La mourre est un jeu de hasard dans lequel deux joueurs se montrent simultanément un certain nombre de doigts, tout en annonçant chacun la somme présumée des doigts dressés par les deux joueurs. Gagne qui prédit cette somme.
Le nom « mourre » vient sans doute d’un mot dialectal du sud de l’Italie, morra, « troupeau » (les doigts levés par les joueurs faisant penser aux membres d'un petit troupeau ?)[1]. Il est encore pratiqué en Corse et dans le Sud de la France. Les nombres sont accompagnés d'expressions plus ou moins colorées et les participants crient pour intimider l'adversaire.
La pratique de la mourre est inscrite à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel français[2] depuis 2012.
Dans les œuvres culturelles
Antiquité
Ce jeu est très ancien, il est notamment évoqué dans le Satyricon de Pétrone. Les Romains l'appelaient micatio.
Cicéron rapporte que pour désigner un homme au-dessus de tout soupçon, il était d'usage de dire : « Dignus est, quicumque in tenebris mices » (« C'est un homme avec qui vous pourriez jouer à la micatio dans l'obscurité »)[3],[4],[5].
XVIe siècle
Rabelais a écrit dans son Pantagruel (Livre IV, Chapitre XIV) : « Les paiges jouaient à la mourre à belle chiquenaude »[6].
XIXe siècle
Dans son opéra Rita ou le Mari battu, Gaetano Donizetti met en scène deux hommes qui jouent une femme à la mourre et trichent pour perdre, aucun des deux ne voulant se retrouver marié à une mégère.
Dans son poème L'Ermite, tiré de Alcools, Guillaume Apollinaire lie par homéotéleute, le jeu des sonorités, la mourre à l'amour.
Dans le roman Le Chant du monde de Jean Giono, deuxième partie, chapitre III : « Dans toutes ces charrettes sauf dans celle de Gina on jouait aux cartes ou aux dés, ou à une sorte de mora où il fallait hurler des chiffres en dressant les doigts de la main droite. »
Dans le monde musulman, le jeu de mourre est connu sous le nom de mukhàraja (mot à mot : « ce qui fait sortir »)[7].
En Vallée d'Aoste, Savoie, Valais et dans le domaine francoprovençal, les nombres sont criés en francoprovençal : eun, do, trë, càtro, tchisse (ou « tòtta man » c'est-à-dire « la main entière »), chui, sat, ouette, nou, dji (ou « totte man » c'est-à-dire « les deux mains »), soit un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf et dix.
Il existe une version au Japon qui se joue à plus de deux joueurs : chacun son tour, on dit « ichi no X » où X est un nombre. Au même moment, tout le monde lève, zéro, un ou deux pouces. Si le nombre annoncé correspond au nombre de pouces, le gagnant du tour utilise un pouce de moins. Un joueur n'ayant plus de pouce gagne et se retire, alors que le dernier joueur avec un (ou deux) pouces restants perd le jeu. Le jeu peut également se jouer avec des multiples de cinq, le joueur décidant d'ouvrir sa main ou de garder son poing fermé, on parle alors de 5, 10, 15.
Bibliographie
Pascal Colletta, La Mourra Bella : histoire et histoires d’un jeu interdit, Nice, Serre, Patrimoine Régional, 2006.