Né dans la ville de Dawson[1], dans une région agricole du sud de la Géorgie[2], Otis Redding est le quatrième des six enfants d'Otis Redding Sr. et de Fannie Mae Redding[3].
Il passe toute son enfance à Macon (Géorgie)[4], dont il deviendra plus tard le maire d’honneur. Son père gagne sa vie sur la Robins Air Force Base de l'armée de l'US Air Force[5] et cumule un temps partiel de révérend[6]. L'influence religieuse familiale se ressent dans beaucoup de ses chansons.
Son père étant malade de la tuberculose, Otis Redding doit très vite quitter l’école pour subvenir aux besoins de sa famille et occupe divers petits boulots ; il est notamment batteur dans des groupes de gospel le dimanche matin, pour six dollars la matinée. Puis il part en tournée avec The Upsetters, l'ancien groupe de Little Richard, pour 25 $ par semaine[7].
Otis Redding reste longtemps à Macon auprès de sa famille, puis de sa femme, Zelma. Il participe régulièrement aux concours de talents de l'émission Teenage Party animée par Hamp Swain, et termine souvent premier[8]. Sa rencontre avec Johnny Jenkins bouleverse sa vie. Ce guitariste noir survolté qui joue de la guitare à l’envers (préfigurant le jeu explosif de Jimi Hendrix) lui propose de rejoindre son groupe, Pat T. Cake and the Mighty Panthers. L'association avec Jenkins permet à Otis Redding de rencontrer l’agent de celui-ci : Phil Walden. Le groupe tourne dans le sud des États-Unis, principalement dans le « Chitlin' Circuit », une série de boîtes de nuit et de salles de danse accueillant des musiciens afro-américains à l'époque où la ségrégation raciale des salles de concert est très répandue. Quand Jenkins quitte le groupe de Pat T. Cake pour former les Pinetoppers, il emmène Walden et Redding avec lui[9],[10].
En 1960, Otis Redding a l'occasion d'enregistrer deux premiers disques, She's All Right/Tuff Enuff et Gettin' Hip/Gamma Lama, avec un groupe nommé The Shooters pour le producteur Morey Bernstein, sans réussite[11].
Bobby Smith, qui dirige Confederate Records, enregistre un autre disque avec Redding intitulé Shout Bamalama, dans le style de Little Richard. Ce dernier obtient un petit succès local[12].
C'est alors que Joe Galkin propose à Johnny Jenkins une session d'enregistrement à Memphis, Tennessee, dans les studios Stax. Otis fait office de chauffeur pour le guitariste. Jenkins ne séduit pas du tout Jim Stewart, le producteur de Stax. Comme la séance se termine assez tôt, Otis Redding a l'occasion d'interpréter deux chansons. Il convainc la maison de disques grâce à These Arms of Mine, ballade soul qui permet au chanteur d’exprimer avec succès l'incroyable modulation de sa voix[13]. Ces ballades assurent, dans un premier temps, les succès de Redding (That’s What My Heart Needs, Pain in My Heart, jusqu’au langoureux I’ve Been Loving You). Toutefois, les titres plus durs et plus rythmés, où les cuivres prédominent, connaissent un succès moindre.
Avec Mr. Pitiful[14] les choses évoluent pour le chanteur. Le titre lui permet d'entrer dans le top 10 des chansons rhythm and blues. Selon la légende, Otis Redding, surnommé Mr. Pitiful à cause de sa voix mélancolique, aurait créé cette chanson en quelques minutes avec l’aide de son arrangeur Steve Cropper.
Avec Try a Little Tenderness, Otis Redding mêle dans une même chanson ses deux genres familiers, la ballade et la soul survoltée ; commençant par une ballade, la chanson explose finalement à grand renfort de cuivres et de chœurs.
Sa collaboration avec Carla Thomas, en 1967, donne notamment les chansons Lovey, Dovey et Tramp, enchaînant insulte sur insulte. Au mois de juin de la même année, Otis Redding se produit et se fait remarquer au très renommé festival international de musique pop de Monterey.
Après une opération de la gorge, Otis Redding peut à nouveau chanter. Au mélancolique Fa-fa-fa-fa-fa (Sad Song), symbole de ses années « pitiful », répond le truculent The Happy Song. Dans un mélange de genres étonnant, Otis Redding veut d’ailleurs reprendre beaucoup de ses chansons en accélérant les ballades et en bridant ses chansons endiablées. Il n’en aura pas le temps.
Mort
Le [6], le bimoteur privé d'Otis Redding (un Beech 18) s'écrase sur la surface gelée du lac Monona (Wisconsin)[16] alors qu'il était en approche de l'aéroport de Madison. L'avion[17] qui venait de Cleveland avait également à bord les membres des The Bar-Kays. Le musicien Ben Cauley est le seul survivant[18]. Otis Redding meurt ainsi presque trois ans jour pour jour après Sam Cooke (l’une de ses grandes idoles avec les Beatles et Bob Dylan). Peu après sa mort, Robby Krieger des Doors lui rend hommage dans la chanson Runnin' Blue(en), et le chanteur William Bell avec le titre A Tribute to a King.
De nombreux tubes sortent après sa mort, comme Match Game et (Sittin' On) The Dock of the Bay, qu'il n'a pas pu achever, le sifflotement sur la fin de la chanson occupant la place d'un dernier couplet qu'il n'avait pas encore écrit. Si cette chanson est aujourd’hui celle que le grand public associe le plus volontiers au nom d’Otis Redding, ce n’est pas seulement à cause de la mort tragique de l’auteur, survenue quelques jours après son enregistrement, mais parce qu'il s’agit, pour certains, d’un virage pop qu’aurait pu prendre la carrière de l'artiste, au sommet de sa gloire.
Hommages
À la fin des années 1970, ses fils Dexter et Otis Jr. fondent avec leur cousin Mark Locket le groupe de funk-disco The Reddings. En 1978, son nom est cité parmi ceux de chanteurs disparus dans le texte de la chanson-titre de l’album Ex-fan des sixties, écrit et composé par Serge Gainsbourg pour Jane Birkin. En 1985, le batteur-compositeur Christian Vander du groupe Magma lui dédie la chanson Otis sur l'album Merci. En 1989 Bill Deraime publie une adaptation de Sittin on the dock of the bay sour le titre Sur Le Bord De La Route (album Toujours Du Bleu). En 2002, une statue est érigée en son honneur à Macon (Géorgie), où il a passé son enfance. Un pont et une bibliothèque de la ville portent son nom. En 2011, la voix du chanteur sert de rythme dans la chanson Otis qui apparaît dans l'album Watch the Throne des rappeurs Kanye West et Jay-Z. À partir de 2011 en Europe, et en 2015 en France, créé à l’instigation de Chris Gibson (des Gibson Brothers) et animé par de nombreux artistes, le spectacle Les Rois de la soul rend hommage à Otis Redding et à d'autres étoiles de la musique soul.
Postérité
Otis Redding fait partie de la liste des cent plus grands artistes de tous les temps selon le magazine Rolling Stone[19], et France Culture considère qu'il est probablement le plus grand chanteur de la soul music[20].
(en) Mark Ribowsky, Dreams to Remember : Otis Redding, Stax Records, and the Transformation of Southern Soul, Liveright Publishing Corporation, , 416 p. (ISBN978-1-63149-193-1, lire en ligne)