En , Donizetti reçut du Teatro San Carlo de Naples la commande en pièce d'occasion d'un opéra destiné à être représenté au mois de juillet suivant pour l'anniversaire de la reine Marie-Isabelle, femme du roi François Ier des Deux-Siciles. S'agissant d'une représentation officielle, il était d'usage de donner un ballet en cinq actes et un opéra, qui ne comportait couramment qu'un seul acte[2]. Le compositeur travailla à cette commande tout en s'occupant de la reprise napolitaine de plusieurs de ses ouvrages antérieurs[3]. Le 15 juin, il écrivait à son ancien professeur Simon Mayr : « Lundi nous commencerons les répétitions d’Elvida en un acte. Ce n'est rien de très notable, à vrai dire, mais si j'ai du succès avec la cavatine de Rubini et le quatuor, cela me suffira. Il va sans dire que les soirs de gala, personne ne fait vraiment attention. »[4]
La première bénéficia d'une distribution extrêmement brillante, réunissant Henriette Méric-Lalande, Giovanni Battista Rubini et Luigi Lablache, et d'un déploiement de moyens scéniques allant jusqu'à la présence de catapultes praticables sur scène[7]. L'opéra fut bien accueilli : « Le , écrit Donizetti à son père le 21 juillet, j'ai donné l'opéra en un acte Elvida au San Carlo et j'ai été applaudi par le roi et la reine, et le deuxième soir, j'ai été appelé sur scène avec Rubini, la Lalande et tous les autres. »[4] Dans une lettre du même jour, il écrit à un autre correspondant : « Mes tourments sont enfin terminés, et je suis parvenu à éviter d'être sifflé à trois occasions successives. En réalité je dirais même que je m'en suis sorti avec les honneurs, particulièrement avec L'ajo et Elvida. »[8] Les critiques furent toutefois mitigées[9] et l'opéra n'eut que quatre représentations, et il ne semble pas qu'il ait jamais été repris, ni à Naples, ni ailleurs.
L'association britannique Opera Rara en a produit un enregistrement en 2004.
Distribution
Rôle
Type de voix
Interprètes lors de la première le
Elvida, nobile donzella castigliana Elvida, noble jeune fille castillane
Coro di Spagnuoli. Mori d'ambo i sessi. Guerreri del seguito d'Alfonso i d'Amur. Banda militare spagnuola. Chœur d'Espagnols. Chœur de Maures des deux sexes. Soldats de la suite d'Alfonso. Soldats de la suite d'Amur. Musique militaire espagnole.
Elvida, jeune castillane de noble extraction, est retenue prisonnière depuis deux mois par Amur, chef d'une tribu Maure. Son fiancé Alonso marche sur la ville à la tête de soldats espagnols pour la libérer.
Premier tableau
Salle de la maison d'Amur. Durée : environ 26 min
Scène 1 : Le chœur des Maures commente avec désespoir l'avance irrésistible des troupes espagnoles.
Scène 2 : Zeidar, fils d'Amur, est épris d'Elvida, ce qui provoque l'irritation de son père qui, exaspéré par sa morgue, la ferait volontiers exécuter. Zeidar suggère d'abandonner la prisonnière aux Espagnols pour sauver la ville, qui est la dernière place musulmane dans la région, tout en affirmant que lui-même en mourra de chagrin.
Scène 3 : Amur tente une dernière fois de convaincre Elvida d'épouser son fils mais la jeune fille rejette avec mépris cette proposition et rappelle à Amur qu'il a tué son père et que la mort de celui-ci n'a toujours pas été vengée.
Scène 4 : Amur sort pour encourager au combat les soldats arabes qui défendent la ville.
Scène 5 : Zeidar cherche à susciter la compassion d'Elvida mais elle demeure inflexible et les gardes l'emmènent pour la jeter dans un cachot.
Scène 6 : Amur revient précipitamment. Il est convaincu que la ville n'est pas en état de résister à l'assaut des Espagnols et engage Zeidar à s'enfuir à ses côtés en empruntant un passage souterrain pour rallier les renforts envoyés par un autre chef maure, Azor, dont il espère qu'ils l'attendant dans un bois proche.
Deuxième tableau
Une place de la ville. Les catapultes finissent de démolir les murailles. Les Maures sont en fuite. Durée : environ 12 min
Scène 7 : Les troupes espagnoles font leur entrée dans la ville que les Maures ont désertée. Alfonso est à leur tête et se réjouit de la victoire tout en s'inquiétant du sort d'Elvida.
Scène 8 : Ramiro, l'un des officiers d'Alfonso, vient annoncer qu'Amur et Zeidar sont en fuite.
Scène 9 : Zulma, esclave d'Amur, offre de montrer à Alfonso le passage souterrain par où son maître s'est enfui et qui conduit à la prison d'Elvida.
Troisième tableau
La prison souterraine où Elvida est détenue. Durée : environ 27 min
Scène 10 : Dans sa prison, Elvida s'abandonne au désespoir.
Scène 11 : Amur fait irruption dans la prison, en compagnie de Zeidar. Il veut prendre Elvida en otage pour assurer la sécurité de sa fuite.
