La Gaule cisalpine (latin : Gallia Cisalpina, Gallia Citerior, Gallia togata ou Provincia Ariminum), aussi appelée Gaule citérieure, est la partie de la Gaule qui couvrait l'Italie du Nord. Elle était ainsi nommée par les Romains en raison de sa position en deçà des Alpes (par opposition à la Gaule transalpine, s'étendant au-delà). La Gaule cisalpine est le territoire occupé par les Celtes, qui correspond aux deux régions (Regio XI Transpadana et Gaule Cispadana), et non l'ensemble du Nord de l'Italie, peuplé de populations diverses.
L'issue de la deuxième guerre punique n'ayant pas été favorable à la Gaule cisalpine, les Romains défont de nouveau les Celtes à Bedriacum en -200, bataille à l'issue de laquelle seuls les Boïens et les Insubres opposent une résistance. Après la reddition de ces derniers à Mutina en -194, les Boïens résistent face à Rome jusqu'en -191. Dès lors, la Gaule cisalpine tombe sous la dépendance de la République romaine[16].
Durant les crises qui secouent la république au Ier siècle av. J.-C., le contrôle de cette province est un enjeu majeur pour deux raisons. D'abord, elle est une position géostratégique capitale pour Rome, puisqu’elle est la porte d'entrée nord de l'Italie, que ce soit par l'est, l'ouest ou le nord (Alpes). Des armées y stationnent donc en permanence, Cette présence militaire explique la seconde raison: la Gaule cisalpine est la plus proche région militaire de Rome et celui qui la commande n'est qu'à quelques jours de marche de la capitale. En janvier -49, Jules César, proconsul des Gaules, y compris la Cisalpine, en franchit la limite (Rubicon) et envahit l'Italie, déclenchant la guerre civile[20].
À propos de la romanisation de la Gaule cisalpine, l’historien Jean-Michel David indique dans son livre La romanisation de l’Italie[21], et ce dès l’introduction[22], que cette partie nord de l’Italie, a connu une phase de colonisation importante caractérisée par l’installation dans cette zone frontière d’un grand nombre de Romains et d’Italiens en provenance du centre de la péninsule[23], ce qui a permis à Rome d’affirmer son emprise sur ces territoires.
Les déplacements de populations, conséquences de la seconde guerre punique, furent assez prégnants pour avoir des effets importants sur l’ensemble du peuplement de la péninsule[24]. Certains ont été forcés comme l’expulsion des Ligures à la limite du Samnium et de la Campanie[25], d’autres volontaires, comme l’important processus de colonisation de la Gaule cisalpine par les Romains et Italiens provenant de territoires plus méridionaux par rapport à cette zone frontière conquise par Rome.
L’auteur mentionne également que la profondeur de la colonisation au sein de la Gaule cisalpine n’a pas été partout la même, malgré son importance : la Transpadane, cette région au nord du Pô, a connu une colonisation moins dense que la Cispadane située au sud du fleuve[26], où elle a, selon ce dernier, fait disparaître les populations gauloises[27]. Ailleurs, en revanche, comme dans la partie septentrionale de l’Etrurie, dans la région de Luna, elle eut pour conséquence un certain maintien de l’équilibre démographique.
Au niveau de la péninsule italienne, ces déplacements ont engendré une homogénéité culturelle et politique accrue de cet espace géographique sous la domination de Rome[28], ainsi qu’une modification de son peuplement humain[29].
↑ a et bHenri Hubert, Les Celtes et l'expansion celtique jusqu'à l'époque de La Tène, Albin Michel à Paris (collection « Évolution de l'humanité ») / 1989 (ISBN2226000771)
↑Henri Hubert, « L'expansion des Celtes à l'époque de la Tène / Les Celtes en Italie », Les Celtes depuis l'époque de la Tène et la Civilisation celtique, La Renaissance du Livre à Paris, 1933 lire en ligne
↑Elena Percivaldi, Les Celtes, une civilisation européenne, Florence, Giunti, 2003.
↑Christian Peyre, La Cisalpine gauloise du IIIe au Ier s. av. J.-C., Paris, ENS, 1979.
