son dessin dans la continuité de celui de Turk : « Je reprends ici une série dont le graphisme est totalement différent de celui que je pratique habituellement. Du P'tit prof à Hugo, j'ai développé un dessin nerveux et parfois confus. Macherot, le créateur de Clifton, puis Turk qui lui a succédé, ont un style plus percutant, un trait plus net, plus précis… »[11].
Bédu fait ses classes sur un premier récit complet de 14 planches, Passé composé, qui sera publié dans Super Tintin détective privé en [12], avant d'être développé dans une première histoire à suivre, publiée sous le même titre dans le Journal de Tintin du no 483, daté du , où la série fait la couverture pour annoncer « Clifton : 25 ans! » (la série avait effectivement débuté en )[13], au no 490, daté du [14].
Peu à peu, Bob de Groot, lui aussi accaparé par les séries Robin Dubois et Léonard, ralentit son rythme de production, laissant son dessinateur en manque de scénario, en sorte qu'en 1989 Bob de Groot décide d'abandonner à son tour Clifton, que Bédu continue alors seul, en assurant également l'écriture des scénarios, jusqu'en 1995. A cette époque, Bédu dessine également depuis trois ans pour le Journal de Spirou une série humoristique, Les Psy, sur un scénario de Raoul Cauvin, qui rencontre un fort succès et contraint Bédu à abandonner Clifton[11].
Après une interruption de plusieurs années, la série renaît en 2003, Bob de Groot reprenant le scénario et le dessin étant confié à Michel Rodrigue, avec lequel de Groot vient de travailler sur la série Doggyguard[15]. Rodrigue participe aux scénarios et signera même seul Balade irlandaise avant que l'éditeur n'arrête la série en 2008, faute de ventes suffisantes[16].
Après une nouvelle interruption de plusieurs années, l'éditeur décide de relancer d'anciennes séries (Chlorophylle, Ric Hochet, Léonard). Il confie le scénario de chacune de ces séries au prolifique Zidrou. C'est ainsi que Clifton est relancé une nouvelle fois en 2016, cette renaissance étant marquée par le retour au dessin de Turk : « On a discuté [avec Zidrou] et il m’a demandé si je n’avais pas envie de faire autre chose que Léonard pour me changer les idées, ce qui pourrait me plaire. Après 45 albums, c’est vrai qu’on tournait un peu en rond. Et depuis que j’avais abandonné Clifton je l’avais très vite regretté. J’avais l’idée de le reprendre mais ce n’était pas possible alors que d’autres auteurs travaillaient dessus »[16].
Contenu
Synopsis
Harold Wilberforce Clifton est un détective britannique amateur, ancien colonel du MI-5. À la retraite, il partage son temps entre ses loisirs, et les enquêtes qu'on lui propose. Il s'agit soit de particuliers, soit de ses anciens collègues du MI-5 ou de Scotland Yard. Le colonel Clifton doit alors faire face à des situations très périlleuses, desquelles il sort toujours victorieux.
Personnages
Harold Wilberforce Clifton : Héros de la série, ancien pilote de la RAF et ancien colonel du MI-5, aujourd'hui à la retraite. Ses loisirs sont principalement la collection de bagues de cigares, le scoutisme (il adore le scoutisme, il part tous les ans en vacances dans un camp scout en Écosse), s'occuper de ses chats et les enquêtes policières. Sous la plume du duo Turk-De Groot, il semble être un croisement entre Léonard et le shérif Fritz Alwill, deux des plus célèbres personnages du duo. Comme le premier, il est vif et intelligent, et comme le deuxième il est sans cesse confronté à la bienveillance parfois envahissante de Miss Partridge, sa femme de ménage obsédée par l'ordre. Angleterre oblige, Clifton ressemble vestimentairement, dans certaines aventures, à Sherlock Holmes, et comme lui, il parvient toujours à son but mais en frôlant souvent la mort. Son parapluie dissimule une arme (une carabine). Il est un excellent détective malgré son statut d'amateur, et pour preuve il a élucidé toutes les affaires auxquelles il a participé. Il vit à Puddington, une petite ville fictive d'Angleterre. Ses cheveux sont blonds, ses yeux noirs, il mesure environ 1,90 m, porte une grosse moustache et est âgé d'environ 45 ans.
Miss Partridge : Femme de ménage et gouvernante du colonel Clifton. Les amateurs de Robin Dubois et de Léonard reconnaîtront en elle une fusion de Cunégonde et de Mathurine. Elle ne peut pas concevoir de quitter la maison s'il y a du ménage à faire, et ce même si des malfaiteurs sont sur le point d'arriver à Puddington pour régler des comptes avec Clifton. Bienveillante et maternelle, elle rappelle le colonel à l'ordre lorsque celui-ci part affronter des gangsters sans prendre sa veste ou son écharpe au risque de s'enrhumer. Obsédée par l'ordre, elle s'inquiète plus de l'état de propreté des accessoires du colonel que de lui.
John Haig : Commissaire à Scotland Yard. Par certains égards, il rappelle Basile, le disciple de Léonard : benêt, lent à comprendre, maladroit.
Lieutenant Strawberry : Agent de police dont la fonction principale, pour l'intrigue, consiste à lui mettre des amendes ; cordialement détesté par le colonel, il prend soin, à chaque rencontre, à lui dresser des contraventions.
Le flegme britannique et les mœurs anglaises sont utilisés par les deux amis. Miss Partridge, la domestique, est de tous les albums, et l'inspecteur principal de Scotland Yard, John Haig, revient de façon récurrente. Clifton est une série à côté majoritairement humoristique (surtout pendant la période Turk/Bob de Groot) avec le dessin rond de Turk et les dialogues souvent fins de Bob de Groot.
Albums
Tableau récapitulatif
Titre
Scénariste
Dessinateur
Éditeur
Année
Première série Les albums sont publiés en édition brochée avec couverture souple dans les collections du Lombard (Jeune Europe, Une histoire du journal Tintin et Vedette) et ne sont pas numérotés
Les Enquêtes du colonel Clifton (Collection Jeune Europe no 6)
D'abord édité dans la collection Jeune Europe, la série disparaît quelques années, mis à part un album de Jo-El Azara en 1971 dans la Vedette. La reprise de la série par Turk se fait d'abord sous le titre Une aventure du colonel Clifton pour trois albums, toujours dans la collection Vedette, qui seront réédités ensuite dans la série régulière simplement nommée Clifton qui démarre en 1978.
Cette liste propose les albums par ordre chronologie de parution ; les numéros ne sont donc pas les numéros de tomes réels.