La liste des rois du Kent réunit les souverains du royaume anglo-saxon de Kent, de ses fondateurs légendaires, les frères Hengist et Horsa, qui auraient vécu au milieu du Ve siècle, jusqu'à son annexion au royaume de Wessex, au début du IXe siècle.
Grâce à l'Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable, cette liste peut être établie avec précision jusqu'à la mort du roi Wihtred, en 725. Après cette date, l'histoire du Kent doit être reconstituée à partir de sources moins précises, comme les chartes et monnaies émises par les rois, dont la succession est par conséquent plus difficile à reconstruire, d'autant que la royauté est à cette époque régulièrement partagée entre deux monarques dont un gouverne la moitié orientale du royaume et un autre, la moitié occidentale.
Les chartes émises par les rois du Kent constituent des sources précieuses pour la période postérieure à l'œuvre de Bède. Ces documents, conservés dans les archives des principaux monastères du royaume (Cantorbéry, Rochester, Minster-in-Thanet, Lyminge et Reculver(en)), posent néanmoins des problèmes. Elles sont souvent difficiles à dater précisément, et il n'est pas rare qu'elles aient été retouchées a posteriori pour diverses raisons. Certaines sont mêmes de complètes forgeries[2]. La numismatique joue également un rôle important pour établir la chronologie des rois de cette période, en particulier lorsque les pièces commencent à porter les noms des rois qui les ont émises, dans la deuxième moitié du VIIIe siècle[3].
Il existe par ailleurs une série de textes de nature hagiographique, dont le plus ancien remonte au XIe siècle, qui s'intéresse aux tribulations de certains descendants du roi Æthelberht de Kent, en particulier leur rôle dans la fondation du monastère de Minster-in-Thanet dans la deuxième moitié du VIIe siècle. Ces textes, regroupés par les historiens sous l'appellation collective de « légende royale du Kent », s'appuient vraisemblablement sur des documents antérieurs et offrent des informations supplémentaires sur la famille royale kentique[2].
La royauté du Kent
Bien que le récit de Bède et les listes de rois donnent l'impression d'une royauté unique, le Kent est dirigé par deux rois durant une grande partie de son existence : le premier siège à Cantorbéry et gouverne la partie orientale du royaume, tandis que le second gouverne la partie occidentale depuis Rochester. Ce dernier occupe généralement une position subalterne vis-à-vis de son homologue, et le royaume apparaît le plus souvent comme une entité unique. Cette royauté partagée est particulièrement bien attestée au VIIIe siècle dans les chartes des successeurs de Wihtred, mais on en trouve également des traces avant cette date : les rois Hlothhere et Eadric émettent ainsi un code de lois ensemble[4].
En dépit de cette double royauté, l'unité du royaume de Kent n'est jamais remise en question. Ainsi, la titulature la plus répandue dans les chartes est simplement « roi du Kent » (rex Cantiae) ou « roi des hommes kentiques » (rex Cantuariorum). Les références à la royauté partagée sont l'exception plutôt que la règle : Sigered est ainsi titré « roi d'une moitié de la province des hommes kentiques » (rex dimidie partis prouincie Cantuariorum) dans une charte[5].
L'indépendance du royaume est menacée à partir des années 760 par le puissant Offa de Mercie. Les rois du Kent ne sont plus aussi libres qu'avant : leurs donations de terres se font désormais avec l'accord explicite d'Offa. En 764, celui-ci émet même une charte en son nom concernant un domaine situé dans le Kent, comme s'il s'agissait d'une simple province de son royaume. Cette domination mercienne semble connaître un coup d'arrêt après la bataille d'Otford, un affrontement entre les deux royaumes que la Chronique anglo-saxonne date de 776 sans en préciser l'issue. Dans la mesure où Offa n'apparaît plus sur les chartes kentiques connues entre cette date et 785, les historiens modernes considèrent généralement que cette bataille correspond à une révolte couronnée de succès des habitants du Kent contre le joug mercien, qu'ils auraient réussi à repousser pour près de dix ans[6],[7].