↑Autre exemple notable, D. Junius Brutus, un des membres de la conjuration menant à l’assassinat de César. En 44, il est propréteur de la Cisalpine. Marc Antoine essaye de l'en évincer. Un affrontement militaire paraît de plus en plus probable. Il écrit une lettre à Cicéron fort explicite où il décrit les opérations militaires qu'il mène dans les Alpes pour aguerrir ses troupes en vue du conflit à venir. Cicéron, Ad familiares, X, 1, reprise sous le n° DCCCVIII de la Correspondance, volume X, Collection des Universités de France (collection Budé), Les Belles Lettres, 1991 (éditeur J. Beaujeu).
↑Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 260 p. (ISBN978-2-0812-2446-9), p.9 :
« Il suffit, en effet, de penser à l'importance des phénomènes de colonisation en Cisalpine (...). »
↑Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 260 p. (ISBN978-2-0812-2446-9), p.88 :
« La Cisalpine bénéficiait malgré tout d'un traitement particulier. Tout se passait en effet comme si les milieux dirigeants romains avaient décidé d'en faire une vaste région frontière où il fallait installer un grand nombre de Romains et d'Italiens du centre de la péninsule, à la fois pour écarter toute menace gauloise et pour se réserver les terres confisquées dans les régions méridionales. »
↑Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 260 p. (ISBN978-2-0812-2446-9), p.88 :
« Dans toute l'Italie cependant les phénomènes de déplacement de population furent assez importants pour avoir eu des effets sensibles sur l'ensemble du peuplement. »
↑Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 260 p. (ISBN978-2-0812-2446-9), p.86 :
« (...) Il y eut d'autres cas, car les Romains procédèrent à des déportations qui permirent de repeupler des territoires qui avaient été précédemment dévastés. Les Ligures par exemple, qui en 180 furent installés sur celui des Taurasini à la limite du Samnium et de la Campanie, étaient 47 000, femmes et enfants compris. De tels chiffres laissent supposer qu'en ajoutant d'autres cas sur lesquels nous ne sommes qu'à peine renseignés, c'était l'équilibre démographique et plus encore ethnique de certaines régions qui se trouvait modifié. »
↑Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 260 p. (ISBN978-2-0812-2446-9), p.21 :
« (...) Elles annonçaient cependant la situation qui prévalut aux IIe et Ier siècles, quand, après la deuxième guerre punique, la Cispadane fut de nouveau très largement colonisée et romanisée alors que la Transpadane demeurait peuplée d'alliés de Rome, largement autonomes, si bien que l'intégration de ces deux parties de la plaine du Pô dans l'ensemble romain ne se fit ni au même rythme, ni selon les mêmes formes. »
↑Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 260 p. (ISBN978-2-0812-2446-9), p.89 :
« (...) Dans certaines régions comme la partie de la Cisalpine qui se trouvait au sud du Pô, le processus fut tel que les populations gauloises disparurent sous l'effet de la colonisation. »
↑Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 260 p. (ISBN978-2-0812-2446-9), p.89 :
« (...) Mais de toute façon, ce processus avait nécessairement pour conséquences, d'une part, une plus grande homogénéité culturelle et politique de l'Italie sous la domination unique et reconnue de Rome, et de l'autre, l'accroissement en poids, en profondeur et en étendue de cette même domination. »
↑Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 260 p. (ISBN978-2-0812-2446-9), p.89 :
« (...) Mais tant de terres changeaient de mains, tant de familles changeaient de lieu, du Latium à la Cisalpine, de la Ligurie à la Campanie, que la composition ethnique et sociale de la péninsule ne pouvait manquer d'être modifiée. De façon variable, évidemment, selon le nombre des immigrants, la taille des lots qui leur étaient attribués et les sites où ils étaient implantés, au cœur des populations indigènes ou à la périphérie de leur territoire. »
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Stéphane Bourdin, Les peuples de l'Italie préromaine. Identités, territoires et relations inter-ethniques en Italie centrale et septentrionale (VIIIe-Ier s. av. J.-C.), Rome, BEFAR (no 350, 2012.
Raymond Chevallier, La romanisation de la Celtique du Pô. I, Les données géographiques, Paris, Les Belles Lettres, 1980. Pour un résumé, lire ce compte-rendu.
Christian Peyre, La Cisalpine gauloise du IIIe au Ier siècle av. J.-C., Paris, Presses de l'École normale supérieure, (lire en ligne)