Dieudonné Guy Sylvain Tancrède, dit Déodat Gratet de Dolomieu[n 1], naît au château des Gratet le 23 juin 1750[1],[n 2]. Il est le quatrième enfant du marquis de Dolomieu[2]. Son frère aîné Adolphe de Gratet, fut le dernier à porter le titre de marquis de Dolomieu[3].
Son père le présente à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem dès son baptême[4], ou, selon une autre source[2], à l'âge de deux ans. La famille est peu fortunée et Déodat n'a pas de précepteur[5]. Il devient page de l'Ordre en 1761 ou 1762[4] et fait son noviciat en 1766[2].
Formation
À 22 ans, après avoir suivi les cours de chimie de Jean-Baptiste Thyrion[n 3], apothicaire major[n 4] à l'hôpital militaire de Metz (il y est en garnison dans un régiment de carabiniers), il fait la connaissance du duc Alexandre de La Rochefoucauld, colonel au régiment de La Sarre, membre de l'Académie des sciences, qui l'initie à la minéralogie et à la géologie[2],[n 5]. En 1775, en Bretagne et en Anjou, il commence à travailler sur la formation du salpêtre dans les mines de Bretagne. De retour à Paris, il fait la connaissance de Louis Jean-Marie Daubenton, dont il sera nommé, en , correspondant à l'Académie des sciences.
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem
Pendant sa formation de chevalier de l'ordre de saint-Jean de Jérusalem, faisant ses caravanes en 1768, Dolomieu tue en duel un de ses camarades novices[n 6] lors d'une escale à Gaète. Il est condamné par l'Ordre à la réclusion à perpétuité. Mais grâce à l'intervention du cardinal Luigi Maria Torregiani (au nom du pape Clément XIII) et du duc de Choiseul (représentant Louis XV), il ne fait que neuf mois de forteresse. Il est réintégré en [2]. En 1776, réformé du régiment de carabiniers, il retourne à Malte. Il devient secrétaire de Camille de Rohan, nommé ambassadeur de l'ordre au Portugal.
En 1783, il est nommé lieutenant général de l'Ordre et gouverneur de La Valette. Rapidement, il entre en conflit avec le grand maîtreEmmanuel de Rohan-Polduc ainsi qu'avec le roi de Naples. Il démissionne rapidement et part pour l'Italie. En 1786, il se porte candidat au conseil de l'Ordre, mais échoue : il s'est fait trop d'ennemis[2].
Pendant son séjour à Lisbonne, Dolomieu fait ses premières observations sur le basalte, un « produit du feu », juge-t-il. Il pose la question de la relation possible entre volcans et tremblements de terre. Il écrit à Faujas de Saint-Fond plusieurs lettres sur ce sujet ; Saint-Fond les publiera dans ses Recherches sur les volcans éteints du Vivarais et du Velais[6],[2]. En 1781, il se rend en Italie, où il étudie l’Etna, le Stromboli et Vulcano. Il publie en 1783 Voyage aux îles de Lipari, et en 1784, Mémoire sur les volcans éteints du Val di Noto en Sicile[2].
En 1791, Dolomieu publie dans le Journal de Physique : « Sur un genre de pierres calcaires très peu effervescentes avec les acides et phosphorescentes par la collision ». Il a découvert cette roche dans les Alpes et en envoie quelques échantillons à Saussure à Genève pour analyse. Le savant suisse lui donnera le nom de « dolomie », en hommage à son découvreur, en , dans un courrier qu’il adresse à Dolomieu. Le nom de « Dolomites » sera ensuite donné vers 1876 à la région des Alpes italiennes où on la trouve.
En 1795, il est élu membre de l'Académie des sciences et enseigne à l'École des mines, donnant un cours sur la géographie physique et les gisements minéraux.
Campagne d’Égypte
Lorsque Bonaparte, en route vers l'Égypte, s'empare de Malte, c'est Dolomieu qui est chargé d'en négocier la reddition ; ses anciens ennemis reconnaissent sa grandeur d'âme[7]. Il participe ensuite à la campagne d'Égypte[8]. Après quelques travaux scientifiques sur le Nil, il demande son retour en France pour mésentente avec Bonaparte au côté du général Dumas. Menacés de naufrage lors de leur retour en Europe, ils relâchent à Tarente, où le royaume de Naples les retient 21 mois prisonniers pour d’obscures raisons politiques. Ils ne recouvrent la liberté (à l'insistance de Napoléon) qu'après le et la victoire des armées françaises à Marengo (ils font partie des prisonniers libérés par le traité de Florence en 1801).
