Dominique-Vivant Denon proposa à Napoléon Ier, le 5prairialan XII (), un modèle de collier destiné aux grands officiers ou à l'ornement des armoiries impériales, formé d’une alternance d’enseignes romaines – vexilla en latin – surmontées d'un aigle, et de trophées évoquant les disciplines d’excellence des membres de la Légion d'honneur. Ce collier en entourant l'écu fut intégré au blason de l’Empire diffusé dès et fut repris dans la version définitive du contre-sceau de l’État fixée par décret le 16pluviôsean XIII ().
Sans qu'aucun décret ne soit venu l'officialiser, le grand collier, imaginé par Dominique-Vivant Denon et réalisé par l’orfèvreMartin-Guillaume Biennais, apparut pour la première fois le lors de la cérémonie du sacre de Napoléon Ier à Notre-Dame-de-Paris[1]. De ce collier d'or émaillé formé de 16 aigles attachées ensemble par de doubles anneaux d'or, il n'existe plus que la description par son fabricant, l'orfèvre, et des représentations iconographiques. Il fut certainement fondu pour fabriquer un collier d'un modèle différent.
De fait, dès le début de 1805, l'Empereur commanda à Biennais la réalisation d'un collier dit du « second type », composé de seize médaillons symbolisant les disciplines d'excellence des membres de la Légion d'honneur, et de seize aigles symbolisant les cohortes, unités territoriales administratives de l'institution, le tout bordé d'une double chaînette alternant abeilles et étoiles, éléments majeurs de la symbolique napoléonienne.
Il n’était pas statutaire : Sa Majesté impériale et royale fit fabriquer plusieurs exemplaires de ce bijou et le distribua à son bon vouloir aux princes et grands dignitaires de l'Empire français. Sa symbolique illustrait les activités d’excellence de la Nation.
Napoléon se fit également réaliser au début de 1805 par le joaillier Marguerite un collier du second modèle garni de diamants. Démonté sous la Restauration, il ne reste plus de ce bijou que le mémoire de fourniture et des représentations iconographiques, dont la plus célèbre est le portrait de Napoléon Ier sur le trône impérial peint par Dominique Ingres.
Appelé à être décoré du grand collier, Cambacérès demanda à Biennais de lui fabriquer sa décoration. Biennais exécuta un calque (voir ci-contre) conservé aujourd'hui à l'université Kokagakuin au Japon. Le 10 février, l'empereur lui remit sa décoration au cours d'une cérémonie officielle au palais des Tuileries, où fut également promu le prince Borghèse.
En 1881, alors que la IIIe République, en place depuis le , organisait ses fastes, l'idée d'un collier de la Légion d'honneur, attribut du président de la République, grand maître de l'ordre, à porter sur l'habit (le frac), se fit jour. La IIIe République crée donc un nouveau collier directement inspiré du premier et en fait l'emblème du président de la République, dont le nom est gravé au revers des maillons. Le dessin original d'un nouveau collier, dérivé du « 2e modèle Empire » fut approuvé par le président Grévy. L'exécution du projet fut confiée à la maison Lemoine et Fils. Chaque médaillon du bijou porte au revers le nom d'un président de la IIIe République, d'Adolphe Thiers à Albert Lebrun, dont deux fois pour ce dernier ainsi que Jules Grévy, tous deux réélus. Le dernier président à l'avoir reçu est Vincent Auriol, en 1947, première année de son mandat. Son nom n'y fut pas gravé, tous les maillons étant occupés.
« Monsieur le président de la République, nous vous reconnaissons comme Grand Maître de l'ordre national de la Légion d'honneur[2]. »
Comme l'indique le site de la Légion d'honneur[3], le collier est l' « attribut d'une fonction, et non [une] décoration décernée à une personne en reconnaissance de ses mérites, le collier de la Légion d'honneur matérialise l'investiture du président de la République en sa qualité de grand maître de l'ordre»[3]. Le président de la République nouvellement élu est automatiquement décoré (« élevé à la distinction ») de la grand'croix de la Légion d'honneur et en reçoit les insignes lors de la cérémonie d'investiture[4],[5]. Il conserve cette décoration avec cette distinction après la fin de son mandat[5].
Jusqu'à Georges Pompidou, les présidents de la République portèrent le collier sur l'habit. Depuis, Valéry Giscard d'Estaing simplifia le cérémonial[5]. Le collier n'est plus porté : il est présenté sur un coussin rouge par le grand chancelier au président de la République[5]. Le collier est ensuite déposé au musée de la Légion d'honneur, où il est conservé (avant 1959, il restait en dépôt au palais de l'Élysée[3]). Procès-verbal est dressé.
Quatre exemplaires sont visibles au musée de la Légion d'honneur : celui du maréchal Berthier (« modèle Premier Empire 2e type ») donné par le prince de La Tour d'Auvergne-Lauraguais en 1962, celui donné à l'État par le prince Napoléon en 1979 (« modèle Premier Empire 2e type »), celui de la IIIe République, datant de 1881, et enfin le collier « modèle 1953 » utilisé lors de la cérémonie d'investiture. De son côté le musée de l'Armée conserve le collier de Napoléon donné par Joseph Bonaparte aux Invalides en 1843[6].
