Le très long règne du gouvernement Taschereau (tout près de 16 ans, un record inégalé) peut se diviser en deux parties. Dans la première, de 1920 à 1929, il continue en gros la politique d'industrialisation de Lomer Gouin et de Simon-Napoléon Parent. Il fait construire des routes reliant les grands centres urbains aux régions éloignées, telles l'Abitibi et la Gaspésie. De plus, il introduit des mesures sociales, telles la création de la Régie des Alcools, la loi sur les accidents de travail et la loi légalisant l'adoption. Une bonne conjoncture économique lui fait remporter les élections générales de 1923 et 1927 mais elles sont moins éclatantes toutefois que celles de Gouin.
La seconde période, de 1929 à 1936, est celle d'un long déclin suivi de la débâcle. Croyant à une crise passagère, le gouvernement Taschereau ne réagit pas tout de suite à la crise économique qui suit le krach de Wall Street. En 1931, il annonce une série de travaux publics mais le taux de chômage est trop haut pour qu'il soit contré. Il se tourne alors vers les secours directs, c'est-à-dire le versement de prestations aux chômeurs. Il préconise aussi le retour à la terre, c'est-à-dire le don de terres aux chômeurs dans les régions éloignées.
Dépassé par les événements, le gouvernement Taschereau prête le flanc à une critique de plus en plus féroce. Des libéraux, insatisfaits des mesures gouvernementales, quittent le Parti et fondent l'Action libérale nationale sous la direction de Paul Gouin, le fils de l'ancien premier ministre. Ils accusent les trusts financiers d'être la cause de la Crise et Taschereau d'être leur marionnette. Une alliance avec les conservateurs de Maurice Duplessis se traduit par une quasi-défaite aux élections de 1935. Quelques mois plus tard, le Comité des comptes publics démontre que le gouvernement est gangrené par la corruption. Taschereau n'a plus le choix que de démissionner.
Chronologie
: assermentation du cabinet Taschereau devant le lieutenant-gouverneur Charles Fitzpatrick.
11 janvier- : deuxième session de la 15e Législature. Création d'une Régie des Alcools dont le but est de contrôler la vente des boissons alcooliques.
: le Parti libéral de Mackenzie King est vainqueur aux élections fédérales.
10 janvier- : troisième session de la 15e Législature. Taschereau annonce des profits de 4 millions de dollars à la Régie des alcools. Pour la première fois, un projet de loi privé sur le droit de vote des femmes est discuté à l'Assemblée législative mais est finalement retiré sans qu'il y ait eu vote.
: Taschereau remporte l'élection générale avec 64 candidats élus contre 19 conservateurs et deux candidats indépendants. Les conservateurs font meilleure figure qu'en 1919 où ils n'avaient fait élire que 5 députés.
: la circonscription d'Abitibi élit son premier député, le libéral Hector Authier, à l'occasion d'une élection partielle.
- : première session de la 16e Législature. Une loi est votée rendant l'adoption légale. Une première taxe sur l'essence, de deux cents le gallon, est créée.
: fondation de la Quebec Power qui obtient le monopole de l'électricité dans la région de Québec.
: une première loi sur les accidents de travail est déposée mais sera plus tard retirée parce qu'elle est jugée insatisfaisante.
1926 : une nouvelle loi sur les accidents de travail est de nouveau déposée puis retirée. Le gouvernement annonce la création d'un parc sur l'île d'Anticosti.
: les routes du Québec sont maintenant numérotées. Ainsi le Chemin du Roy reliant Québec à Montréal sur la rive nord du Saint-Laurent prend le nom de route 2.
Automne 1926 : Taschereau se rend en Grande-Bretagne pour y plaider la cause du Labrador au Conseil privé de Londres.
: l'incendie du Laurier Palace, une salle de cinéma de Montréal, fait 77 morts, tous des enfants.
: le Conseil privé de Londres accorde tout le territoire du Labrador à Terre-Neuve.
: Sanction de la loi selon laquelle il ne sera plus nécessaire pour un député qui devient ministre de démissionner pour se faire réélire.
: les libéraux remportent 74 sièges contre 10 aux conservateurs lors de l'élection générale. Maurice Duplessis devient député de la circonscription de Trois-Rivières.
