L'itinéraire de George Pritchard est caractéristique de l'ascension sociale que permettait l'engagement missionnaire dans la première moitié du XIXe siècle[1]. Issu d'un milieu modeste au sein d'une famille nombreuse de Birmingham, il s'engagea au sein de la London Missionary Society et devint pasteur en 1824 peu de temps avant d'être envoyé en mission en Polynésie. Il relevait ainsi désormais de la classe moyenne, et même de la upper middle class lorsqu'il devint en 1837 consul du Royaume-Uni à Tahiti. Comme le souligne l'historienne Claire Laux, sans doute son exil lui permit-il bien mieux de « valoriser ses qualités qu'il n'eût probablement pu le faire en demeurant en Grande-Bretagne »[1].
L'« Affaire Pritchard »
Pritchard suggéra en 1839 à Lord Palmerston de faire de Tahiti un protectorat britannique, mais celui-ci refusa[2]. Pritchard s'inquiétait de l'arrivée de missionnaires catholiques, Honoré Laval et François Caret de l'ordre des Pères et religieuses des Sacrés-Cœurs de Picpus, susceptibles de remettre en cause la solide implantation méthodiste qui assurait une place de choix au pasteur Pritchard. Son « anti-catholicisme viscéral[2] » l'amena à utiliser son ascendant sur la reine de Tahiti Pomare IV, dont il était devenu le conseiller, pour l'encourager à expulser deux missionnaires catholiques présents sur l'île. Cela fournit l'occasion à la France de prendre le contrôle de l'île. En , profitant de l'absence de Pritchard, l'amiral Dupetit-Thouars établit un protectorat français sur l'île.
En 1843, Pritchard convainquit la reine Pomare IV d’arborer le drapeau tahitien à la place du drapeau du protectorat et la poussa à la révolte. La France décida dès lors d'annexer le territoire (), ce qui entraina l’exil de la reine aux îles Sous le Vent, puis, sous l'influence du commissaire royal Jacques-Antoine Moerenhout, l'expulsion de Pritchard (1844)[3]. C'est ainsi que débuta une véritable guerre franco-tahitienne en .
La guerre se termina le à la prise de Fatahua, en faveur des Français. La reine revint d’exil en 1847 et accepta de signer une nouvelle convention qui réduisait considérablement ses pouvoirs au profit de ceux du commissaire. Les Français régnèrent désormais en maîtres sur le royaume de Tahiti. En 1863, ils mirent fin à l’influence britannique en remplaçant les missions protestantes britanniques par la Société des missions évangéliques de Paris.
L'« Affaire Pritchard » entraîna d'importantes tensions entre la France et le Royaume-Uni et amena Londres à exiger de Louis-Philippe Ier des excuses, le retour au statut de protectorat et le versement d'une indemnité au pasteur Pritchard pour la spoliation de ses biens[2]. Les annexions françaises dans le Pacifique s'arrêtent pour quelque temps pour apaiser les Britanniques ; en 1842, la France refuse ainsi d'établir un protectorat à Wallis-et-Futuna[4].
Après l'expulsion de Tahiti
En 1845, George Pritchard fut nommé consul britannique aux Samoa[5]. Il démissionna en 1856 et rentra en Angleterre. Sa femme mourut en 1871 et il se remaria peu après. En 1878, il publia Queen Pomare and her Country, ouvrage relatant son expérience tahitienne. Il mourut d'une bronchite le dans son domicile de Hove.
Son fils William (1829-1907) fut également un acteur important de la colonisation du Pacifique.
↑Jean-Claude Roux, Wallis et Futuna : Espaces et temps recomposés. Chroniques d'une micro-insularité, Talence, Presses universitaires de Bordeaux, , 404 p. (ISBN2-905081-29-5, lire en ligne), p. 131
Philippe Chassaigne, La Grande-Bretagne et le monde de 1815 à nos jours, Armand Colin, 2009
Claire Laux, « L'élan missionnaire outre-mer en France et en Angleterre dans la première moitié du XIXe siècle », in Hélène Fréchet (dir.), Religion et culture de 1800 à 1914, Éditions du Temps, 2001