Le pémétrexed est un analogue de l'acide folique inhibant préférentiellement la réplication des cellules cancéreuses.
Historique de découverte
Depuis le milieu des années 1970, l'équipe du Dr Edward C. Taylor, chimiste à l'université de Princeton et ancien consultant pour la firme pharmaceutique Eli Lilly basée à Indianapolis, s’intéressait aux inhibiteurs de l'acide folique (aminoptérine, méthotrexate, etc.) avec pour objectif de synthétiser de nouveaux dérivés moins toxiques[2],[3].
Dans les années 1980, en collaboration avec le Dr Chuan Shih, responsable du développement de médicaments anticancéreux d'Eli Lilly[4],[5], des dérivés de l'acide folique (5,10-didéaza-5,6,7,8 tétrahydrofolate ; Lometrexol[6]) ont été testés in vitro sur des modèles animaux et de xénogreffes humaines, montrant une activité plus importante que le méthotrexate[7]. Cependant, ce composé nécessitait pour sa synthèse 23 étapes dont le produit final était un diastéréo-isomère du carbone 6, dont seule l'une des deux formes devait être utilisée dans les essais cliniques conformément aux instructions de la FDA, mais le rendement de récupération était très faible[8]. Afin de contourner le problème, l'échange du noyau ptéridine pour une pyrrolo pyrimidine a abouti au composé LY231514 (pémétrexed) synthétisé en 1989[9],[2],[10]. Le premier brevet a été publié en 1991 et le développement de la molécule en médicament a été réalisé par la firme.
Synthèse chimique
Synthèse industrielle
La synthèse industrielle développée par les chimistes d'Eli Lilly fait intervenir la réaction entre le 2-bromo-4-arylbutanal et la 2,4-diamino-6-hydroxypyrimidine conduisant à la pyrrolo[2,3-d]pyrimidine. L'addition finale de l'acide glutamique aboutit au pémétrexed[11].
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Pharmacocinétique
Distribution
La liaison aux protéines plasmatiques est de 81 %. Le volume de distribution à l'état d'équilibre est de 16,1 litres.
Métabolisation et excrétion
Le pémétrexed est peu métabolisé. Il est excrété par voie rénale, sa clairance systémique totale est de 91,8 ml/min et sa demi-vie est de 3,5 heures pour une fonction rénale normale (90 ml/min)[12]. Après administration, 90 % de la dose est retrouvée sous forme inchangée dans les urines en 24 heures[13].
Co-administrations médicamenteuses
L'administration de cisplatine et des vitamines B9 et B12 concomitamment ne modifie pas la pharmacocinétique du pémétrexed.
Il a été récemment prouvé que le pémétrexed pouvait jouer un rôle dans la résistance au cisplatine dans le cancer du poumon en augmentant l'expression des canaux calciques Orai3 ainsi que l'expression de certains transporteurs ABC comme MDR1 et MRP-5 responsables de l'efflux de cisplatine et donc d'une diminution de l'effet du cisplatine[14].
Les thérapies actuelles étant basées sur la co-administration de pémétrexed et de cisplatine, il pourrait y avoir des interactions entre pémétrexed et cisplatine, notamment une diminution des effets thérapeutiques du cisplatine causée par le pémétrexed.
Indications, posologies et modalités d'administration
Dans le traitement de maintenance du cancer bronchique non à petites cellules, localement avancé ou métastatique immédiatement à la suite d'une chimiothérapie à base de sel de platine (cisplatine ou carboplatine).
En association
En première ligne
Cancer bronchique non à petites cellules localement avancé ou métastatique avec le cisplatine.
Le pémétrexed est contre-indiqué chez le patient ayant un DFG < 45 ml/min. Au-delà de 45 ml/min, il peut être utilisé à dose normale.
Modalités de reconstitution et d'administration
L'Alimta existe en deux dosages : 100 mg et 500 mg. Il se présente en poudre lyophilisée de couleur blanche à jaune pâle ou jaune verdâtre.
Le flacon de 100 mg est à reconstituer à l'aide de 4,2 ml de chlorure de sodium à 0,9 %. Le flacon à 500 mg est lui à reconstituer avec 20 ml de chlorure de sodium à 0,9 %. Après homogénéisation, il est à diluer en poche pour perfusion de 100 ml, également avec du chlorure de sodium 0,9 %.
Après reconstitution dans du chlorure de sodium 0,9 %, le pémétrexed est stable 24 heures à température ambiante[16].
En cas d'association avec le cisplatine, la perfusion de cisplatine commencera au minimum 30 minutes après la fin de la perfusion de pémétrexed.
Le pémétrexed est incompatible avec les diluants contenant du calcium, comme les solutions de Ringer et Ringer lactate.