De retour à Paris il s'associe en 1801 à un libraire de la rue Serpente[9],[10], mais, très affecté par son incarcération, meurt le (7 frimaire an X), à Châteauneuf[11] (Saône-et-Loire), chez sa sœur la marquise de Drée.
Dans le parc du château (où il est mort) de la marquise de Drée (sa sœur, femme d'Étienne-Gilbert de Drée), un cénotaphe en granit local rappelle sa mémoire.
Étienne de Drée, son beau-frère, recueillit ses collections et les céda à l'École des mines[17] ; il entreprit aussi la publication de ses œuvres complètes[18].
Un colloque sur son œuvre s'est tenu en 2001 à l'occasion du bicentenaire de sa mort.
↑Baptisé le lendemain Dieudonné Sylvain Guy Tancrède Gratet de Dolomieu (« Dieudonné » est synonyme de « Déodat », « a Deo datus », « donné par Dieu ») : « Dieudonné Sylvain Guy Tancrède, né d'hier, fils 4ieme légitime du haut et puissant seigneur m[essi]re Francis de Gratet chevalier marquis de Dolomieu […] et de haute et puissante dame Marie Françoise de Béranger […] baptisé aujourd'hui vingt quatrième juin mil sept cents cinquante. ».
↑Suivant les sources, le 23 ou ; il est possible qu'il soit né le 23 et baptisé le 24 : voir cette source communalepage 6 recto ou 8 du document.
↑Sur ce pharmacien, voir Élie Fleur, « Les grands pharmaciens : XVIII. Jean-Baptiste Thyrion, apothicaire à Metz au 18e siècle », dans Revue d'histoire de la pharmacie, 1925 : partie 1 ; partie 2.
↑Plutôt qu'à Lyon, qui ne sera prieuré de la langue d'Auvergne qu'en 1787, c'est certainement à Bourganeuf, alors prieuré de la langue d'Auvergne, qu'il prononce ses vœux.
Alain Dessertenne, « Dolomieu et la dolomite : de l'ordre de Malte aux aciers du Creusot » », Images de Saône-et-Loire, no 172, , p. 7 à 9
Nicole Dhombres et Jean Dhombres, Naissance d’un nouveau pouvoir : sciences et savants en France, 1793-1824, Paris, Payot, , 938 p. (ISBN2-228-88107-4)
Jean Gaudant, « Déodat de Dolomieu (1750-1801) », ABC Mines, vol. bulletin n° 29,
Bernard-Germain de Lacépède, « Notice historique sur la vie et sur les ouvrages de Dolomieu », Les Cahiers des sciences et des arts, Paris, 1801/1802, p. 222 (lire en ligne)
Louis de La Roque, Catalogue des chevaliers de Malte, Paris, Alp. Desaide, (lire en ligne)
Emilia Francis Strong (Lady Dilke), French engravers and draughtsmen of the XVIIIth century, Londres, (lire en ligne)
Annexes
Bibliographie
Alfred Lacroix, Déodat Dolomieu membre de l’Institut national (1750-1801). Sa vie aventureuse — sa captivité — ses œuvres — sa correspondance, Paris, Librairie académique Perrin & Cie, . — Deux tomes.
Joannès Chétail, « La commanderie de Sainte-Anne (Ordre de Malte) à la fin du XVIIIe siècle », dans Actes du quatre-vingt-dixième Congrès national des sociétés savantes, Nice, 1965, vol. I, Paris, , p. 159-..., lire en ligne sur Gallica
Période où Déodat Gratet de Dolomieu était commandeur de Sainte-Anne (1781-1789).
D. H. Zenger, F. G. Bourrouilh-Le Jan et A. V. Carozzi, Dolomites. A volume in honor of Dolomieu, International Association of Sedimentologists : Special Publication 21, , 451 p. (ISBN978-0-632-03787-2 et 0-632-03787-3), p. 21–28 — Dolomieu et la première description de la dolomite.
Françoise G. Bourrouilh-Le Jan, Dolomieu, gentilhomme géologue, (lire en ligne)
Jean Gaudant, Dolomieu et la géologie de son temps, Paris, Presses de l'Ecole des mines, (présentation en ligne)
Thérèse Charles-Vallin, Les aventures du chevalier géologue Déodat de Dolomieu, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, (présentation en ligne)
Luigi Zanzi(it), Dolomieu : un avventuriero nella storia della natura, Milan, Jaca Book, 2003 — Bibliographie.