La région est fréquentée depuis 4 000 ans par les Micmacs et leurs prédécesseurs. Elle a été colonisée à partir de la fin du XVIIIe siècle par les Acadiens ainsi que par les Loyalistes de l’Empire-Uni et des colons provenant des îles Britanniques. Le parc fut créé en 1969 à la suite d'une entente entre les gouvernements fédéral et provincial qui fut officialisée le . Cette création provoqua l'expropriation de 228 foyers et reçut une résistance acharnée de la population. Cette opposition permit entre autres le maintien de deux ports de pêche dans le parc et changea finalement la méthode d'acquisition des terres en milieu habité par Parcs Canada pour les parcs subséquents.
Le parc national de Kouchibouguac a une superficie de 239,2 km2 dont 198,7 km2 sont en zone terrestre et 40,5 km2 en milieu marin[1]. Il est situé au bord du détroit de Northumberland, dans le Nord-Ouest du comté de Kent, près de la ville de Richibouctou. Le parc s'étend sur le territoire du district rural de Kent. Il est limitrophe du village de Beaurivage à l'ouest. Il est situé à 110 kilomètres de Moncton et à 50 kilomètres de Miramichi.
Le parc est situé dans les Appalaches. Le substrat rocheux est composé de conglomérat, d'argilite et de grès gris et rouge datant du Pennsylvanien (il y a 318 à 299 millions d'années)[6]. La totalité du parc est comprise dans une seule formation, la formation de Richibucto[7].
Les dépôts de surface sont généralement composés de tourbe dans les régions ayant un mauvais drainage et de sable, de silt de gravier et d'argile provenant de dépôts laissés par une régression marine. Ils ont une épaisseur de 0,5 à 5 mètres en moyenne. Le front marin est quant à lui composé d'un cordon littoral, lui-même constitué de gravier et de sable, ayant plus d'un mètre d'épaisseur[8],[6].
Relief et hydrographie
Le relief du parc est généralement plat, allant du niveau de la mer à seulement 33 mètres d'altitude au point le plus élevé. Le terrain est souvent mal drainé et les tourbières et marais couvrent 24 % du territoire du parc[9]. La section maritime du parc, occupant 18 % de la surface totale, couvre deux barachois, celui de la baie de Kouchibouguac et celui de la baie de Saint-Louis[9]. Ces barachois sont séparés de la mer par un cordon littoral composé de trois « dunes » (îles de sables) à savoir les dunes de Kouchibouguac Nord, de Kouchibouguac Sud et de Richibouctou Nord.
Le parc est traversé par plusieurs rivières, soit, du nord au sud, les rivières au Portage, Fontaine, Black, Kouchibouguac et Kouchibouguacis. Elles traversent le parc de l'ouest vers l'est. Les estuaires de ces rivières sont profonds et peuvent pénétrer jusqu'à 30 kilomètres à l'intérieur des terres[6].
Climat
Kouchibouguac a un climat de type continental humide, caractérisé par des étés chauds et des précipitations uniformément réparties sur l'année[10]. Le mois le plus chaud a une température moyenne de 19,3 °C et le plus froid une température de −10 °C. Le parc reçoit 1 200 mm de précipitations dont 300 cm de neige.
La vitesse moyenne des vents est de 22 km/h dans les endroits abrités et de 27 km/h dans les endroits exposés. Ceux-ci proviennent généralement du sud-ouest à l'exception des mois de mars et avril où ils viennent du nord-ouest[10].
La flore de Kouchibouguac est composée de 1 600 espèces de végétaux dont 619 espèces de plantes vasculaires, 178 espèces de lichens et 30 espèces de mousses[17].
Les tourbières, installées dans les dépressions mal drainées, recouvrent 21 % de Kouchibouguac[19]. La tourbe peut atteindre une épaisseur de 6 mètres au centre des dépressions[19]. Outre la sphaigne, on y retrouve des éricacées et quelques rares arbres[19]. Les marais salés couvrent environ 3 % du parc[20]. On y retrouve 72 espèces de végétaux (huit arbustes, trois mousses et 61 espèces de plantes herbacées[20]). Malgré la faible superficie qu'ils couvrent, ils servent de lieu de reproduction pour la plupart des oiseaux du parc[20].
Les principales espèces de poissons sont le saumon atlantique (Salmo salar), l'anguille d'Amérique (Anguilla rostrata), le bar rayé (Morone saxatilis) et le lançon d'Amérique (Ammodytes americanus)[17]. Deux espèces sont considérées en péril, le bar rayé et l'anguille d'Amérique[23].