Le dessin dû à Galy (qui ne fut jamais réalisé), présentait en ligne descendante seize vexilla portant en chiffres romains les numéros des seize cohortes de la Légion séparés par des insignes scientifiques, artistiques, culturels ou militaires symbolisant les activités de la France.
Il y en eut, sous le Premier Empire, sans tenir compte de variantes en soi minimes, deux types essentiellement différents dont le premier servit incontestablement lors du sacre (voir les tableaux de Napoléon en costume du sacre par Robert Lefèvre et le baron Gérard). Par la suite, les princes de la famille impériale, Cambacérès et Talleyrand firent frapper les mêmes colliers dans le bronze. Aucun de ces colliers ne subsiste.
Premier type : L'orfèvre Martin-Guillaume Biennais le décrivait ainsi : « Il est composé de seize grands aigles les ailles ouvertes, et tenant dans leurs serres un foudre, ayant suspendues à leurs cous, la croix d’honneur en or émaillé avec les numéros des cohortes. Les dits aigles sont attachés ensemble par de doubles anneaux d’or et se réunissent au milieu à une couronne de laurier au milieu de laquelle est la lettre N surmontée d’une couronne impériale, et au bas desquels est suspendue la grande croix d’honneur émaillée et ciselée avec le portrait de S. M. l’Empereur d’un côté et de l’autre un aigle impérial posé sur un foudre le tout en or et ciselé […]. »
Portrait de Napoléon en costume du sacre, Robert Lefèvre.
Portrait de Napoléon en costume du sacre, Robert Lefèvre, 1807.
Portrait de Napoléon en costume du sacre, Robert Lefèvre, 1811.
Portrait de Napoléon en costume du sacre, gravure au trait tirée du Pausanias français. d'après le tableau de Robert Lefèvre exposé au Salon de 1806 en même temps que celui d'Ingres.
Deuxième type : Les aigles en ligne descendante, comme on peut les admirer sur le collier qui repose dans la crypte des Invalides, les attributs des Lettres, Sciences et Arts, placés à l'intérieur d'un médaillon détouré dont la couronne de lauriers est émaillée au naturel, sont reliés entre eux par des aigles au vol abaissé empiétant un foudre. Ils sont cravatés de rouge avec une étoile émaillée de blanc portant au centre les numéros des seize cohortes. Comme précédemment, les aigles ont la tête tournée vers l'intérieur du collier, donc tantôt normales tantôt contournées. Leur chaîne est bordée à l'intérieur comme à l'extérieur par de petites étoiles à cinq rais entourées d'un anneau, alternant avec des médaillons oblongs qui présentent en relief un autre symbole impérial : l'abeille. Le motif central est constitué par un vaste « N » entouré de deux couronnes de palmes et de lauriers concentriques, avec en bout une grande étoile surmontée d'une couronne à aigles contournées.
Lors de son investiture le 16 janvier 1947, le président Vincent Auriol a reçu le collier de la IIIe République, sans son nom gravé au revers, tous les maillons étant occupés.
Le collier de 1953
Le collier actuel est en or massif travaillé en partie en surface mate, partie en surface brillante. Il est composé de seize maillons (en souvenir des seize cohortes de la Légion), de forme rectangulaire, en or formant une chaîne. Les médaillons symbolisent les activités de la Nation, adaptées aux temps modernes. Le motif central de la chaîne est constitué par le monogramme « HP » (Honneur et Patrie, devise de l'ordre). À ce motif est suspendue par une bélière de feuilles de chêne et de laurier la croix de grand-maître, similaire à celle de grand-croix mais d'un diamètre supérieur, 81 mm. L'ensemble pèse 950 grammes.
Chaque médaillon porte les attributs des symboles de l'ordre et activités de la Nation.
Au revers, on retrouve gravés les noms des grands maîtres avec les dates de prise et cessation de fonction. Le douzième maillon a été le premier à être gravé au laser pour ajouter le nom de François Hollande à l'occasion de son investiture[8]. L'attribution de ces symboles à chaque président se fait non par choix de l'intéressé mais selon l'ordre de disposition des maillons.
↑Camille Bronchard, « Investiture d’Emmanuel Macron : c’est quoi ce collier à 16 maillons qui lui a été remis ? », La Voix du Nord, (lire en ligne, consulté le ).
(sous la direction de) Anne de Chefdebien, Grands colliers, l'orfèvrerie au service d'un idéal, Châtellerault, Musée national de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie, , 126 p. (ISBN2-910575-00-4), p. 23-45
François Frédéric Steenackers, Histoire des ordres de chevalerie et des distinctions honorifiques en France, Librairie internationale, , 375 p. (lire en ligne) ;
Jean Daniel, La Légion d’honneur, édition A. Bonne;
Jean Rollet, « Les Insignes de la Légion d'Honneur », Revue du Souvenir napoléonien, no 268, , p. 13-18;