En l'absence d'étude de stabilité, le pémétrexed ne doit pas être injecté en même temps que d'autres médicaments.
Utilisation
Précautions d'emploi
Prémédication
Dans les études de phase I, des rash cutanés sont apparus chez certains patients, prévenus dans la suite des études par une prémédication par corticoïdes la veille, le jour de l'administration de pémétrexed et le lendemain matin[3],[17],[18].
Par ailleurs, afin de réduire la toxicité du pémétrexed, une prémédication par acide folique et vitamine B12 sera effectuée :
la prise d'acide folique dosé à 0,4 mg se fera dans la semaine précédant l'injection du pémétrexed, pendant toute la durée du traitement et jusqu'à 3 semaines après la dernière administration ;
l'injection de vitamine B12 en intramusculaire se fera dans la semaine précédant l'administration de pémétrexed puis une fois tous les 3 cycles, dans ce dernier cas, l'injection pourra avoir lieu le jour de l'administration de la chimiothérapie.
Déshydratation avec hyponatrémie pouvant entraîner des affections oculaires telles que des conjonctivites
L'intensité de l'hyponatrémie semble corrélée à l'exposition au pémétrexed (AUC) et inversement corrélée avec la clairance de la créatinine[20].
Éruption cutanée et desquamation
Caractérisée par des œdèmes faciaux, périorbitaires ou touchant les membres, avec parfois des œdèmes à type de sclérodermie réversible à l'arrêt du traitement[21].
Elle intervient dans environ 6 % des cas lors de l'administration de pémétrexed seul et dans environ 11 % des cas lorsque celui-ci est donné en association avec le cisplatine[22].
Fatigue
Elle intervient dans environ 1/3 des cas lors de l'administration de pémétrexed seul et dans environ 1 cas sur 2 lorsque celui-ci est donné en association avec le cisplatine[22].
Hypersensibilité à la substance active ou à l'un des excipients (principalement le mannitol utilisé pour assurer une iso-osmolarité du médicament). Cette hypersensibilité reste exceptionnelle au vu de la dose utilisée.
Grossesse et allaitement (passage de pémétrexed au fœtus et à l'enfant).
Association concomitante avec le vaccin contre la fièvre jaune (vaccin vivant atténué avec risque de fièvre jaune induite de par la neutropénie fréquente provoquée par le pémétrexed).
Interactions médicamenteuses
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Études pré-cliniques
La combinaison pémétrexed + cisplatine a montré une activité anticancéreuse in vitro sur les lignées de cellules humaines de cancer bronchique non à petites cellules (H460) et sur un modèle animal de souris après xénogreffe de cellules cancéreuses Calu-6[24].
Études cliniques
Phases I et II
Trois études de phase 1 ont été réalisées afin de déterminer la dose appropriée de pémétrexed. Dans ces 3 études, la durée de perfusion était de 10 minutes[25].
Dans la première étude a été administrée de manière hebdomadaire une dose de 10 à 40mg/m2 pendant 4 semaines toutes les 6 semaines. La dose maximale tolérée était de 40 mg/m2. Dans la deuxième étude, le pémétrexed a été administré entre 0,2 et 5,2mg/m2 chaque jour pendant 5 jours toutes les 3 semaines. La dose journalière maximale tolérée était de 4 mg/m2. Dans la troisième étude, le pémétrexed a été administré entre 50 et 700mg/m2 une fois toutes les 3 semaines. La dose maximale tolérée était alors de 600 mg/m2 avec une dose limitante causée par la toxicité hématologique et la fatigue. Sur la base de la plus haute dose-intensité possible, le 3e schéma d'administration a finalement été retenu.
La dose initialement retenue pour la phase 2 était de 600 mg/m2, réduite par la suite à 500 mg/m2 en raison des toxicités induites. Il a par ailleurs été observé que la toxicité hématologique était corrélée à la fonction rénale. Une nouvelle étude de phase 1 a alors été menée stratifiant les patients en fonction de leur fonction rénale. La clairance rénale étant corrélée au taux de filtration glomérulaire.
Le pémétrexed a par la suite été testé en monothérapie et en association avec l'irinotécan, la gemcitabine, les taxanes, la vinorelbine, les sels de platine, la doxorubicine et le fluorouracil, et présente une activité dans les mésothéliomes, le cancer du poumon non à petites cellules, le cancer du sein, de l'utérus, de la vessie, de la tête et du cou, le cancer colorectal et pancréatique[25]. Une concentration sanguine élevée en acide méthylmalonique, signe d'un déficit en vitamine B12 ou vitamine B9 (folates), a été associée au cours d'une étude à des diarrhées et des mucites plus fréquentes. Une supplémentation en folates (350 à 1 000μg) et vitamine B12 (1 000μg en IM) toutes les 9 semaines a donc été lancée.
