Le Conseil des prises (ou Conseil des prises maritimes) est une juridiction française administrative spécialisée, chargée de statuer d'office sur la validité de toutes les prises maritimes en temps de guerre. Autrement dit, le Conseil statue sur la capture des navires et cargaisons appartenant aux ennemis. Cette juridiction était auparavant connue sous le nom de « Tribunal des prises ».
Histoire
Ancien Régime
Le Conseil des prises est créé en [1] par Mazarin, à la demande de l'Amirauté[2]. Il consiste alors en une commission extraordinaire de conseillers d'État et de maîtres des requêtes chargée assister le grand-maître de la navigation en matière de jugement des prises maritimes[1]. L'ordonnance d' sur la marine en réglemente le fonctionnement[1]. À partir de , l'Amiral de France le préside[1]. Un Conseil des prises est établi à la suite de chaque déclaration de guerre : le pour la guerre déclarée au roi d'Espagne en [3] ; le pour celle déclarée à l'Empereur Charles VI le précédent[4] ; le pour celle déclarée au roi George II, électeur de Hanovre, le précédent[4] ; et le [4] pour celle déclarée le . Le dernier Conseil des prises de l'Ancien Régime est établi le [4] pour la guerre d'Amérique[5] ; il est supprimé le près de quatre ans et demi après la signature du traité de paix de Versailles[5].
Sous le Consulat, un arrêté du 6 germinal an VIII () rétablit un Conseil des prises[1],[6] composé de neuf conseillers d'État, d'un commissaire du gouvernement et d'un secrétaire, tous nommés par le Premier consul[1]. Redon en est le premier président pour quelques mois; Théophile Berlier lui succède pendant toute la durée de l'Empire. Relevant en appel du Conseil d'État, il s'agit de la première juridiction administrative spéciale créée en France[6]. Il est supprimé le [1].
Le Conseil des prises est aussi connu comme le Tribunal des prises[12],[13].
Organisation, composition et fonctionnement
Juridiction administrative spéciale
Le Conseil des prises est une juridiction administrative spéciale[14],[15]. Sa qualité de juridiction et son appartenance à l'ordre administratif résultent de sa subordination au Conseil d'État par la voie d'un recours juridictionnel : l'appel.
Mais il ne siège qu'après avoir été « mis en activité » : pour reprendre la formule souvent citée[18] de René Chapus, il s'agit d'une « juridiction à éclipses ». Le , il tient sa séance de clôture[19],[20]. Il n'a plus siégé depuis.
Juridiction unique
Le Conseil des prises est une juridiction unique.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, par une ordonnance du , le Comité français de libération nationale (CFLN) crée, à Alger, un autre Conseil des prises[10]. N'ayant jamais fonctionné, une ordonnance du le supprime[10].
Le Conseil des prises mis en activité pour la Seconde Guerre mondiale est présidé par Edmond Rouchon-Mazerat du au puis par Ernest Bonifas du au et enfin par Henry Puget du au [10].
Siège et lieu des séances
Le Conseil des prises siège à Paris et tient ses séances au Palais-Royal, siège du Conseil d'État[10].
Le conseil des prises apprécie la validité des prises maritimes opérées par les autorités françaises et statue sur les demandes d'indemnité relatives aux dommages causés par un exercice irrégulier du droit de prise. Il est saisi d'office, même en l'absence de contestation. Contrairement à la plupart des juridictions de droit français, le conseil des prises statue non seulement en droit, mais aussi en équité.
Autorité des décisions
Ses décisions sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'État. Pourtant le Conseil d'État ne statue pas lui-même, mais propose une décision au chef de l'État. Celui-ci va alors statuer par décret, qui devient alors un acte juridictionnel insusceptible de recours[21]. Le système de justice retenue est ainsi exceptionnellement conservé[22].
Illustrations
Sous la Révolution, le célèbre corsaire Surcouf, parti en guerre sans attendre d'avoir reçu sa Lettre de Course ou Lettre de marque, s'est vu condamné par le Tribunal des Prises de l'actuelle Île Maurice, alors territoire français.
[CE ] Conseil d'État, , Société de navigation à vapeur du Lloyd de Trieste, dans A. Panhard (réd.), R. Lagrange, L. Corneille, E. Farjon, P. Josse et V. de Marcé (collab.), Recueil des arrêts du Conseil d'État statuant au contentieux, du Tribunal des conflits, de la Cour des comptes et du Conseil des prises, 2e sér., t. 94, Paris, Sirey, , 1re éd., 1 vol., 1390, 23 cm (BNF34363060), p. 304-305.
[Auby et Drago 1962] J-M. Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, t. Ier : Notions générales, organisation juridictionnelle en matière administrative, compétence, Paris, LGDJ, , 1re éd., 1 vol., 621, in-8o (24 cm) (BNF32986013, lire en ligne).