3- : conférence fédérale-provinciale à Ottawa. Ottawa veut faire accepter des amendements à la Constitution aux provinces mais celles-ci lui apposent un refus.
1928 : la loi sur les accidents de travail est finalement adoptée. Inauguration de la route ceinturant la Gaspésie.
: une loi interdit aux enfants de moins de 16 ans l'accès dans les salles de cinéma.
: les libéraux de Taschereau remportent l'élection générale avec 79 sièges contre 11 pour les libéraux. Camillien Houde est battu dans les deux comtés où il se présentait.
: présentation en Chambre d'une série de nouvelles taxes visant à équilibrer un budget mis à mal par la crise économique.
: présentation d'une loi sur le retour à la terre, qui permet de donner des terres aux chômeurs en Gaspésie, en Abitibi et au Témiscamingue. Le chômage atteint alors presque 33 % de la population.
: le gouvernement annonce un premier déficit en 30 ans dans son budget.
: Taschereau profite d'une conférence interprovinciale pour demander une subvention fédérale afin de renforcer la lutte contre le chômage.
: Paul Gouin fonde l'Action libérale nationale dont le but principal est d'enlever certaines ressources naturelles aux trusts financiers afin qu'elles deviennent propriété de l'État.
: la Commission Lapointe sur l'électricité recommande le contrôle rigoureux de l'initiative privée et se prononce contre l'étatisation en bloc. Par contre, il reconnaît le principe d'une municipalisation modérée de l'électricité.
: T. D. Bouchard est le premier journaliste à devenir membre d'un gouvernement au Québec.
: Mackenzie King redevient premier ministre à la suite des élections fédérales.
: Gouin et Duplessis annoncent une alliance politique entre l'ALN et le PC afin de mieux lutter contre le régime Taschereau. C'est la formation de l'Union nationale.
: Taschereau remporte difficilement l'élection générale avec 48 libéraux contre 16 conservateurs et 26 candidats de l'ALN.
: début des audiences du Comité des comptes publics chargé de vérifier les comptes de l'État. Au cours du mois suivant, Duplessis met au jour une série de scandales qui paralysent le gouvernement. L'ancien ministre Irénée Vautrin a subtilisé des fonds à son ministère pour des dépenses personnelles. Le haut fonctionnaire Charles Lanctôt a reçu du gouvernement 140 000 $ de frais de voyages depuis 1928. Antoine Taschereau, frère du premier ministre, a déposé 75 000 $ du trésor provincial à la Banque Canadienne Nationale de Saint-Pacôme pour encourager son fils qui y est gérant. Il a gardé 10 000 $ d'intérêt sur les fonds publics.
: Louis-Alexandre Taschereau démissionne. Adélard Godbout lui succède et déclenche des élections.
Aurèle Lacombe : ministre sans portefeuille. (Défait à l'élection de 1923.)
Remaniement du :
Jacob Nicol: trésorier provincial, ministre des Affaires municipales. (Succède à W.G. Mitchell, qui a démissionné le pour se présenter à une élection fédérale.)
Nomination le :
Martin Madden : ministre sans portefeuille. (Décède en fonction le .)
Remaniement le :
Louis-Alexandre Taschereau: premier ministre, procureur général, ministre des Affaires municipales (succède à Jacob Nicol à ce dernier ministère).
Hector Laferté : ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries.
Nomination le :
Andrew Ross McMaster: trésorier provincial. (Succède à Jacob Nicol, qui démissionne et est nommé membre du Conseil législatif.)
Nomination le :
Narcisse Pérodeau : ministre sans portefeuille. (Leader du gouvernement au Conseil législatif. Retour au Conseil législatif et au conseil des ministres, après son terme de lieutenant-gouverneur.)
Remaniement le :
Joseph-Napoléon Francoeur : ministre des Travaux publics, ministre du Travail. (Succède à Antonin Galipeault, qui a démissionné pour devenir juge.)
Jacob Nicol : ministre sans portefeuille. (Retour au conseil des ministres après avoir été président du Conseil législatif. Leader du gouvernement au Conseil législatif de 1934 à 1936.)