Salvador Mallo est un réalisateur tourmenté et en fin de carrière qui a connu le succès mais qui ne réalise plus de films à cause des nombreuses douleurs physiques et psychiques dont il souffre. Par hasard, il retrouve Zulema, une de ses actrices, qui lui donne l'adresse d'Alberto Crespo, un acteur d’un de ses grands succès avec qui il est brouillé depuis trente-deux ans. À son contact, il sombre peu à peu dans l’addiction à l’héroïne. Frappé d'une terrible dépression au moment même où Sabor (« Saveur »), son film le plus acclamé, est réédité, il se retrouve submergé par des fragments de son existence (notamment du fait de son usage de stupéfiants lié à ses douleurs). Il se remémore également, tout au long du récit, des souvenirs de son enfance auprès de sa mère à Paterna. Salvador va connaître toute une série de retrouvailles après plusieurs décennies, certaines en chair et en os, d'autres par le souvenir, certaines ravivant parfois ses souffrances, d'autres le relançant dans le processus créatif et lui permettant d'approcher le sens de sa vie.
Éléments de thématique
Le film traite de nombreux thèmes : les rapports complexes, pour le personnage de Salvador, entre la douleur physique, l'addiction (à l'héroïne), la créativité et l'écriture, ainsi que la hantise de la mémoire et de l'enfance ou encore l'amour (homosexuel). Nul doute que, plus que d'autres, ce film d'Almodóvar contient des éléments autobiographiques, Antonio Banderas jouant, comme souvent mais plus que jamais, le rôle de l'alter ego d'Almodóvar[1]. Ainsi que le dit la réalisatrice Nathalie Labarthe dans son documentaire Antonio Banderas et Pedro Almodóvar : du désir au double, c'est peut-être le film « le plus personnel et le plus introspectif » d'Almodóvar, et celui qui récapitule le mieux, pour ce qui est de son aventure cinématographique et du cheminement du processus créatif de son œuvre, les relations privilégiées qu'il nouera avec ses acteurs fétiches (ici : Antonio Banderas et Penélope Cruz), la nostalgie et le retour à l'enfance avec ses découvertes, et la figure de la mère[2]. Le réalisateur, alors âgé de 70 ans, a fait du personnage de Salvador son double, rappelant Huit et demi du cinéaste italien Federico Fellini. Dans ce film datant de 1963, Marcello Mastroianni incarne un réalisateur déprimé et fatigué qui revisite ses souvenirs[3].
Pour Céline Rouden de La Croix, « Apparaissant involontairement comme le troisième volet d'une trilogie qui serait constituée par La Loi du désir et La Mauvaise Éducation, il met en scène une fois de plus un réalisateur. Sauf que celui-ci – incarné par son double cinématographique Antonio Banderas –, vieillissant et hirsute, lui ressemble et évolue dans un appartement qui n'est autre que le sien, reconstitué à l'identique en studio. À partir de là, à la manière d’une autofiction littéraire, sa vie et son imagination se confondent, dans un film brillantissime, dont la construction en forme de puzzle émotionnel nous emmène à la source de tout : son désir de cinéma. »[12].
Pour Catherine Balle du Parisien, « Porté par un Banderas magistral, le film est à l'image de ses décors aux couleurs explosives et aux géométries psychédéliques : exubérant, luxuriant et flamboyant. »[13].
Pour Gérard Lefort des Inrockuptibles, « Toute ressemblance avec Pedro Almodóvar, né en 1949 et auteur depuis le début des années 1980 d’une vingtaine de films qui l'ont rendu glorieux, n'est évidemment pas fortuite. [...] Douleur et Gloire n'est pas un requiem mais un hymne à la joie, à la vie malgré tout, une mélancolie profonde qui est aussi la promesse d'une nouvelle movida. »[7].
Pour Elisabeth Franck-Dumas de Libération, « Douleur et Gloire n'est pas la cathédrale baroque et hystérique qu'on pourrait attendre d'un film avec un tel titre, d'un tel cinéaste. Non, si Pedro Almodóvar n'a pas eu peur de se frotter ici aux grands totems, la vie et l’œuvre, le désir et la création, la réalité et la fiction, il l'a fait avec un calme et une évidence qui ont quelque chose de stupéfiant, faisant de ce film l'un de ses meilleurs, et de ses plus autobiographiques. »[14].
Entretien avec Pedro Almodóvar par Louise Dumas et Philippe Rouyer, « Sauver mon personnage, c'était me sauver moi aussi », Positif, no 699, Paris, Institut Lumière/Actes Sud , , p. 23-27 (ISSN0048-4911)
Notes et références
↑Louis Guichard, « Douleur et Gloire : critique », Télérama, (lire en ligne, consulté le ).
↑Documentaire de 52 minutes présenté sur Arte le 8 mai 2022 après la diffusion du film Douleur et Gloire : Nathalie Labarthe, Antonio Banderas et Pedro Almodóvar : du désir au double, .
L'année indiquée est celle de la cérémonie. Les films sont ceux qui sont proposés à la nomination par l'Espagne ; tous ne figurent pas dans la liste finale des films nommés.