Il a partagé pendant dix ans la vie de la chanteuse Nico puis pendant vingt ans celle de la réalisatrice Caroline Deruas[4] avec qui il a eu une fille, Lena Garrel, actrice.
Il a mis en scène, au cinéma, ses amis et plusieurs membres de sa famille[5].
Jeunesse et formation
Profitant de la carrière florissante de son père dans le cinéma des années 1960, il devient stagiaire à 16 ans sur Le Vieil Homme et l'Enfant de Claude Berri. Ayant les moyens de racheter des chutes de pellicule à la fin du tournage, il réalise — en trois jours — son premier court métrageLes Enfants désaccordés[6], dans lequel Maurice Garrel joue le rôle du père.
À la fin du mois de , paniquant devant l’ampleur de la contestation, il part à Munich pour tourner son deuxième long métrage, Le Révélateur, avec Bernadette Lafont et Laurent Terzieff[4].
Sa rencontre avec la chanteuse Nico lui inspire plusieurs films dont elle composera la musique. Entre 1970 et 1972, il tourne La Cicatrice intérieure, au Nouveau-Mexique, en Islande, en Italie et en Égypte[7], Les Hautes Solitudes en 1973, Un ange passe en 1975, Le Berceau de cristal en 1976. De sa séparation douloureuse d'avec Nico il tirera L'Enfant secret, avec deux anciens acteurs de Robert Bresson, Anne Wiazemsky et Henri de Maublanc[9].
À partir des années 1980, son cinéma, très expérimental jusque-là, renoue avec la narration. Il reconnaît d'ailleurs cette rupture dans son œuvre :
« C’est vrai qu’au tournant des années 80, les cinéastes de ma génération, Chantal Akerman, Werner Schroeter, nous qui étions tous très godardiens, sommes revenus vers le récit, le scénario[4]. »
Son plus grand succès en salles[4], avec 95 000 entrées, est Le Vent de la nuit en 1999.
Dans Les Amants réguliers (2005), récit autobiographique sur les événements de mai 68, il donne le principal rôle masculin à son fils Louis Garrel. Le film, diffusé sur Arte devant 180 000 téléspectateurs, ne fera que 38 000 entrées[4],[12] par la suite en salles.
« Je suis un cinéaste indépendant français et je suis fier que des Italiens me récompensent. L'Italie est pour moi comme une grande université du cinéma. »
Analyse de l'œuvre
Son œuvre, favorablement accueillie par une bonne partie de la critique, à commencer par les Cahiers du cinéma[17], trouve néanmoins une audience publique relativement confidentielle[18].
Très influencés par l'underground, ses premiers longs métrages, produits de manière artisanale, vont à contre-courant de la dramaturgie et des modes de financement majoritaires de l'industrie du cinéma[18]. Ses films reposent généralement sur un canevas très ténu, une narration linéaire, des décors et des dialogues réduits à leur strict minimum et plusieurs plans fixes[5]. Le rythme est souvent lent et ses réalisations comportent une esthétique contemplative dérivant, par instant, vers l'onirisme[5]. Son œuvre constitue un ensemble cohérent par l'expression d'un « je » cinématographique[19]. En effet, ses réalisations le mettent souvent en scène dans une série de personnages conçus comme des alter ego sur l'exemple de François Truffaut auxquels ils empruntent aussi le thème de l'adolescence perturbée[5].
Dans plusieurs films, les personnages ont le même âge que le réalisateur : lorsqu'il est adolescent, ils sont adolescents ; une fois qu'il devient père il filme son fils Louis dans Les Baisers de secours et, avec La Naissance de l'amour, il parle de la vie de famille et des rapports amoureux du point de vue de l'homme de 45 ans qu'il est devenu[20].
Les Cahiers du cinéma notent, à la sortie de La Naissance de l'amour en 1993, que, périodiquement, Garrel arrive à un problème esthétique, une question artistique qui ne peut se résoudre facilement[20]. Cet obstacle revivifie son cinéma[20]. C'est ce qui arrive à la fin des années 1970, lorsque, avec les films de la fin de la première période (Voyage au jardin des morts ou Le Bleu des origines), Garrel arrive à une limite dans sa veine « hermétique », celle de « l'art pour l'art »[20]. Il repart alors vers l'autobiographie et réalise L'Enfant secret, film que les Cahiers qualifient de « magnifique »[20]. La limite de la veine autobiographique serait Elle a passé tant d'heures sous les sunlights, où le cinéaste paraît vouloir « tout montrer et tout garder » : aussi bien les claps des plans que la crise d'appendicite qu'il vient d'avoir[20].
Les trois films suivants sont écrits avec des scénaristes (comme Jean-François Goyet) ou des écrivains (Muriel Cerf, Marc Cholodenko) tandis que Garrel se dote d'équipes de tournage et de montage plus professionnelles qu'à ses débuts[20]. C'est ensuite sans doute après s'être confronté à la question du deuil dans J'entends plus la guitare, film « semi-réussi » d'après les Cahiers, qui aborde la mort de la chanteuse Nico, qu'il a pu réaliser La Naissance de l'amour, un de ses plus beaux films selon la revue qui le qualifie de « libre et inspiré », où la douleur est aussi présente mais où « elle se teinte plutôt d'une douce mélancolie[20] ».
