Codirecteur avec Benjamin Péret des trois premiers numéros de la revue La Révolution surréaliste, il ouvre le Bureau de recherches surréalistes, au 15 rue de Grenelle, dans un immeuble qui appartient à son père (). La parution du troisième numéro de La Révolution surréaliste, le , marque le début d'une prise de distance entre Breton et Naville. Pour deux raisons essentielles : son article « Beaux-Arts », dans lequel il déclare « Plus personne n'ignore qu'il n'y a pas de peinture surréaliste », ainsi que ses doutes sur les réelles capacités du groupe surréaliste à « changer la vie ». Pour lui, il importe de savoir « si l'idée de révolution doit prendre le pas sur l'idée surréaliste, si l'une est la rançon de l'autre ou si les deux vont de pair ».
En 1924, il effectue son service militaire, échappant à la guerre du Rif grâce à ses relations[6]. Il en profite pour lire Lénine et Trotski et prendre ses distances avec l'idée d'une révolution seulement artistique[6]. Il passe en conseil de guerre pour « outrage au drapeau français ». Il entre en contact avec les intellectuels communistes qui dirigent la revue Clarté et fait la liaison avec les surréalistes. Il participe à la déclaration commune publiée dans le quotidien L'Humanité : « La révolution ne peut être conçue que sous sa forme économique et sociale », il ne peut y avoir de « conception surréaliste de la révolution »[7].
Les « Adresses » au Pape, au Dalai-Lama, aux « médecins-chefs des asiles de fous », écrites par Antonin Artaud lui paraissent de vaines provocations. Pierre Naville voudrait que le groupe passe d'une révolte littéraire à l'action révolutionnaire. Sur ce point, Breton répond :
« Nous demeurons acquis au principe de toute action révolutionnaire, quand bien même elle prendrait pour point de départ une lutte des classes, et pourvu seulement qu'elle mène assez loin[8]. »
Dès son retour à la vie civile, il adhère au Parti communiste français qui lui demande de prendre la direction de la revue Clarté, animée par Henri Barbusse[7]. En 1926, il publie La Révolution et les Intellectuels (Que peuvent faire les surréalistes), écrit lors de son service militaire, où il tente de faire évoluer le surréalisme vers le marxisme. Ce texte provoque des tensions avec le groupe surréaliste, bien que l'orientation du mouvement ne semble pas différente. Selon Breton :
« Il n'est personne de nous qui ne souhaite le passage du pouvoir des mains de la bourgeoisie à celles du prolétariat. En attendant, il n'est pas moins nécessaire, selon nous, que les expériences de la vie intérieure se poursuivent et cela, bien entendu, sans contrôle extérieur, même marxiste. »
Il transforme alors Clarté en tribune de l'Opposition de gauche au PCF, y publiant notamment le Testament de Lénine, tenu secret par Staline. Le journal est alors renommé La lutte des classes[6]. Ces publications entraînent son exclusion du PCF en 1928. Il rencontre alors l'autre leader trotskiste français, Raymond Molinier, avec qui les relations resteront tendues au niveau personnel[6]. Après l'expulsion de Trotski d'URSS, en 1929, il se rend dans l'île de Prinkipo avec Molinier et Rosenthal pour lui rendre visite[6]. Le « Vieux[Qui ?] » charge Alfred Rosmer d'unifier la tendance de Molinier avec les surréalistes, ce qui est fait avec la création de La Vérité en 1929, suivie de la Ligue communiste[6].
Nommé directeur de recherche en 1947, il travaille avec Georges Friedmann au Centre d'études sociologiques, consacrant ses travaux à la psycho-sociologie du travail, à l'étude de l'automation, de la société industrielle, à la psychologie du comportement. En , la publication d’un texte d'inspiration marxiste révolutionnaire, « Les États-Unis et les contradictions capitalistes », est l'occasion de la brouille entre Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty. Ce dernier juge l'article impubliable sans un avertissement de la rédaction, que Sartre supprime peu de temps avant impression, sans en avertir Merleau-Ponty. Naville s'intéresse également aux stratèges et théoriciens de la guerre, notamment Clausewitz, dont il supervise la traduction et édite l'œuvre complète. La publication du Nouveau Léviathan, en 1957, montre qu'il n'a jamais cessé de réfléchir en historien et en philosophe sous le couvert de la sociologie et de la science économique[7].
La Psychologie du comportement, Gallimard, collection Idées, 1963
La Classe ouvrière et le régime gaulliste, 1964
Épistémologie sociologique, revue qu'il dirige de 1964 à 1972 au Centre d'Études Sociologiques, dans le cadre du Centre National de la Recherche Scientifique.
L'État entrepreneur : le cas de la régie Renault, avec Jean-Pierre Bardou, Philippe Brachet et Catherine Lévy, 1971
L'Entre-deux-guerres, 1976
Autogestion et planification, 1980
Sociologie d'aujourd'hui, 1981
La Maîtrise du salariat, 1984
Autres
Les Reines de la main gauche, 1924, récit poétique
Le Temps du surréel, 1977, réflexions sur le surréalisme
Mémoires imparfaites (Le Temps des guerres), 1987.
Bibliographie
Amouroux, R., & Zaslawski, N. (2020). “The damned behaviorist” versus French phenomenologists: Pierre Naville and the French indigenization of Watson’s behaviorism. History of Psychology, 23(1), 77–98. https://doi.org/10.1037/hop0000129
Des Sociologies face à Pierre Naville ou l'archipel des savoirs, Centre Pierre Naville.
Françoise Blum (éd.), Les Vies de Pierre Naville, Presses Universitaires du Septentrion, 2007, (ISBN978-2-85939-966-5)
Alain Cuénot, Pierre Naville (1904-1993). Biographie d'un révolutionnaire marxiste, Bénévent éditeur, 2008, 686 p.
Pierre Rolle, « Les Logiques de la découverte et celles de l'action », dans Pierre Naville, la passion de la connaissance, Michel Eliard, Presses universitaires de Toulouse-le-Mirail, 1996.
↑(en) Rémy Amouroux et Nicolas Zaslawski, « “The damned behaviorist” versus French phenomenologists: Pierre Naville and the French indigenization of Watson’s behaviorism. », History of Psychology, vol. 23, no 1, , p. 77–98 (ISSN1939-0610 et 1093-4510, DOI10.1037/hop0000129, lire en ligne, consulté le )
↑Entretien Alain Cuénot et Maurice Nadeau, dans La Quinzaine littéraire n°972, 1er juillet 2008, p. 27-28.
↑Henri Béhar, André Breton. Le Grand indésirable, Fayard, 2005, Calmann-Lévy 1990, page 198. André Breton, Œuvres complètes, tome 1 », Gallimard, Paris, 1988, page 906. La Quinzaine littéraire, art. cit.
↑Marguerite Bonnet « Chronologie d'André Breton. Œuvres complètes, tome 1 », Gallimard, p. LIII.