La grotte Lyell est située à Éhein en bordure du vallon d'Engihoul où court le ruisseau du même nom longé par la route des 36 tournants, dans un synclinal formé dans les calcaires du Viséen, à proximité de la carrière du Lion.
Dénomination
Philippe-Charles Schmerling parle de ses fouilles dans les « cavernes d’Engihoul » dans son livre Recherches sur les ossemens fossiles découverts dans les cavernes de la province de Liège[1], paru deux ans après l’exploration de l’endroit.
Il rencontre en 1833 le géologue Charles Lyell, de passage à Liège, et lui expose sa théorie de l’homme fossile ; Lyell est suffisamment intéressé pour la citer dans ses Principes de géologie l’année suivante, mais, de son propre aveu, sans lui attribuer l’importance qu’il lui accordera plus tard[2].
En 1860, Lyell revient à Liège et se décide à examiner « la caverne d’Engihoul » avec l’aide du professeur belge Constantin Malaise[3], de l'Institut agricole de l'État[4] à Gembloux, qui lui fait explorer une caverne différente de celle de Schmerling.
C’est en hommage à cette visite que cette caverne-là est appelée au XXe siècle « grotte Lyell », après avoir été aussi dénommée « Grande Caverne d’Engihoul » dans la somme monumentale[5] que constituent Les Cavernes et les rivières souterraines de la Belgique de E. Van den Broeck, É.-A. Martel et Ed. Rahir[6].
Description
Selon la description établie en 1910, la grotte possède deux entrées : l’une à l’ouest (en B sur le schéma), formée de deux couloirs dont l'un était fermé par le magasin à poudre de la carrière en 1910, l’autre (A) à l’est, à la base de la muraille rocheuse du ravin d'Engihoul, à 13 m au-dessus de la Meuse. Très étroit et difficile d’accès, ce passage a ensuite été élargi et nivelé.
D’ouest en est, cinq salles se succèdent, au fil d’étroits passages :
la salle la plus basse (10 m plus bas que l'entrée), de 10 m L x 9 m l ;
la « salle de la Lune » de 8 m L x 3 m l. Ce nom lui a été donné par M. Doudou en raison de l'effet lumineux donné par le sommet de la cheminée de la diaclase qui débouche (en C sur le schéma) au sommet du massif ;
la « salle des Nutons », de 4 m L x 3 m l, d’où part la « Galerie des Stalactites », couloir ascendant vers l'ouest totalement obstrué par les concrétions ;
la « salle du Cône », de 14 m L x 3 m l, ainsi nommée à cause du cône régulier formé au plafond par la masse rocheuse ;
la « grande salle », de 20 m L x 18 m l x 3 à 4 m h, avec deux cheminées obliques à l'aplomb desquelles se trouvent la plus grande épaisseur de dépôts meubles contenant des ossements. Il s’agit là d’un probable charnier d'une soixantaine d'ours et d'une cinquantaine de sangliers, formé par la pénétration des eaux de surface qui ont périodiquement submergé les cavités souterraines.
Fouilles successives
L’ensemble de la zone d’Engihoul est truffé d’excavations ; outre l'ensemble Grotte Lyell et de Rosée, on peut citer, d’après Ernest Doudou, la « grotte du Mort » (restes d’un adolescent de 15 à 17 ans), le « Trou des néolithiques » pavé de dalles de grès de l’époque romaine, le « Trou des Bohémiens » (ainsi appelé car des Bohémiens y passaient souvent la nuit à la fin du XIXe siècle), le « Trou des corbeaux » que l’on n’atteint qu’encordé où furent trouvés 4 pointes de flèches en silex, l’« Abri des Rhinocéros » à deux niveaux ossifères[7].
Le professeur Joseph Antoine Spring, de l'université de Liège, a précédé en 1853 la visite de Charles Lyell et Constantin Malaise[3] en 1860. Ce dernier a exhumé pour sa part des fragments de crânes humains ensuite mesurés, étudiés et comparés par E.-T. Hamy[8]. De Puygt et Lohest, membres de la Société d’anthropologie de Bruxelles, ont trouvé pas mal de silex taillés néolithiques. En 1894, le professeur de paléontologie à l’université de Liège Julien Fraipont a extrait des ossements d’animaux et des haches en silex. Des particuliers ont aussi fouillé le site au profit de leurs collections personnelles.