« […], ça me convient assez de me définir comme le disciple de Godard. C’est mon maître. Il arrive à faire des choses auxquelles je ne suis jamais arrivé[4]. »
L'écrivain et critique Éric Neuhoff, dans un billet évoquant l'ensemble de son travail, ainsi que celui de Benoît Jacquot et de Jacques Doillon, estime leur cinéma « prétentieux », « narcissique », composé d'histoires d'incestes, d'hommes mûrs couchant avec de jeunes adolescentes[21].
Accusations de violences sexuelles
En août 2023, cinq comédiennes mettent en cause Philippe Garrel au sein d'une enquête de Mediapart, l'accusant d'avoir des gestes déplacés, de tenter des baisers non consentis et de leur avoir demandé des faveurs sexuelles en échange d'un rôle[22],[23]
↑« Ce qui me branchait à l'époque, c'était d'être le plus jeune cinéaste du monde : tourner un film 35 mm à 16 ans. Je l'ai monté à toute vitesse et la télévision l'a acheté » ; entretien avec Philippe Garrel, Cahiers du cinéma, no 671, octobre 2011.
↑« Jacquot, Doillon, Garrel : se replonger dans leur filmographie est une punition », Le Figaro.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑Sophie Boutboul, « Des faveurs sexuelles contre un rôle dans un film : plusieurs femmes incriminent Philippe Garrel », Mediapart, (lire en ligne, consulté le ).
↑E.P., « "Je ne peux pas faire le film si je ne couche pas avec toi" : plusieurs comédiennes accusent Philippe Garrel de violences sexuelles », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
Jacques Déniel (sous la dir. de), Philippe Garrel, éditions Studio 43 (Dunkerque) - MJC de Dunkerque, 1989.
Thomas Lescure (préf. Jean-Luc Godard, Leos Carax et Jean Douchet), Une caméra à la place du cœur : entretiens, Aix-en-Provence, Institut de l'Image, .
Stefano Della Casa et Roberto Turigliatto, Philippe Garrel, Lindau Cinema, 1994.
RosaMaria Salvatore, Traettorie dello sguardo Il cinema di Philippe Garrel, Il Poligrafo, 2002.
Quim Casa (sous la dir. de), Philippe Garrel El cine revelado, Festival de Saint-Sébastien, 2007.
Valentina Domenici, Il corpo e l'immagine Il primo cinema di Philippe Garrel, Armando editore, 2008.
Philippe Azoury, Philippe Garrel en substance, Capricci, .
Dominique Bax (sous la dir. de), Philippe Garrel, Théâtre au cinéma Bobigny 2013, 2013.
Thibault Grasshoff, Philippe Garrel : une esthétique de la survivance. Essai sur la mémoire et la mélancolie, Lettmotif, 2015.
Kim Eunhee (sous la dir. de), Philippe Garrel, désespoir éblouissant, hm, 2016.
Michael Leonard, Philippe Garrel, Manchester University Press, 2020.
Articles
André Habib, « La rue est entrée dans la chambre ! : Mai 68, la rue et l’intimité dans The Dreamers et Les amants réguliers », Cinémas : revue d'études cinématographiques/ Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 21, no 1, , p. 59-77 (DOI10.7202/1005630ar, lire en ligne)
Entretiens : « Cerclé sous vide » (n° 204, ) ; « Entretien avec Philippe Garrel » (n° 344, ) ; « Le refus du drame » (n° 424, ) ; « Propos rompus » (n° 447, ) ; « Au hasard de la rencontre » (n° 533, ) ; « L'homme d'une seule prise » (n° 563, ) ; « L'art et mai 68 » (n° 606, ) ; « Mon but est de faire des films d'amour politiques » (n° 671, ) ; « Une caméra d'actualités » (n° 711, )
Dialogues : « Dialogue en apesanteur, Philippe Garrel rencontre Leos Carax » (n° 365, ) ; « Dialogue avec Serge Daney » (n° 443/444, mais 1991) ; « Dialogue avec Maurice Pialat » (n° 477, )
Document : « Philippe Garrel, voyage second » - Discussion publique inédite de Philippe Garrel à Digne, (n° 688, )
Entre 1975 et 1982, le cinéaste Gérard Courant a réalisé 6 longs métrages d'entretiens audio avec Philippe Garrel pour ses Carnets filmés qu'il a ensuite mis en images et qui ont tous été édités en DVD (3 doubles DVD) en 2012 par les Éditions L'Harmattan. Gérard Courant a ensuite poursuivi son travail de mémorialiste autour de l'œuvre de Garrel jusqu'en 2016 avec en particulier un ensemble de films tourné en 2015 à Séoul (Corée du Sud). Depuis 1975, Gérard Courant a consacré plus de 20 heures de films à Philippe Garrel et à son cinéma :