Crabe de boue (Dyspanopeus sayi) près de la rivière Kouchibouguacis
Le territoire du parc contient 26 sites archéologiques amérindiens dont le plus ancien date d'il y a environ 4 000 ans, de l'Archaïque maritime, jusqu'aux années 1960[28]. Lors de l'arrivée des Européens, le territoire est déjà peuplé par les Micmacs[28], qui utilisent le territoire du parc comme terrain de chasse, de cueillette et surtout comme lieu de pêche, dont ils retirent 90 % de leurs besoins[28]. Les maladies amenées par les Européens déciment cependant environ 75 % de la population[28]. Les survivants se retrouvent à partir du début du XIXe siècle confinés dans de petites réserves[28]. Les bandes micmacs les plus proches sont celles d'Indian Island et d'Elsipogtog qui sont situées sur la rivière Richibouctou et celles d'Eel Ground, de Metepenagiag et de Burnt Church dans la vallée de la rivière Miramichi.
En 1969, une entente fédérale-provinciale est signée dans le but de créer un nouveau parc national[30]. Toute la population est expropriée[31]. La cause des expropriés suscite l'intérêt des étudiants, lors des manifestations des années 1960[32]. Les expropriés reçoivent une compensation mais tous ne l'acceptent pas, notamment Jackie Vautour[32]. Ce dernier est expulsé en 1976, logé dans un motel aux frais du gouvernement puis expulsé au moyen de gaz lacrymogène en 1977[32]. Il retourne vivre dans le parc en 1978, où il habite toujours avec sa famille[32]. Après avoir été accusé puis acquitté de pêche illégale de coques dans les années 1990, il poursuit le gouvernement fédéral à partir de 2002, arguant qu'en tant que Métis, ses droits ancestraux l'autorisent à pêcher dans le parc, selon la Constitution du Canada[33].
Le parc est finalement créé au niveau législatif le [34]. L'expropriation est contestée en justice plus tard dans l'année, mais les plaignants sont déboutés[31]. Une émeute impliquant deux cents personnes éclate par la suite, suivie d'une autre quelques semaines plus tard[31]. À la suite de l'opposition soulevée par les expropriations, le gouvernement du Nouveau-Brunswick décide de former une commission d'enquête, la Commission spéciale d’enquête sur le Parc national de Kouchibouguac (aussi connue sous le nom de commission LaForest-Roy), dans le but d'examiner les incidences sociales et économiques provoquées par la création du parc[35]. Les gouvernements fédéral et du Nouveau-Brunswick donnent leurs réponses au rapport de la commission l'année suivante[35]. Les principaux points de la nouvelle entente visent le maintien de la pêche de la mye commune, de l'anguille d'Amérique, du gaspareau et de l'éperlan arc-en-ciel, le maintien de deux ports pour la pêche dans le parc, ainsi que le dragage des cours d'eau pour l'accès des navires ; des emplois sont attribués aux anciens résidents et l'histoire humaine du territoire du parc est reconnue[35]. Enfin, le rapport de la commission change la méthode d'acquisition des terres pour les futurs parcs nationaux, le gouvernement fédéral préférant créer des parcs dans le Nord du pays[31]. Pour les parcs au Sud du pays, le gouvernement fédéral privilégie maintenant les ententes de gré à gré, comme pour le parc national des Prairies[36].
Le parc est administré, à même le site, par Parcs Canada, une agence du ministère de l'Environnement du Canada. Pour l'année financière 2011-2012, l'agence dispose d'un budget de 696 millions de dollars pour gérer 42 parcs nationaux, 956 lieux historiques nationaux — dont 167 gérés directement par l'agence — et quatre aires marines nationales de conservation[38].
Créé en 1911 sous le nom de division des parcs du Dominion, Parcs Canada est le premier service de parcs nationaux à avoir été créé au monde. Depuis 1930, la Loi sur les parcs nationaux interdit l'exploration et l'exploitation minières ainsi que l'exploitation forestière dans les parcs. En 1970, Parcs Canada adopte un plan pour la création de nouveaux parcs nationaux basé sur la représentativité des caractéristiques physiques, biologiques et géographiques des 39 régions terrestres du Canada[39]. Actuellement[Quand ?], 28 des 39 régions terrestres, soit 70 % du réseau, sont représentées par un parc national[38].
Tourisme
Fréquentation
Le parc a reçu 162 804 visiteurs en 2010–2011, soit environ 120 000 visiteurs de moins que Fundy, l'autre parc national de la province[3]. Il est fréquenté à 84 % par des Canadiens et à 6 % par des Américains, pour seulement 10 % restants arrivant d'autres pays[40]. Seulement 20 % des visiteurs canadiens viennent du Nouveau-Brunswick, le reste provenant des autres provinces, en majorité du Québec[40]. La moitié des visiteurs du parc parlent le français[40]. Environ 71 % du public est constitué de visiteurs réguliers[40].