Phase III
Mésothéliome (1re ligne)
Étude EMPACIS : étude de phase 3 multicentrique, randomisée, en simple aveugle, comparant pémétrexed + cisplatine vs cisplatine seul. La survie globale médiane est de 12,1 mois dans le groupe pémétrexed et de 9,3 mois dans le groupe cisplatine seul.
Cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC)
1re ligne :
Étude clinique de phase 3 multicentrique, randomisée, en ouvert comparant pémétrexed + cisplatine vs gemcitabine + cisplatine. L'analyse statistique a montré la non-infériorité du pémétrexed + cisplatine.
2e ligne :
Étude clinique de phase 3 multicentrique, randomisée, en ouvert comparant pémétrexed vs docétaxel. La médiane de survie globale est de 8,3 mois pour le groupe pémétrexed (population en intention de traiter : n = 283) et de 7,9 mois pour le groupe docétaxel (population en intention de traiter : n = 288). Une analyse de l'influence de l'histologie du CBNPC sur l'effet du traitement sur la survie globale a été réalisée. Les résultats sont en faveur du pémétrexed lorsque l'histologie n'est pas à prédominance épidermoïde (n = 399, 9,3 vs 8,0 mois), et en faveur du docétaxel lorsque l'histologie est de type carcinome à cellules épidermoïdes (n = 172, 6,2 vs 7,4 mois).
Traitement de maintenance
Étude JMEN[26] : étude de phase 3 multicentrique, randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo. La survie sans progression était meilleure dans le groupe pémétrexed par rapport au groupe placebo (médiane de 4,0 vs 2,0 mois). La survie globale médiane pour la population globale (n = 663) était de 13,4 mois pour le bras pémétrexed et 10,6 mois pour le bras placebo.
Étude PARAMOUNT[27]: étude de phase 3 multicentrique, randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo. L'étude a atteint son objectif principal et a montré une amélioration statistiquement significative de la survie sans progression dans le groupe pémétrexed par rapport au groupe placebo (médianes de 3,9 vs 2,6 mois). À la suite d'un traitement d'induction avec pémétrexed + cisplatine (4 cycles), le traitement par pémétrexed était statistiquement supérieur au placebo pour la survie globale (médiane de 13,9 mois versus 11,0 mois). Lors de l'analyse finale de la survie, 28,7 % des patients étaient en vie ou perdus de vue dans le bras pémétrexed vs 21,7 % dans le bras placebo. Les taux de survie à 1 an et à 2 ans des patients sous pémétrexed étaient de 58 % et 32 % respectivement, comparés à 45 % et 21 % pour les patients sous placebo.
Phase IV
La toxicité rénale des antimétabolites est connue. Celle-ci a également été rapportée avec le pémétrexed dans des études cliniques et dans des cas rapportés dans la littérature avec une insuffisance rénale aiguë apparaissant de J2 à J54. Ainsi, 5 à 10 % des patients recevant plus de 4 cycles de chimiothérapie par le pémétrexed développent une toxicité rénale progressive et cumulative[28].
Autres études cliniques
Le pémétrexed a été testé dans les cancers du côlon, du sein, du pancréas, de l'estomac, de la vessie, du col de l'utérus et de la tête et du cou[28].
La Haute Autorité de santé (HAS) considère que le service médical rendu par l’Alimta est important. Par ailleurs, dans le traitement du CBNPC, si l’histologie n’est pas à prédominance épidermoïde, en 1re ligne de traitement et en association avec le cisplatine, l’Alimta n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V) par rapport à la gemcitabine[29].
NICE (Royaume-Uni)
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Prise en charge
Le coût de l'Alimta à 100 mg est de 215,681 € HT et de 1 026 € HT pour celui à 500mg (données du )[30].
L'Alimta est un médicament qui peut être rétrocédé aux particuliers et facturé dans le cadre d'une hospitalisation en sus du GHS. Il est alors remboursé à 100 %.
Marché
Les ventes d'Alimta ont rapporté à l'entreprise Eli Lilly 142,6 millions de dollars US en 2004, et plus de 2,79 milliards de dollars en 2014, ce qui en fait le médicament le plus vendu du groupe[31],[32].
Le brevet principal d'exploitation de l'Alimta prévoyait la fin du monopole en .
Le brevet d'exploitation du pémétrexed expirant en 2015, la société Actavis a attaqué le brevet d'Eli Lilly et remporté en Allemagne son procès.
Les royalties reversées à l'université de Princeton ont permis de financer la construction d'un bâtiment consacré à la chimie sur le campus de l'université[33].
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