Le retour d'Offa se traduit par une soumission complète du Kent. Durant la décennie 785-796, on ne connaît aucun roi local, et toutes les chartes kentiques connues sont émises par Offa en son seul nom. À sa mort, en 796, le royaume recouvre brièvement son indépendance sous Eadberht Præn, mais le successeur d'Offa, Cenwulf, rétablit l'autorité mercienne dans la région, d'abord en confiant le royaume à son frère Cuthred, puis en l'administrant directement comme Offa de 807 à sa mort, en 821. Un dernier sursaut d'indépendance sous Baldred prend fin en 825. Après sa victoire sur la Mercie à la bataille d'Ellendun, le roi Ecgberht de Wessex envoie son fils Æthelwulf chasser Baldred et soumettre le Kent. Avec les autres royaumes du sud-est de l'Angleterre, le Kent forme un sous-royaume qui est confié à un fils du roi du Wessex jusqu'en 860[8].
Fils d'Æthelberht Ier. Des chartes falsifiées impliquent qu'il aurait pu régner conjointement avec son père avant 616[15]. Il règne peut-être ensuite avec son frère Æthelwald, dont l'existence est incertaine[N 1]. Mort le [14].
Fils de Sæbbi, roi des Saxons de l'Est, il règne sur le Kent occidental. Il faut peut-être l'identifier au Suabertus (Swaberht) qui apparaît sur une charte à la même époque, à moins qu'il ne s'agisse d'un autre prince d'Essex[20].
Fils de Wihtred, il règne sur le Kent occidental. Sa mort est datée de 748 par la Chronique anglo-saxonne[23]. Un troisième frère, Alric, pourrait avoir partagé le pouvoir avec Æthelberht et Eadberht, mais il n'existe aucune trace de son éventuel règne[21].
Ses chartes l'identifient à Eadberht Ier, mais il semble s'agir en fait d'un autre roi, qui règne sur le Kent oriental sous la suzeraineté d'Offa, et dont les chartes auraient été falsifiées pour l'identifier à son homonyme[N 2].
Exilé à la cour de Charlemagne du vivant d'Offa, il prend le contrôle du Kent à sa mort. Il est vaincu et capturé par Cenwulf, le successeur d'Offa[26].
Peut-être placé sur le trône par Beornwulf, le successeur de Cenwulf, dont il pourrait être un parent. Il est détrôné par une armée envoyée par Ecgberht du Wessex[15].
Après la victoire du Wessex à la bataille d'Ellendun en 825, le Kent et les autres royaumes du sud-est de l'Angleterre forment un sous-royaume confié à Æthelwulf (825-839), puis Æthelstan (839 – vers 851) et enfin Æthelberht (vers 851 – 860). La pratique consistant à confier ce domaine à un autre membre de la maison de Wessex prend fin lorsque Æthelberht monte sur le trône du Wessex, en 860[8].
Eormenhild, abbesse de Minster-in-Thanet puis d'Ely ép. Wulfhere, roi de Mercie
Eorcengota, abbesse de Faremoutiers
Notes
↑Une lettre adressée par le pape Boniface III à l'archevêque Juste dans la première moitié des années 620 mentionne un roi Aduluald, forme latinisée du nom anglo-saxon « Æthelwald ». Barbara Yorke (Yorke 1990, p. 32-33, 36) considère que cet Aduluald pourrait être un frère d'Eadbald régnant sur le Kent à ses côtés, mais D. P. Kirby (Kirby 2000, p. 32) n'y voit qu'une erreur de copiste pour Audubald, c'est-à-dire « Eadbald ».
↑S. E. Kelly (Kelly 2004) et Simon Keynes (Keynes 2014, p. 523) distinguent deux Eadberht, le premier étant mort en 748, tandis que Barbara Yorke (Yorke 1990, p. 30-31) et D. P. Kirby (Kirby 2000, p. 136) n'en voient qu'un seul, qui aurait régné de 725 aux années 760.
(en) S. E. Kelly, Charters of St. Augustine's Abbey, Canterbury, Oxford, Oxford University Press, coll. « Anglo-Saxon Charters » (no 4), (ISBN978-0197261439).
(en) Simon Keynes, « Appendix I: Rulers of the English, c. 450–1066 », dans Michael Lapidge, John Blair, Simon Keynes et Donald Scragg (éd.), The Wiley Blackwell Encyclopedia of Anglo-Saxon England, Wiley Blackwell, , 2e éd. (ISBN978-0-470-65632-7).
(en) D. P. Kirby, The Earliest English Kings, Routledge, (ISBN0-415-24211-8).
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