Dans les années 1890 encore, Ernest Doudou a découvert de nouvelles cavités recelant des ossements humains et d’animaux, des silex taillés, des fragments de poteries, des os travaillés, des objets en bronze et fer, des traces d’anciens foyers, le tout provenant de diverses époques, ce qui l’a amené à penser que les grottes ont été occupées du Paléolithique au Moyen Âge, en passant par les époques intermédiaires dont la romaine ; la plupart de ces vestiges ont été déposés à l’université de Liège.
Classement comme patrimoine exceptionnel
La grotte Lyell est classée avec celle de Rosée (les deux ne formant en fait qu’un seul et même site) patrimoine immobilier exceptionnel de la Wallonie, au titre de « site souterrain de caractère exceptionnel », par l'arrêté du [9].
Elle n'est accessible qu'aux chercheurs car l'ouverture aux touristes et aux spéléologues entraînerait une modification de l'équilibre naturel du biotope, par des changements de température et d'éclairage, le piétinement de l'argile et l'apport d'éléments nutritifs qui profitent à certaines espèces.
Les grottes sont désormais inaccessibles au public, leur accès ayant été remblayé pour leur préservation à la suite d'un dernier reportage cinématographique[11].
Patrimoine biologique
La grotte Lyell est relativement peu intéressante sur le plan de la paléontologie mais présente, sur celui de la biodiversité, des attraits exceptionnels qui ont été mis en évidence au XXe siècle par divers biospéologues (dont Robert Leruth en 1939). Ils y ont répertorié une dizaine de troglobies dans plus de 70 espèces d'invertébrés dont certaines ont été considérées comme endémiques de la grotte :
Tychobythinus belgicus, découvert dans les années 1940 et qui a été repéré ensuite à Ramioul en 1998 et dans la grotte Nicole, troglobie sans doute récent car possédant encore de minuscules yeux.
Le diploure Litocampa hubarti, découvert en , semblait jusqu’en 2000, ne pas exister ailleurs[12].
Certains de ces cavernicoles, comme Proasellus hermallensis ont été élevés, pour étude, au laboratoire de biologie Souterraine de Ramioul (LBSR), fondé en 1961 par Jean-Marie Hubart[13].
↑ a et bAlix Badot, « Malaise, Constantin Henri Gérard Louis (1834-1916) », Bestor, Belgian Science and Technology Online Resources, (lire en ligne)
↑Bestor, « Gembloux Agro-Bio Tech », Bestor, Belgian Science and Technology Online Resources, (lire en ligne)
↑Guy De Block, De la Chantoire au Sotano. Histoire de la Spéléologie belge, Dricot, Liège, 274 p. (ISBN2-87095-237-6), p. 142.
↑E. Van den Broeck, E.-A. Martel et Ed. Rahir, Les Cavernes et les rivières souterraines de la Belgique étudiées spécialement dans leurs rapports avec l’hydrologie des calcaires et avec la question des eaux potables, t. II, Les calcaires carbonifériens du bassin de Dinant et coup d’œil sur le bassin de Namur, H. Lamertin, Bruxelles, 1910, p. 45 des annexes.
↑Ernest-Théodore Hamy, « Sur quelques ossements humains fossiles de la seconde caverne d’Engihoul, près Liège », Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, vol. 6, no 1, , p. 370-386 (DOI10.3406/bmsap.1871.4478)
↑L’Écho de l’égou, trimestriel commun aux CPSS, CPSS, CWEPSS et CBEPSS, no 41, septembre 2000, p. 3 et 4, lire en ligne
↑ abcdef et gJean-Marie Hubart et Michel Dethier, « La faune troglobie de Belgique : état actuel des connaissances et perspectives », Bulletin S.R.B.E./K.B.V.E., no 135, 1999, p. 164-178, pdf en ligne