Scène 12 : Alfonso entre à son tour accompagné de ses soldats. Amur sort son poignard pour tuer Elvida mais Zeidar arrête son bras. Amur est fait prisonnier par les Espagnols. Il maudit son fils et l'accuse de trahison.
Scène 13 : Ramiro vient annoncer que les troupes espagnoles se sont heurtées aux troupes maures d'Azor et que ces dernières ont été mises en fuite. Alfonso fait emmener Amur.
Scène 14 : Alfonso accorde la liberté à Zeidar et lui promet d'épargner son père.
Scène finale : Alfonso et Elvida se réjouissent. Leur mariage sera célébré dès le lendemain.
Analyse
Les circonstances de la création d’Elvida étaient peu favorables à la composition d'un ouvrage véritablement consistant sur le plan dramatique. La faute n'en incombe pas tant au livret de Giovanni Schmidt, convenu mais ni meilleur ni pire que beaucoup d'autres à la même époque, qu'à la combinaison entre la qualité superlative de la distribution, réunissant trois des meilleurs chanteurs de leur temps, et la destination de l'œuvre, jouée lors d'une soirée de gala au cours de laquelle l'assistance portait peu d'intérêt à ce qui se déroulait sur scène, impliquant pour le compositeur la nécessité de fournir des numéros musicaux spectaculaires propres à capter le peu d'attention que le public était disposé à consacrer à l'opéra.
Il est donc compréhensible que les rôles attribués à Henriette Méric-Lalande et Giovanni Battista Rubini, qui excellaient l'une et l'autre dans les vocalises, soient surchargés d'ornements au détriment de la vraisemblance dramatique : c'est le cas de la cavatine d'Alfonso Atra nube al sole intorno ainsi que de celle, très brève, d'Elvida A che mi vuoi ?, ainsi bien sûr que du spectaculaire duetto final qui les réunit Il cielo in pria sdegnato. Donizetti en était conscient et n'hésita pas à en rire lui-même dans Le convenienze teatrali, petite farsa en un acte donnée l'année suivante à Naples, dans laquelle le personnage de Corilla, qui est censée être une chanteuse d'opéra, interprète la cavatine d'Elvida.
Au-delà des prouesses vocales exigées par ces passages, Elvida comporte d'autres moments dignes d'intérêt. C'est en particulier le cas du quatuoradagio du dernier tableau Deh ! ti placa.
↑Ce sera également le cas de Francesca di Foix (1831), composé pour une occasion similaire.
↑Donizetti à Simon Mayr, : « Depuis hier je dirige les répétitions de mon bienaimé Don Gregorio [L'ajo nell'imbarazzo] au Teatro Nuovo, avec l'addition de quelques nouveaux morceaux. Jeudi je commence [les répétitions d’Alahor in Granata] au San Carlo, puis le 6 juillet j'aurai l'autre opéra en un acte. Peu de ducats, beaucoup de peine, mais il faut prendre son mal en patience ; si j'en retire beaucoup d'honneur, je devrai m'estimer bien payé. » (cité par Commons, art. cit., p. 13). Dans une lettre adressée à son père le 21 juillet, Donizetti précise qu'il reçut 200 ducats pour Elvida.
↑Selon le Giornale del Regno delle Due Sicilie(8 juillet 1826) : « Le Signor Schmidt mérite des applaudissements pour nous avoir montré dans la figure du jeune Alonso [sic] – qui combat bravement pour reconquérir sa bienaimée, enlevée à lui par les Maures, et qui se conduit avec magnanimité vis-à-vis de son rival – cette noblesse et cette élévation d'âme qui ont toujours distingué les Espagnols, et qui, associées aux nombreuses autres vertus qui la parent, brillent de manière si resplendissante en Notre Auguste Reine. » (cité par Commons, art. cit., p. 15)
↑Selon le Giornale del Regno delle Due Sicilie (8 juillet 1826, préc.) : « Pour dire la vérité, nous n'avons pas entendu dans ce nouvel ouvrage de morceau qui nous a grandement surpris ou ému ; pour autant, il nous a paru parsemé de motifs gracieux et conduit avec cette régularité qui caractérise l'école de Mayr. L’aria de la prima donna, magistralement chantée, est particulièrement notable ; de même que le finale nous a semblé très bien combiné. En général nous avons trouvé plus d'expression imitative et de solidité de style dans les récitatifs que dans la partie cantabile proprement dire. » Une autre critique, parue dans un périodique anglais, The Harmonicon (janvier 1827), décrit Elvida comme « une nouvelle opérette » et la juge sévèrement : « [L'ouvrage] contenait plusieurs passages plaisants mais, dans l'ensemble, était pauvre et plein de banalités musicales. » (citations extraites de Commons, art. cit., p. 19
Voir aussi
Sources
(en) William Ashbrook, Donizetti and his operas, Cambridge University Press, 1982 (ISBN0-521-27663-2)
(en) Jeremy Commons, Elvida, livret de l'enregistrement Opera Rara, 2005, pp. 9–29
(fr) Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Paris, Fayard, coll. Les indispensables de la musique, 2003 (ISBN2-7427-5481-4)