Infrastructure
Le parc est accessible par trois routes provinciales. La route 11 relie le parc à Miramichi au nord et Moncton au sud. La route 117 traverse le secteur nord du parc en direction de Pointe-Sapin. Enfin, la route 134 dessert les communautés situées en parallèle à la route 11 dont Saint-Louis-de-Kent.
Le parc possède deux terrains de camping totalisant 343 emplacements[41]. Il est aussi possible de camper dans trois campings rustiques accessibles seulement à vélo, par randonnée pédestre, en canot ou par kayak[41].
En hiver, les visiteurs peuvent faire du ski de fond sur un réseau de 28 km de pistes[44]. On peut y pratiquer aussi la raquette et la randonnée[46].
Culture populaire
Jackie Vautour et sa famille sont devenus le symbole de la résistance à l'expropriation[32] et plusieurs artistes se sont inspirés des événements. L'expropriation du parc national est ainsi traitée dans la pièce de théâtre pour enfants Kouchibou quoi ? (1975), de Roger Leblanc[47]. Avec Cochu et le soleil (1977), Jules Boudreau fait un lien entre la déportation des Acadiens et cet événement ; le personnage de Grégoire Cochu rappelle Jackie Vautour, à qui est dédiée la pièce[48]. La pièce de théâtre Wolfe (2011), d'Emma Haché, traite de l'expropriation et est jouée à Moncton et à Ottawa[49].
Le groupe 1755 ainsi que l'auteur-compositeur lousianaisZachary Richard ont été inspirés par le drame des expropriés de Kouchibouguac. Le premier a écrit la chanson Kouchibouguac[50]. Quant à Zachary Richard, il a chanté La balade de Jackie Vautour dans son album Migration en 1978[51] et mentionne Kouchibouguac dans la chanson Petit Codiac, dans son album Cap Enragé en 1998[52]. Édith Butler mentionne l'expropriation dans sa chanson Paquetville. Daniel Léger a dédié une chanson à Jackie Vautour[53].
Le parc fait l'objet d'un poème dans le recueil de poésie La terre tressée, de Claude Le Bouthillier[56].
Des retrouvailles annuelles sont organisées dans le parc depuis 2006[57].
L'historien Ronald Rudin, de l'Université Concordia, annonce en 2009 vouloir écrire un livre sur l'histoire du parc[57] et lance le site web Le Retour des voix au parc national de Kouchibouguac[58]. En 2016, il publie Kouchibouguac: Removal, Resistance, and Remembrance at a Canadian National Park. Le roman Infini de Jean Babineau porte sur l'expropriation des Acadiens de Kouchibouguac[59].
Notes et références
Notes
↑Le parc national de Kouchibouguac a été établi en 1969 à la suite d'une entente fédérale-provinciale mais n'a cependant été créé au niveau législatif qu'en 1979.
↑(en) Alan Rayburn, Geographical Names of New Brunswick, Ottawa, Énergie, Mines et Ressources Canada, , p. 150.
↑ ab et cVincent F. Zelazny, Notre patrimoine du paysage : L’histoire de la classification écologique des terres au Nouveau-Brunswick, Fredericton, Ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick, , 2e éd., 404 p. (ISBN978-1-55396-204-5, lire en ligne), p. 334–335
↑(en) E.A. Smith, Bedrock geology of central New Brunswick (NTS 21 I and part of 11 L), New Brunswick Department of Natural Resources ; Minerals, Policy and Planning Division, (lire en ligne)
↑Les régions écologiques de l'Amérique du Nord : Vers une perspective commune, Montréal, Commission de coopération environnementale, , 70 p. (ISBN2-922305-19-8, lire en ligne), p. 18-19
↑Gouvernement du Canada, « DORS/79-73 Proclamation portant mise à part de terres pour le parc national de Kouchibouguac », Gazette du Canada, Partie II, vol. 113, no 2, , p. 257-258 (lire en ligne)
↑David Lonergan, Paroles d'Acadie : Anthologie de la littérature acadienne (1958-2009), Sudbury, Prise de parole, , 445 p. (ISBN978-2-89423-256-9), p. 17-21
Parcs Canada, Parc national du Canada Kouchibouguac : Plan directeur, Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, , 98 p. (ISBN978-1-100-92438-0, lire en ligne)
La version du 18 février 2011 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.