[Beaud 2015] O. Beaud, « L'Empire et l'empire colonial dans la doctrine publiciste française de la IIIe République », Jus politicum : revue de droit politique, no14 : « Peut-on penser juridiquement l'Empire comme forme politique ? », , p. 1re part., art. no 10, 77 p. (résumé, lire en ligne [PDF]).
[Bulmerincq 1878] A. Bulmerincq, « Le droit des prises maritimes », RDILC, t. X, , p. 1re part. (« Le droit existant »), 2e art., IX (« France »), p. 384-418 (lire en ligne).
[Daladier et Campinchi 1939] É. Daladier et C. Campinchi, « Rapport au président de la République française [du , sur le Conseil des prises] », dans JORF, vol. 71e an., no 239, , p. 11988, col. 1-2 (lire en ligne).
[Dumas 1905a] A. Dumas, « Le Conseil des prises sous l'Ancien Régime (XVIIe et XVIIIe siècles) », Nouvelle Revue historique de droit français et étranger, t. XXIX, no 3, , p. 1re part., art. no 2, p. 317-377 (JSTOR43842222, lire en ligne).
[Dumas 1905b] A. Dumas, « Le Conseil des prises sous l'Ancien Régime (XVIIe et XVIIIe siècles) », Nouvelle Revue historique de droit français et étranger, t. XXIX, no 4, , p. 1re part., art. no 3, p. 477-522 (JSTOR43842211, lire en ligne).
[Dumas 1905c] A. Dumas, « Le Conseil des prises sous l'Ancien Régime (XVIIe et XVIIIe siècles) », Nouvelle Revue historique de droit français et étranger, t. XXIX, no 5, , p. 1re part., art. no 3, p. 613-678 (JSTOR43841663, lire en ligne).
[Fauchille 1921] P. Fauchille, Traité de droit international public, t. II : Guerre et neutralité, Paris, A. Rousseau, , 8e éd. (1re éd. H. Bonfils, Manuel de droit international public, ), 1 vol., X-[2]-1095, 23 cm (BNF32093948, lire en ligne), 5e part., liv. 3, chap. 9 (« Prises maritimes »), no 1396-14401, p. 541-598.
[Féron 1896] G. Féron, Des tribunaux de prises : organisation, compétence, procédure (thèse de doctorat en droit soutenue à la Faculté de droit de Paris en ), Paris, A. Pedone, , 1re éd., 1 vol., 168, in-8o (OCLC490550079, BNF30429373, SUDOC048055522, lire en ligne).
[Font-Réaulx 1930] P. de Font-Réaulx, Les pourvois devant le Conseil d'État contre les décisions des autres tribunaux administratifs, Paris, Sirey, , 1re éd., 1 vol., 408-[1], in-8o (26 cm) (OCLC459654775, BNF32115603, SUDOC019381816, lire en ligne).
[Giudicelli-Delage 1993] G. Giudicelli-Delage, Institutions juridictionnelles, Paris, PUF, coll. « Droit fondamental / Droit juridictionnel » (no 3), , 2e éd. (1re éd. ), 1 vol., 367, 22 cm (ISBN2-13-045604-9, EAN9782130456049, OCLC29835860, BNF37665642, SUDOC002944383, lire en ligne), 2e part. (« Les juridictions »), tit. 2 (« L'ordre administratif »), chap. 2 (« Les juridictions subordonnées au Conseil d'État »), sect. 2 (« Les juridictions d'attribution ») , no 259, p. 332-333.
[Guttinger 1975] Ph. Guttinger, « Réflexions sur la jurisprudence des prises maritimes de la Seconde Guerre mondiale : à propos de la publication du troisième tome du Recueil des décisions du Conseil des prises (années à ) », RGDIP, vol. 79, no 1, , p. 25-95 (OCLC491838568, SUDOC074088912, lire en ligne).
[Laferrière 1896] É. Laferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, t. II, Paris, Berger-Levrault, , 2e éd. (1re éd. 1888), 1 vol., 709, in-8o (26 cm) (OCLC490882346, BNF30713783, SUDOC068513429, lire en ligne), liv. 4, chap. 3 (« Juridiction spéciale du Gouvernement en matière de prise maritimes »), p. 67-81.
[La Tour d'Auvergne 1870] (en) Prince de La Tour d'Auvergne (trad. en angl.), « Lettre du », dans T. Walker (éd.), Bulletins and other State intelligence for the year [« Bulletins et autres renseignements de l'État pour l'année »], t. II : July to december, with index [« De juillet à décembre, avec un index »], Londres, London Gazette Office, , p. 835 (lire en ligne).
[Merlin 1812] Ph.-A. Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, t. II : Cab. – Conserv., Paris, J.-B. Garnéry, , 4e éd., 1 vol., 903, in-4o (BNF0931423j, lire en ligne), s.v.Conseil des prises, p. 890-895 (lire en ligne).
[Rousseau 1965] Ch. Rousseau, « Bilan de l'activité du Conseil des prises au cours de la deuxième guerre mondiale », RGDIP, vol. 69, no 3, , p. 817-819.